• Pr. MION : Constipation d’évacuation et troubles de la statique pelvienne

François MION

Discipline : Gynécologie, Santé de la Femme

Date : 01/02/2021


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es selles dures à évacuer, qui induisent des efforts de poussée exagérés et, parfois, la nécessité d’opérer des manœuvres digitales : tels sont, entre autres, les signes d’une dyschésie. Également désigné sous le terme de constipation terminale, distale ou d’exonération, par opposition à la constipation de transit liée à une anomalie de la progression des selles dans le gros intestin, ce trouble de la vidange rectale se caractérise surtout par une insatisfaction des patients, estime le Pr Mion. « Ces derniers ont une sensation d’évacuation incomplète et/ou de rectum plein, et ne se sentent pas soulagés lorsqu’ils vont à la selle. »
La constipation terminale peut s’accompagner de troubles de la statique pelvienne. Ces anomalies anatomiques correspondent, pour la plupart, à une déformation (rectocèle) ou à une descente du rectum (prolapsus rectal). Le tableau clinique est assez évocateur :
en plus des symptômes de la dyschésie, les patients évoquent la sensation ’une boule vaginale lors des efforts de défécation, ou une descente du rectum à travers l’anus. Une pesanteur pelvienne, des douleurs dans le bas ventre et de fausses envies d’aller à la selle
peuvent également être présentes. Bien qu’ils soient une cause évidente de constipation terminale chronique, les troubles de la statique pelvienne peuvent également en être la conséquence. «
Des efforts excessifs et répétés lors des défécations, liés à une constipation chronique, peuvent induire ou aggraver ces anomalies anatomiques qui, en retour, peuvent empêcher l’évacuation des selles », confirme le Pr Mion. Même si les femmes, pour des raisons anatomiques et physiologiques évidentes, et
parce que la constipation chronique est plus fréquente chez elles, présentent davantage d’anomalies de la statique
pelvienne que les hommes, en particulier après la ménopause, ces derniers ne sont toutefois pas totalement épargnés par ces troubles.
L’imagerie pelvienne dynamique complète l’examen clinique. Le diagnostic d’un trouble de la statique pelvienne, suggéré par l’interrogatoire du patient, doit être confirmé par un toucher pelvien : des examens d’imagerie complémentaires, tels qu’une défécographie conventionnelle ou une déféco-IRM, peuvent être requis pour en préciser la nature et la sévérité. «
Plus physiologique que la déféco-IRM, la défécographie (ou viscérogramme pelvien) est un examen radiologique effectué en position naturelle d’exonération, dont le but est d’explorer la position et le mouvement des organes pelviens au repos, lors d’un effort de retenue, et surtout lors d’efforts de poussée répétés devant aboutir à l’évacuation du contenu du rectum », explique le Pr Mion. Ces explorations n’exonèrent toutefois pas le médecin d’un bilan visant à écarter d’autres causes susceptibles d’expliquer la constipation terminale, comme des pathologies associées (maladie neurologique, métabolique, hypothyroïdie...), la prise de certains médicaments (morphine, opioïdes...), ou un cancer colorectal.

Traiter la constipation avant tout. La prise en charge des patients souffrant d’une dyschésie seule ou associée à un trouble de la statique pelvienne repose, avant tout, sur le traitement au long cours de la constipation distale. Dans cette indication, en plus des laxatifs usuels, les suppositoires ou lavements, en particulier les suppositoires d’Eductyl®, sont les seuls traitements médicamenteux recommandés par la Société nationale française de coloproctologie (SNFCP). Si les difficultés d’évacuation des selles persistent, le patient doit être adressé à un médecin spécialiste qui pourra prescrire des examens complémentaires (manométrie anorectale, mesure du temps de transit colique, imagerie pelvienne dynamique). Ce bilan est important pour orienter la prise en charge, dont le choix dépend à la fois de la pathologie, de l’âge, des atteintes associées et de l’état général du patient. Une prise en charge qui se limitera généralement à un traitement exclusivement médical en cas de rectocèle ou de prolapsus asymptomatique ou peu évolué chez des patients jeunes, associé à une rééducation du périnée par biofeedback en cas d’anisme ; tandis qu’une intervention chirurgicale sera probablement envisagée dans les cas de rectocèle ou de prolapsus symptomatique. L’approche technique de l’opération, quant à elle, dépend du chirurgien. « Il existe autant de techniques que de chirurgiens ! Si c’est un proctologue, il optera plus volontiers pour la voie cœlioscopique, si c’est un gynécologue, il préfèrera probablement l’approche transvaginale », indique le Pr Mion, qui met néanmoins en garde : « La décision d’opérer doit toujours être prise de façon collégiale, afin de s’assurer que le patient en tirera le meilleur bénéfice. Déterminer la responsabilité d’une anomalie de la statique pelvienne dans une constipation distale n’est pas simple, et la chirurgie peut parfois aggraver les choses ».

Jeanne Labrune

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