• Pr. MONNET : Tout ce qu’il faut savoir sur la chirurgie de la cataracte

Dominique MONNET

Discipline : Ophtalmologie

Date : 16/10/2020


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TLM: Quelle est la prévalence de la cataracte en France et quelle est sa fréquence ?
Pr Dominique Monnet :
La cataracte touche indifféremment les femmes et les hommes, avec un âge moyen d’opération de 73 ans dans l’Hexagone. Sa prévalence dépend de l’âge, du jaunissement du cristallin, lequel débute dès 55 ans, mais aussi d’autres facteurs que sont le tabac, la myopie forte et certains traitements.

 

Quand faut-il opérer ?

Prendre en considération la plainte du patient confronté à l’examen clinique est une règle d’or : sa vision devient floue de loin, comme au travers d’un verre dépoli. Avant d’opérer, l’ophtalmologiste retient deux critères : d’une part, la meilleure acuité visuelle corrigée, à partir de 5 ou 6 dixièmes sans correction possible et, d’autre part, les fonctions et gênes visuelles en conduite de nuit, la baisse de la vision des contrastes et les aberrations optiques. De nouveaux instruments nous permettent aujourd’hui d’observer ces gênes visuelles, afin d’affiner notre diagnostic avant l’opération. Aujourd’hui, le laser n’est plus la panacée : une étude française menée à Bordeaux, Brest, Lyon, Tours et Cochin (Paris) a montré l’absence de différence entre l’opération effectuée par les gestes du chirurgien et celle à l’aide d’un laser.

 

Quelle prise en charge anesthésique ?
Les protocoles se sont simplifiés avec la suppression du jeûne préopératoire dans de nombreux établissements. D’une durée de seulement 15 minutes, les opérations se pratiquent désormais en ambulatoire sur des patients âgés en anesthésie locale, lesquels ne doivent pas interrompre leurs traitements avant l’intervention. A l’inverse de certains pays qui préconisent la chirurgie bilatérale le même jour, la France a, jusqu’à présent, opté pour le séquentiel, en différant la seconde intervention. Le principal frein à l’intervention bilatérale, c’est d’ailleurs l’absence d’incitation financière, le deuxième acte étant rémunéré la moitié du premier. Opérer en séquentiel rend aussi indépendant le risque infectieux des deux yeux.

 

La chirurgie de la cataracte évolue. Quelles sont les différentes nouvelles familles d’implants intraoculaires sur le marché?
A l’occasion de la chirurgie de la cataracte et donc du remplacement du cristallin par un implant, le défaut de vision du patient — l’hypermétropie et la myopie — peut être corrigé. S’agissant de la presbytie, les implants multifocaux peuvent être uniquement placés dans des yeux « parfaits », indemnes de toute pathologie. Leur pose nécessite aussi une phase de neuro-adaptation. D’où les limites à cette option (5% seulement des implants). Jusqu’à présent bifocaux, des tri-focaux sont désormais disponibles pour un continuum entre la vision de près, intermédiaire (pour l’ordinateur) et de loin. Troisième catégorie très récente : les EDOF (« Extended Depth of Focus »), implants monofocaux à profondeur du champ augmentée, offrant une vision intermédiaire et de loin, sans lunettes. Les critères sur la sélection des patients y sont plus larges que pour les multifocaux. De nouvelles évolutions portent aussi sur les implants toriques corrigeant l’astigmatisme et les défauts de vision de la cornée intérieure, mais aussi postérieure, avec un vrai plus pour les patients.

 

Quel serait l’implant intraoculaire de demain pour une satisfaction patient indispensable?
De nouvelles versions, très prometteuses, d’implants EDOF, monofocaux +, arrivent actuellement sur le marché. Le graal serait de reproduire — à terme — Dame Nature, à savoir des implants accommodatifs.

 

La chirurgie de la cataracte est donc devenue réfractive. Quels sont les besoins en équipements?
Avec une chirurgie de plus en plus adaptée, le résultat réfractif s’améliore. Nous sommes équipés de biomètres sans contact qui permettent d’identifier les défauts de l’œil sans le toucher, à savoir la longueur axiale mais aussi les rayons de courbure de la cornée, la profondeur de la chambre antérieure de l’œil. Autant de critères qui n’étaient pas pris en compte auparavant et ont augmenté le côté prédictible de la chirurgie.

 

En France, le surcoût pour le patient reste-t-il le frein principal pour une chirurgie dite « Premium » ?
En France, le prix de l’implant est compris dans le montant du remboursement de la procédure. Les « Premium » sont des implants toriques pour corriger l’astigmatisme, ou encore multifocaux pour la presbytie. Or, la Sécurité sociale ne prend pas en charge leur surcoût par rapport à un implant standard monofocal. Effectivement leur co-paiement par les patients demeure un réel frein à leur implantation. L’innovation doit être rémunérée au juste prix pour éviter un recours accru aux implants de mauvaise qualité, à l’avenir. Quant aux récents EDOF, ils ne rentrent pas, pour l’instant, dans cette catégorie « Premium », et ne génèrent, pour la plupart d’entre eux, aucun surcoût pour le patient.

 

Propos recueillis par Marie Beaurenaud

 

 

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