• Pr MORLAT : Le médecin généraliste aux avant- postes dans le dépistage du VIH

Philippe MORLAT

Discipline : Infectiologie

Date : 09/07/2020


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LE CNS (CONSEIL NATIONAL DU SIDA ET DES HÉPATITES VIRALES) ET L’ANRS (AGENCE NATIONALE DE RECHERCHE SUR LE SIDA ET LES HÉPATITES VIRALES) ONT CONFIÉ AU GROUPE D’EXPERTS SUR LA PRISE EN CHARGE DU VIH LA MISSION D’ACTUALISER LES RECOMMANDATIONS 2019 DE LA «PRISE EN CHARGE MÉDICALE DES PERSONNES VIVANT AVEC LE VIH » (DÉPISTAGE, ÉPIDÉMIOLOGIE, PRÉVENTION, TRAITEMENT, SUIVI DU PATIENT). LE PR PHILIPPE MORLAT DIRIGE CE GROUPE D’EXPERTS...

 

 

TLM: Quels sont les axes saillants des recommandations 2019?

Pr Philippe Morlat : Nous y avons insisté sur les comorbidités touchant les sujets séropositifs. Aujourd’hui le problème du VIH est en soi quasiment réglé par les médicaments pour les personnes dépistées et prises en charge : 95 % des patients sous traitement antirétroviral ont une charge virale indétectable. Or les comorbidités médicales ou psycho-sociales sont fréquentes : hépatites B et C, comorbidités neurologiques, dermatologiques, diabète, dyslipidémie, etc. Mais sur- tout complications cardiologiques et cancérologiques volontiers liées au tabac. En 2020 le cancer du poumon constitue la première cause de décès des personnes séropositives, de sorte qu’il faut promouvoir le sevrage tabagique. Le médecin généraliste a ici un rôle essentiel à jouer.

 

 

TLM: Concernant le VIH, quel est le rôle du médecin généraliste?

Pr Philippe Morlat : Il est au carrefour de la prise en charge. Il doit ainsi veiller aux interactions entre antirétroviraux et produits pres- crits par les spécialistes ou par lui-même. Il ne peut être le primoprescripteur d’antirétroviraux mais peut les renouveler en s’assurant que la biologie est normale, notamment que la charge virale reste indétectable. Il a aussi un rôle dans l’aide à l’observance car les sujets porteurs du VIH, comme les autres, peuvent être plus ou moins stricts quant au suivi du traitement. Et comme dans toutes

les maladies chroniques, il doit aussi veiller au respect d’une bonne hygiène de vie.

 

TLM: Quel est le rôle du généraliste dans le dépistage ?

Pr Philippe Morlat : En France sur un total d’environ 170 000 porteurs du VIH, 25 à 30 000 ignorent qu’ils le sont. Si bien que la pathologie évolue à bas bruit avec apparition d’affections opportunistes. En outre ces patients sont très contaminants quand ils ne sont pas traités ; le dépistage participe ainsi à la moindre diffusion de l’épidémie. Le généraliste fait partie des professionnels qui dépistent le VIH. Pour ce faire il peut prescrire un test biologique très fiable. Mais il existe d’autres modalités de dépistages destinés au grand public. Tout d’abord des tests rapides d’orientation diagnostique (TRO-VIH) qui se pratiquent dans les milieux associatifs, sur- tout utiles pour des personnes en situation précaire ou d’isolement social. Il existe aussi des autotests en vente libre que le généra- liste peut préconiser face à un patient sou- haitant se dépister en toute discrétion. Leur fiabilité est excellente mais trois mois après la contamination —en deçà il peut y avoir des faux négatifs. Il faut confirmer cet autotest par un test biologique classique.

 

 

TLM : Quand proposer un dépistage ?

Pr Philippe Morlat : Actuellement on cible les sujets les plus exposés au VIH : HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes), sujets originaires de régions de haute endémie VIH — principalement

l’Afrique sub-saharienne — ou usagers de drogues intraveineuses. Dans ces cas il faut au minimum un dépistage annuel, voire davantage chez les HSH. Concernant la population générale, il est bon de le pratiquer une fois dans la vie. Il faut aussi savoir prescrire un dépistage face à une prise de risque ou à des manifestations cliniques ou biologiques évocatrices d’une immunodépression (dermite séborrhéique profuse, zona, amaigrissement inexpliqué, troubles digestifs, thrombopénie inexpliquée) ou d’une primoinfection VIH (syndrome pseudo-grippal en dehors des périodes de grippe ou prolongé au- delà de cinq jours environ ou associé à des signes inhabituels comme des aphtes, une éruption). On associera au dépistage VIH un dépistage hépatites B et C.

 

 

TLM : Le traitement a-t-il évolué ?

Pr Philippe Morlat : Pendant longtemps en raison des effets secondaires des traitements, ces derniers ont été réservés aux patients présentant certains critères cliniques ou biologiques. La nouveauté des dernières années c’est que tout sujet séropositif doit être traité par antirétroviraux. Aujourd’hui on prescrit une trithérapie. Et l’efficacité des molécules est telle qu’elle permet d’envisager des bithérapies. Ces médicaments n’étant que virostatiques le traitement est à vie.

 

TLM : Quoi de neuf dans la prévention ?

Pr Philippe Morlat : La prévention a été longtemps comportementale — utiliser le préservatif, éviter les relations non protégées avec des sujets à risque. Et cela reste vrai. Une nouvelle modalité vient d’apparaître dans les recommandations : la Prep (prophylaxie pré-exposition), à savoir la possibilité pour des sujets séronégatifs n’arrivant pas à adhérer aux mesures comportementales de recevoir des bithérapies à l’hôpital ou dans des CeGIDD (Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic). Ces traitements sont pratiquement sans échec. Environ 20 000 personnes suivent ce traitement préventif. Accessible en pharmacie, il peut être renouvelé par le médecin généraliste.

Propos recueillis par Daniel Paré 

 

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