• Pr MION : Le rôle du microbiote dans le Syndrome de l’intestin irritable

François MION

Discipline : Gastro-entérologie, Hépatologie

Date : 22/06/2020


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Plus de 3 millions de Français souffrent du syndrome de l’intestin irritable. Alors que la prise en charge reste symptomatique, plusieurs pistes de recherche sont explorées, en particulier celle du microbiote. Entretien avec le Pr François Mion, chef de service des explorations fonctionnelles digestives au CHU de Lyon.

 

TLM : Comment se caractérise le syndrome de l’intestin irritable ?

Pr François Mion : Le syndrome de l'intestin irritable (SII), également appelé colopathie fonctionnelle, est une maladie complexe. Elle se caractérise par des douleurs abdominales associées à des troubles du transit (diarrhée, constipation). Les symptômes sont souvent aggravés par la prise alimentaire (repas). Handicapante, cette maladie chronique affecte 5 à 10 % de la population, avec une prédominance chez les femmes et un pic entre 20 et 40 ans. La normalité des examens est la règle, et il n’existe pas à ce jour de marqueur du SII : il s’agit donc d’un diagnostic d’exclusion.

 

TLM : Que sait-on sur les mécanismes en cause dans le SII ?

Pr François Mion : En réalité pas grand-chose. De nombreux mécanismes sont proposés, basés sur des modèles animaux ou expérimentaux, probablement interconnectés. Parmi les hypothèses sont évoquées l’hypersensibilité viscérale, des troubles de la mobilité digestive, la modification du microbiote et de la perméabilité de la barrière intestinale. Un SII peut parfois survenir après une gastroentérite sévère. On sait que les liens entre cerveau et intestin sont également étroits. Des événements traumatiques (agressions sexuelles, choc affectifs) peuvent ainsi déclencher cette pathologie. Certains types de personnalité de nature anxieuse et hyper-vigilante sont aussi plus à risque de développer ce syndrome.

 

TLM : Quel est le rôle joué par le microbiote ? 

Pr François Mion : Plusieurs études ont mis en évidence une dysbiose, c’est-à-dire un déséquilibre du microbiote, chez des patients atteints de SII. Rappelons que le microbiote, ou flore intestinale, est l’ensemble des microorganismes présents dans le tube digestif. Il participe à la digestion, à la barrière intestinale et à la protection immunitaire. Il est toutefois difficile de savoir si ces dysbioses sont à l’origine de la pathologie ou une conséquence de celle-ci. En outre, certains patients ont des microbiotes similaires à ceux de personnes non malades. Néanmoins, selon cette hypothèse, des microorganismes perturberaient la muqueuse intestinale via une inflammation locale, une augmentation de la porosité intestinale ou une modification du métabolisme des sels biliaires. 

 

TLM : Quelle est la prise en charge du SII ?

Pr François Mion : Il existe plusieurs traitements symptomatiques mais leur efficacité varie selon les patients : antidouleurs, antidépresseurs, antispasmodiques, régulateurs du transit… Certaines thérapies alternatives, comme l’hypnose ont également montré leur efficacité. Le régime pauvre en FODMAPs, qui réduit la quantité des sucres fermentescibles apportée par l’alimentation, peut aussi aider à réduire la fréquence des douleurs, diarrhées et ballonnements. 

 

TLM : Quid des probiotiques ?

Pr François Mion : En raison de l’efficacité limitée des traitements actuels, de nombreux patients, souvent conseillés par leurs médecins ou pharmaciens, s’orientent vers les probiotiques. C’est une solution très à la mode, qui peut être bénéfique dans certains cas. Un certain nombre d’études cliniques ont montré l’efficacité modérée de certaines souches de probiotiques, pour améliorer les symptômes du SII, par rapport à un placebo. C’est un effet souvent limité, mais qui peut cependant aider les patients. L’efficacité de la greffe fécale dans le SII, que nombre de patients souhaitent tenter, est encore controversée, et non réalisable en France dans cette indication. Une nouvelle étude randomisée devrait démarrer cette année en France, pour tenter de démontrer l’efficacité de cette thérapie.

 

TLM : Les tests d’analyse de microbiote sont-ils recommandés ?

Pr François Mion : Ces tests, vendus sur Internet, proposent d’analyser le microbiote à partir d’un échantillon de selles et, en fonction du résultat, conseillent des compléments alimentaires, des probiotiques ou des régimes alimentaires. Or leur validité scientifique n’a pas été démontrée. Dans un avis de janvier 2020, la Société nationale française de gastro-entérologie (SNFGE) a souligné que ces analyses n’avaient aucun intérêt clinique ni pour les médecins ni pour les patients. Ces tests étudient la répartition des différentes souches bactériennes dans un échantillon et la compare à la diversité d’un microbiote dit « optimal ». Mais le microbiote est en réalité aussi personnel que les empreintes digitales, puisqu’il est lié au mode de vie, à l’alimentation et à l’environnement de chacun. Il est donc difficile de tirer des conclusions à l’échelle individuelle.

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