• Pr Olivier Chosidow : Pour contrecarrer la réapparition de la gale…

Olivier Chosidow

Discipline : Dermatologie

Date : 13/10/2022


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On ne guérit pas spontanément de la gale, avertit le Pr Olivier Chosidow, dermatologue à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil ; un traitement est indispensable pour s’en débarrasser. Des traitements existent, qu’il faut suivre à la lettre et accompagner de mesures d’hygiène pour se défaire de cette maladie parasitaire de la peau pouvant être très contagieuse et qui fait son retour, notamment dans les maisons de retraite.

 

TLM : Sur quelle base peut-on affirmer que l’incidence de la gale augmente ?

Pr Olivier Chosidow : Dans le monde occidental, un certain nombre de données plaident effectivement pour ue augmentation de la fréquence de cette affection. Mais comme il ne s’agit pas d’une maladie à déclaration obligatoire, les cas ne sont pas recensés de manière exhaustive. L’impression d’augmentation des cas repose notamment sur les données de consommation de médicaments contre la gale, plus élevées ces dernières années. Cependant, dans certains cas, les patients associent deux traitements, ce qui fait qu’il est difficile là encore d’interpréter les données issues des ventes de médicaments. Pour résumer, les évaluations de l’incidence de la gale, par des marqueurs indirects, apparaissent convergentes pour la France, les Pays-Bas, l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Par ailleurs, les épidémies de gale sont en augmentation dans les maisons de retraite où elles sont d’ailleurs difficiles à prendre en charge. Là encore, il n’y a pas beaucoup de statistiques. Nous plaidons pour une déclaration obligatoire de la gale en maison de retraite afin d’améliorer la prise en charge et la prévention. La gale est également un problème de santé publique et un problème social dans les pays à niveau de ressources faible ou intermédiaire, les lésions grattent énormément, se surinfectent, les enfants ne vont pas à l’école, les parents infectés par le parasite ne vont pas travailler non plus. Les surinfections majorent le risque de rhumatisme articulaire aigu et de néphrite post-streptococcique. Depuis peu, la gale est inscrite sur la liste des maladies tropicales négligées de l’OMS.

 

TLM : Que sait-on de l’agent pathogène de la gale ?

Pr Olivier Chosidow : Elle est provoquée par un parasite, un acarien, sarcoptes scabiei var hominis. Seule la femelle est infectante : elle crée sous la peau un petit tunnel dans lequel elle pond ses œufs. Le patient présente en général entre cinq et dix parasites sur la peau. Ce parasite se transmet par contact direct, de peau à peau le plus souvent. Et c’est ainsi une maladie sexuellement transmissible. La transmission est également possible, quoique plus rarement, par contact indirect, par le biais des vêtements ou de la literie. Le parasite se transmet souvent au sein d’une même famille. C’est ainsi une maladie pouvant être très contagieuse.

 

TLM : Quels symptômes doivent faire envisager le diagnostic de gale ?

Pr Olivier Chosidow : La période d’incubation est de trois semaines. Les démangeaisons très intenses, en particulier nocturnes, en sont le principal signe. Des lésions apparaissent aussi sur la peau, sur la partie antérieure du corps, sur les poignets, entre les doigts, sur les mamelons chez les femmes, la sphère génitale chez l’homme. Il s’agit de lésions de grattage, mais aussi d’atteintes de type urticaire, car la gale est allergisante. Peuvent apparaître des sillons, des petites vésicules perlées, des petits nodules violacés, , traduisant directement l'infestation par le parasite. La gale peut être sévère chezles personnes immunodéprimées, avec une atteinte disséminée massive, avec des milliers voire des millions de parasites sur la peau, et touchant également le dos. La gale chez l’enfant peut atteindre le visage, avec des lésions évoquant un eczéma.

 

TLM : Comment poser le diagnostic ?

Pr Olivier Chosidow : Il n’est pas toujours facile. Il arrive parfois que le diagnostic de gale soit porté en excès. Ou, au contraire, que la maladie ne soit pas identifiée par le médecin malgré les lésions cutanées et le prurit. Quand un patient se plaint de démangeaisons, avec des signes cutanés et que d’autres personnes de la famille présentent les mêmes symptômes, le diagnostic de gale doit être envisagé.

L’examen au dermatoscope permet de grossir les images de la peau et de visualiser parfois le parasite. Il est aussi possible de gratter la peau et de chercher le parasite au microscope sur un prélèvement. Une bonne façon de poser le diagnostic, après un examen minutieux du patient, est d’interroger ce dernier sur l’existence de symptômes similaires chez les proches ou dans la famille

 

TLM : Comment prendre en charge un patient atteint de la gale ?

Pr Olivier Chosidow : On ne guérit pas spontanément de la gale. Un traitement est indispensable pour s’en débarrasser. Le traitement est soit local, soit général, parfois les deux sont associés. Le traitement local repose sur des insecticides, l’ascabiol à 10% ou la perméthrime à 5 % : le produit doit être appliqué sur tout le corps, du cuir chevelu aux pieds, car il peut y avoir des parasites sur toute la peau. Ce traitement local doit être effectué très méthodiquement. Les patients le pratiquent parfois de manière incorrecte ou l’arrêtent prématurément parce qu’ils se plaignent de sensations de brûlure.

Cette première application doit être suivie d’une seconde, identique, sept à quinze jours plus tard. Il existe aussi un traitement par voie orale, l’ivermectine, à prendre au milieu du repas à la dose de 200 microgrammes par kilo, en une seule prise. Là encore, le traitement doit être renouvelé entre sept et quinze jours plus tard. Je signale qu’un essai clinique, coordonné par l'équipe de dermato-pédiatrie de Bordeaux (Pr F. Boralevi), vise à comparer l’efficacité respective du traitement oral et du traitement local.

 

TLM : Quelles mesures d’hygiène faut-il associer ?

Pr Olivier Chosidow : Il faut traiter toute la famille et toutes les personnes avec lesquelles le patient a eu un contact rapproché, même si les proches n’ont présenté aucun symptôme. Il est en effet possible d’être porteur du parasite sans avoir de démangeaisons. Ensuite, et même sans être excessif dans les mesures d’hygiène, il faut laver à 50 degrés tout le linge de corps ainsi que les draps, les taies d’oreillers, les serviettes de toilette. Les vêtements qui ne sont pas lavables facilement doivent être placés pendant trois à sept jours (en fonction du climat, notamment de l'humidité ambiante) dans un sac en plastique hermétiquement fermé, ce qui suffit à détruire les parasites qui pourraient s’y trouver.

 

TLM : Existe-t-il un risque de récidive ?

Pr Olivier Chosidow : Il peut y avoir des échecs de traitement, même lorsque celui-ci a été bien conduit. C’est pourquoi certains médecins associent traitement local et traitement par voie orale. Enfin, il faut savoir que certains patients développent une parasitophobie : ils ont eu la gale, sont traumatisés et continuent à se gratter longtemps après, alors que le parasite a été éliminé.

Dans ce cas, il faut leur prescrire des crèmes hydratantes et les rassurer.

Propos recueillis

par le Dr Clara Berguig

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