• Pr Pascal Chanez : Asthme persistant : L’écoute du patient au cœur du diagnostic

Pascal Chanez

Discipline : Pneumologie

Date : 10/01/2024


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Trop souvent négligé ou minimisé par les patients, l’asthme persistant impacte considérablement leur qualité de vie. Il existe pourtant des traitements efficaces, à condition de les prendre correctement et tout au long de l’année, rappelle le Pr Pascal Chanez, pneumologue à l’hôpital Nord de Marseille.

 

TLM : Quelle est la définition exacte de l’asthme persistant ?

Pr Pascal Chanez : L’asthme persistant répond à plusieurs définitions toutes reliées entre elles : la définition clinique qui repose sur les symptômes comme la toux, l’essoufflement, une respiration sifflante et une sensation d’oppression dans la poitrine ; la définition physiologique qui correspond à une hyperréactivité bronchique lors de l’exposition du patient à un facteur déclenchant tel que des allergènes environnementaux (acariens, pollens, moisissures), des irritants (pollution atmosphérique, fumée de tabac), ou des infections respiratoires ; la définition spirométrique caractérisée par une obstruction bronchique ; et la définition qu’en donne la biopsie bronchique, à savoir une inflammation des voies respiratoires et des anomalies de la structure des bronches affectant les muscles, les nerfs, les glandes...

Plus simplement, l’asthme persistant est une forme d’asthme caractérisée par une inflammation chronique des voies respiratoires, conduisant à une réactivité bronchique accrue qui se traduit par des symptômes persistants.

Contrairement à l’asthme intermittent, les symptômes de l’asthme persistant sont présents de manière continue ou fréquente, tout au long de l’année. Les personnes qui souffrent d’asthme persistant peuvent présenter des exacerbations à tout moment et ont besoin d’avoir un traitement en permanence pour contrôler leur maladie.

 

TLM : Quelles sont les dernières données en matière d’épidémiologie de l’asthme en France ?

Pr Pascal Chanez : Selon les chiffres les plus récents du Réseau Sentinelles, qui surveille les maladies respiratoires en France, l’asthme est l’une des principales causes de consultation médicale, et sa prévalence est estimée à environ 7 % chez les adultes et 20 % chez les enfants. Mais ces chiffres sont très certainement inférieurs à la réalité en raison d’un sous-diagnostic important. Les garçons sont généralement plus touchés que les filles pendant l’enfance, puis cette tendance s’inverse à l’adolescence. Chez les adultes, la prévalence est légèrement plus élevée chez les femmes que les hommes.

 

TLM : Quelle part de ces patients souffrent d’asthme persistant ?

Pr Pascal Chanez : A priori, l’asthme persistant concerne la plupart des patients asthmatiques. Mais de nombreux patients ont tendance à négliger leurs symptômes dès lors qu’ils ne dépassent pas un certain seuil et qu’ils n’impactent pas trop leur vie quotidienne ; beaucoup estiment normal de manquer de souffle puisqu’ils en ont toujours manqué ou pointent une autre cause. En outre, ils peuvent traverser de longues périodes sans symptômes et considérer que tout est rentré dans l’ordre. Ce qui est faux.

 

TLM : Il existe différentes classifications de l’asthme persistant en fonction de la sévérité des symptômes et de la fréquence des crises. Pouvezvous nous les décrire ?

Pr Pascal Chanez : On classe l’asthme persistant selon sa gravité, sa sévérité et le contrôle de la maladie au cours des deux à trois derniers mois ou entre deux consultations. On distingue ainsi :

1. L’asthme persistant léger : Les symptômes sont présents plus de deux fois par semaine, mais moins d’une fois par jour.

Sans être graves, les exacerbations peuvent affecter les activités quotidiennes.

2. L’asthme persistant modéré : Les symptômes surviennent quotidiennement et les exacerbations peuvent limiter considérablement les activités normales.

3. L’asthme persistant sévère : Les symptômes sont fréquents, voire constants, et les exacerbations peuvent être graves, affectant significativement la qualité de vie.

 

TLM : Le diagnostic d’asthme persistant peut-il être posé par un médecin généraliste ?

Pr Pascal Chanez : Tout à fait, il suffit d’écouter les gens !

C’est une consultation longue au cours de laquelle le praticien doit inviter le patient à raconter son histoire — ses antécédents familiaux et personnels —, et décrire sa maladie — les épisodes aigus mais aussi les symptômes qu’il juge moins marquants et que le malade omet souvent de signaler. Il faut également rechercher les facteurs favorisants et associés comme la polypose rhinosinusienne, les facteurs déclenchants (animaux, tabac, cannabis, stress...), ainsi que les comorbidités (notamment l’obésité) pour lesquelles il est indispensable de proposer une prise en charge adaptée. Le médecin doit ensuite évaluer la fonction respiratoire par une mesure du souffle et rechercher les marqueurs d’une inflammation chronique des voies respiratoires par la prescription d’une formule sanguine. En cas de doute, le praticien peut solliciter l’avis d’un pneumologue qui viendra confirmer ou infirmer le diagnostic.

 

TLM : Sur quoi repose le traitement de l’asthme persistant ?

Pr Pascal Chanez : Le traitement vise à contrôler les symptômes, à réduire l’inflammation des voies respiratoires et à améliorer la fonction pulmonaire. Les médicaments couramment prescrits pour l’asthme persistant comprennent des corticostéroïdes inhalés pris à la demande et des bêta-2-agonistes de longue durée d’action (LABA). Ceux-ci ne doivent pas être pris seuls, comme c’était préconisé il y a quelques années. On peut ajouter des antagonistes muscariniques à longue durée d’action (AMLA) en cas d’obstruction bronchique persistante. Le traitement repose également sur des mesures non pharmacologiques : s’hydrater régulièrement pour humidier les sécrétions et faciliter leur évacuation ; pratiquer une activité physique régulière pour lutter contre le handicap respiratoire — il peut s’agit d’une activité physique (sauf la marche à pied qui n’est pas suffisante) ou autre (la pratique d’un instrument à vent par exemple) : le seul critère est que cette activité plaise au patient afin qu’il la pratique régulièrement ; dernière mesure qui doit faire partie du traitement de l’asthme persistant, la vaccination contre diverses viroses (grippe, Sars-Cov-2, etc.) pour prévenir les exacerbations viro-induites. Enfin, des mesures environnementales doivent être mises en place par le patient pour limiter son exposition aux facteurs déclenchants comme l’arrêt du tabac et du cannabis, l’éviction des animaux, la gestion du stress, etc.

Propos recueillis

par Jeanne Labrune

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