• Pr Olivier Picone : Coqueluche : Vacciner la femme enceinte pour protéger le nouveau-né

Olivier Picone

Discipline : Infectiologie

Date : 17/01/2023


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L’intérêt de la vaccination des femmes enceintes contre la coqueluche doit être discuté en amont de la grossesse, idéalement lors des consultations pré-conceptionnelles, conseille le Pr Olivier Picone, professeur de Gynécologie obstétrique à l’hôpital LouisMourier (Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Colombes), et président de la Fédération française des Centres de diagnostic prénatal.

 

TLM : Pouvez-vous nous rappeler brièvement ce qu’est la coqueluche ?

Pr Olivier Picone : Il s’agit d’une infection de l’arbre respiratoire inférieur essentiellement due à deux bactéries du genre Bordetella, Bordetella pertussis et Bordetella parapertussis. La transmission se fait par voie aérienne au contact d’un malade qui tousse. C’est une infection hautement contagieuse : on considère qu’un individu malade contamine 15 personnes en moyenne.

 

TLM : Quelles sont les populations touchées ?

Pr Olivier Picone : Les nourrissons trop jeunes pour être vaccinés et les adolescents et adultes qui ont perdu la protection conférée par le vaccin ou la maladie.

 

TLM : Comment évolue sa prévalence en France ?

Pr Olivier Picone : Si l’on exclut l’année 2020, pendant laquelle les confinements successifs ont contribué à faire chuter le nombre d’infections en général et de cas de coqueluche en particulier, l’introduction du vaccin a été un élémentclé dans la baisse de sa prévalence.

Pour autant, la vaccination pas plus que la maladie ne confèrent une protection à vie. C’est pourquoi les rappels vaccinaux sont indispensables.

Les cas de coqueluche évoluent par vagues, avec un pic tous les trois à cinq ans. On ne sait pas vraiment expliquer cette dynamique, mais on suppose qu’elle est liée à la protection collective qui elle-même évolue au gré des épidémies et de la vaccination de chacun. Il est important que chacun, et en particulier les couples qui ont un projet parental, garde à l’esprit que cette infection d’origine bactérienne sévit toujours et entraîne, chaque année depuis 2015, l’hospitalisation de 50 à 200 nourrissons de moins de douze mois, dont 1 à 3% décèdent.

 

TLM : Quels sont les symptômes qui caractérisent la coqueluche ?

Pr Olivier Picone : L’expression clinique de la coqueluche varie selon les personnes et l’âge. Les nourrissons sont généralement ceux qui manifestent les symptômes les plus caractéristiques : toux asphyxiante, sans interruption, entraînant un risque de détresse respiratoire et de décès. Chez l’adulte, la coqueluche est le plus souvent atypique et paucisymptomatique dans les premiers jours, se manifestant par une rhinite accompagnée d’une toux légère ; puis, au lieu d’évoluer favorablement comme c’est généralement le cas pour une rhinopharyngite, la toux persiste et s’aggrave pour devenir enfin caractéristique avec des quintes violentes et répétées, notamment la nuit, jusqu’à provoquer des vomissements. Lorsque la reprise inspiratoire devient possible, elle ressemble au chant du coq qui a donné son nom à la maladie.

 

TLM : Cette maladie est-elle suffisamment connue du grand public ?

Pr Olivier Picone : Non, pas vraiment. Néanmoins les couples ont presque tous entendu parler de la stratégie du cocooning. Mise en place en 2004, elle consiste à créer une barrière sanitaire autour des nouveau-nés en vaccinant leur entourage : parents, grands-parents, frères et sœurs, nounous... Cette stratégie est utile mais elle reste imparfaite car pas toujours facile à appliquer.

 

TLM : Dans ce cas, quelle est la meilleure stratégie préventive ?

Pr Olivier Picone : La vaccination de la femme enceinte.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) la recommande depuis 2015 et le Conseil national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) depuis 2021. Les recommandations de la Haute Autorité de santé datent d’avril 2022. La France a pris beaucoup de retard par rapport à d’autres pays, devenant l’un des derniers à s’y mettre.

 

TLM : Quelles sont précisément les recommandations de la Haute Autorité de santé en la matière ?

Pr Olivier Picone : Une vaccination à partir du deuxième trimestre de chaque grossesse, de préférence entre les semaines d’aménorrhée 20 et 36. Le nouveau-né sera ainsi protégé grâce au passage transplacentaire des anticorps anticoquelucheux de la mère. En l’absence de vaccin monovalent, cette vaccination peut se faire avec les vaccins non-vivants tétravalents disponibles à ce jour en France. Elle doit être réitérée à chaque grossesse afin que la concentration d’anticorps maternels soit suffisante pour assurer une protection du bébé. Il faut rassurer les femmes sur le fait qu’elles ne courent aucun danger en étant revaccinées contre les autres infections contre lesquelles ces vaccins protègent.

 

TLM : Justement, cette vaccination pendant la grossesse est-elle bien acceptée par les futures mères ?

Pr Olivier Picone : Il existe toujours les mêmes craintes à l’idée de recevoir un vaccin pendant sa grossesse, mais le message qui consiste à dire que cette vaccination vise à protéger leur futur bébé, avant même sa naissance, d’une maladie potentiellement mortelle, passe plutôt bien. Comme tout message de santé publique, c’est la façon dont les professionnels de santé (médecins généralistes, gynécologues...) et paramédicaux (pharmaciens, sages-femmes...) le présentent qui influence son acceptabilité par la population. Ils peuvent aussi s’appuyer sur les données recueillies à l’étranger depuis plus de 10 ans, en particulier en Angleterre et au Pays de Galles, qui montrent une réduction considérable des hospitalisations des nourrissons de moins de deux mois, ainsi qu’une baisse de 95% de leur mortalité. Cette stratégie de vaccination est encore récente en France, nous ne disposons pas pour l’heure de données concernant le taux de couverture. Les premiers résultats arriveront dans un an, j’espère qu’ils seront meilleurs que ceux de la grippe...

 

TLM : Les médecins et paramédicaux ont-ils tous reçu le même niveau d’information ?

Pr Olivier Picone : Nos autorités de tutelle se sont déchargées de la responsabilité d’informer les professionnels de santé et ont confié le soin aux sociétés savantes de diffuser leurs recommandations auprès de leurs membres. Pour ce qui est de leur formation, tant sur les aspects techniques que sur la communication et l’information à apporter aux femmes, ils peuvent se rendre sur les réseaux sociaux où circulent des vidéos de qualité...

Propos recueillis

par Jeanne Labrune

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