• Pr MOURAD : La stratégie du « pas à pas » pour équilibrer le LDL cholestérol

Jean-Jacques MOURAD

Discipline : Cardiologie

Date : 10/10/2021


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Le Pr Jean-Jacques Mourad, chef du service de Médecine interne de l’hôpital Saint-Joseph à Paris, revient sur les dernières recommandations en matière d’objectifs de diminution du LDL éditées par la Société européenne de Cardiologie et dicte ses conseils pour une meilleure observance du patient.

 

TLM : Quelles sont les dernières recommandations en matière de prise en charge de l’hypercholestérolémie et en particulier du LDL cholestérol ?

Pr Jean-Jacques Mourad : Les dernières recommandations de la Société européenne de Cardiologie d’août 2021*, en matière de prise en charge du LDL cholestérol, ont évolué par rapport aux précédentes. Ces recommandations ont consolidé des objectifs en termes de baisse du LDL, qui pouvaient sembler trop ambitieux aux yeux de certains prescripteurs. Elles proposent une approche dite du « pas à pas » pour améliorer l’observance du traitement et atteindre les objectifs fixés pour un patient donné. Elles tiennent désormais compte aussi de la durée d’exposition à un taux de LDL élevé. Les études les plus récentes montrent qu’un taux de LDL plus bas que celui que l’on préconisait il y a 15 ou 20 ans permet d’obtenir de bien meilleurs résultats quant à la réduction du risque cardiovasculaire.

 

TLM : Comment définir la stratégie de prise en charge en fonction du risque ?

Pr Jean-Jacques Mourad : La première étape en prévention primaire est d’évaluer le niveau de risque d’un individu sans antécédent cardiovasculaire, ni diabète. Des échelles de risque ont été établies assez précisément pour guider le choix des traitements. Les scores 2 ou 2-OP (old patient) visent à quantifier le risque, faible, moyen, élevé ou très élevé. Ils mesurent le risque à 10 ans de souffrir d’un événement mortel ou non mortel, infarctus, accident vasculaire cérébral. Ils tiennent compte de l’âge, du sexe, de la pression artérielle systolique, du tabagisme, du LDL cholestérol et de la région géographique...D’autres fractions lipidiques athérogènes que le LDL sont désormais prises en compte, et intégrées sous le terme « non HDL cholestérol ». La complexité des nouvelles recommandations tient aux paramètres lipidiques nouveaux qui y ont été intégrés, et qui ne sont pas naturellement communiqués sur les résultats de laboratoire. En prévention primaire l’objectif est de parvenir à un taux de LDL inférieur à 0,7 g/l en cas de risque élevé. Pour les patients à risque très élevé, les objectifs sont les mêmes qu’en prévention secondaire : diminuer le LDL d’au moins 50% et aboutir à un taux de LDL en dessous de 0,55 g/l. En prévention secondaire, inutile de définir un score de risque, les patients doivent être pris en charge de la manière la plus efficace.

 

TLM : Comment atteindre ces objectifs aujourd’hui ?

Pr Jean-Jacques Mourad : Pour atteindre l’objectif fixé, plusieurs approches sont possibles. D’abord, toutes les statines ne se valent pas. Il est possible pour une statine donnée de prédire son efficacité précise, c’est-à-dire le pourcentage de baisse de LDL à un mois, selon la dose prescrite. En fonction du patient, une statine à effet modéré ou intense sera choisie. Pour obtenir une baisse importante du LDL, cela ne sert à rien de prescrire une statine dont on sait que son effet est modéré. Pour une diminution du LDL de plus de 50%, il faut opter pour une statine de forte intensité. Par ailleurs, l’ézétimibe, un médicament qui inhibe l’absorption des graisses au niveau digestif, « booste » l’effet des statines. En effet, en doublant la dose d’une statine, l’efficacité du traitement est augmentée de 8% et le risque d’effets secondaires, notamment les myalgies, augmente. Lorsque l’on associe l’ézétimibe à une statine, l’efficacité du traitement s’élève de 25%. Certaines associations fixes statines-ézétimibe, dans le même comprimé, permettent d’atteindre l’objectif de baisse de 65% du taux de LDL et donc une réduction corrélée du risque cardiovasculaire. Les inhibiteurs de PCSK9 sont eux réservés à certains patients en prévention secondaire ou à ceux présentant une forme familiale d’hypercholestérolémie. Enfin, plus la durée de l’exposition à un LDL élevé est importante plus le risque s’élève. Comme pour l’exposition au tabac, le meilleur LDL est celui qui est le plus bas possible au cours de la vie.

 

TLM : Comment faire pour que le patient adhère au traitement ?

Pr Jean-Jacques Mourad : La manière dont on raconte l’histoire au patient est importante. Au début, nous devons tenir compte du principe de réalité. Lorsque l’on a des objectifs très ambitieux pour un patient à très haut risque, il faut être audible, sinon cela ne sert à rien. L’approche en deux étapes permet de faire comprendre et faire accepter les objectifs fixés. Il s’agit, dans un premier temps, d’instaurer une relation de confiance en évoquant à la fois le risque et l’intérêt d’avoir un LDL optimal. Faire aussi prendre conscience au patient du risque qu’il encourt et du fait qu’il est possible de réduire ce risque. Proposer, pour aller dans ce sens, un régime alimentaire et prescrire pour commencer une statine d’intensité moyenne. Avec l’objectif de parvenir à un LDL inférieur à 0,7 g/l. Une fois le traitement commencé, dédramatisé et bien toléré, dans un second temps il est possible de faire accepter un objectif plus ambitieux, à savoir un traitement permettant d’abaisser le LDL en dessous de 0,55 g/l.

 

TLM : Comment prévenir la non-observance ?

Pr Jean-Jacques Mourad : En début de traitement, il faut investir dans le temps médical, dans les explications, instaurer la confiance et ne pas être donneur de leçons. Il faut aider le patient à ritualiser la prise de médicaments, à horaire fixes, et simplifier au maximum les traitements. Les associations fixes sont un gage d’observance. La réduction du nombre de comprimés, si possible, est très importante. Les patients bénéficiant de traitements préventifs ne se rendent pas compte des événements graves qui ont été évités. D’où l’intérêt de leur expliquer les différentes études qui démontrent l’impact des médicaments sur la baisse des accidents cardiaques et des accidents vasculaires cérébraux.

 

TLM : Et que faire quand les patients se plaignent des effets secondaires ?

Pr Jean-Jacques Mourad : Le principal effet secondaire des statines, ce sont les myalgies. Il faut d’abord s’assurer que les douleurs dont se plaignent les patients sont vraiment imputables aux statines et vérifier que l’arrêt du traitement pendant quelques jours est associé à un arrêt des douleurs. Si tel est le cas, il est possible de rationaliser les traitements, de changer de molécule, de fractionner les prises, de modifier les posologies. Il ne faut pas hésiter parfois à informer les patients très réticents que le fait d’arrêter définitivement une statine est associé à une réduction de l’espérance de vie, comme cela a été démontré dans plusieurs études.

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

* A retrouver à l’adresse suivante : https://bit.ly/3uX7lEI

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