• Pr. MEUNIER : Assurer le suivi des patients hémophiles en période Covid

Sandrine MEUNIER

Discipline : Anatomie

Date : 19/10/2020


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TLM : Comment assurer la continuité des soins des enfants hémophiles en pleine crise sanitaire ?
Dr Sandrine Meunier :
Notre service a mis en place une organisation pour que nos patients hémophiles aient toujours accès à leurs traitements, lesquels sont uniquement délivrés par les pharmacies hospitalières. Confinement et crise sanitaire obligent, l’Assurance maladie a accordé à l’échelle nationale une dérogation exceptionnelle pour étendre la délivrance des traitements à deux mois au lieu d’un mois auparavant. Ce qui a permis de limiter les déplacements des patients.

 

Les patients hémophiles infectés ont-ils été plus gravement touchés ?

Les maladies hémorragiques rares n’entraînent pas d’augmentation du risque d’être infecté par le coronavirus par rapport à la population générale. Les mesures de protection préconisées sont donc identiques et visent à se protéger de l’infection par le virus et de son évolution vers une forme sévère d’insuffisance respiratoire. Dans notre hôpital, aucun enfant n’a été hospitalisé même si certaines familles ont probablement été malades au début de la pandémie ; mais, à cette époque, aucun test n’était disponible. Une étude espagnole a, de son côté, montré que moins de 2 % de leurs patients atteints de maladies hémorragiques constitutionnelles avaient été touchés. Les médecins généralistes ne doivent pas hésiter à joindre le centre de référence, de ressources et de compétences, si besoin. Une information qu’ils peuvent trouver sur le site internet MHEMO*.

 

Avez-vous perdu de vue des patients ?

Nous tous — médecins, infirmier(e)s, pharmaciens, assistant(e)s de recherche clinique, psychologue et secrétaires — avons laissé un message systématique dans nos boîtes mail, pour rester en contact avec les patients. Pour appliquer les mesures barrières, nous avons limité les consultations sur place, à l’exception des enfants qui démarraient un traite-
ment de prophylaxie, pour ne pas interrompre l’apprentissage parental. Nous sommes restés en contact, via des téléconsultations, avec le reste des enfants et leurs parents qui nécessitaient un suivi chronique. En hémophilie, non seulement apprendre le geste de piquer compte, mais par ailleurs les familles ont besoin de nombreux échanges sur la vie quotidienne, sur l’école, la garderie...

 

Les prélèvements lors des tests PCR ont-ils été problématiques ?

Pour les hémophiles traités, il n’y a aucune contre-indication à faire ces tests quelle que soit la sévérité de la maladie. En revanche, pour certaines pathologies hémorragiques particulières comme les maladies plaquettaires ou la maladie de Willebrand, par prudence, il est préférable de ne faire le test que si c’est indispensable et de n’utiliser que les plus petits écouvillons.

 

L’éducation thérapeutique a-t-elle pu être poursuivie normalement ?

A Lyon, notre particularité est d’apprendre très tôt aux parents à pratiquer l’injection intraveineuse du facteur déficitaire sur leurs enfants, pour qu’ils deviennent indépendants de la structure hospitalière de référence. Et ce, dès l’âge de 12 à 18 mois, lorsque le patient est en capacité de s’asseoir seul. Pour ces familles en cours d’apprentissage, nous avons poursuivi l’éduction thérapeutique sur place. Pour les autres, les ateliers de groupe ETP ont été suspendus et n’ont, hélas, pas encore pu reprendre.

 

La prise en charge des hémophiles adolescents a-t-elle été plus difficile ?

Les téléconsultations nous ont été très utiles pour garder un lien avec ces jeunes patients. Nous sommes toujours restés dans la négociation pour la poursuite de leur adhérence au traitement. Nous trouvons toujours une alternative pour qu’ils continuent à rester observants.

 

Quid des comorbidités ?

L’hémophilie peut être associée à des pathologies chroniques telles l’hypertension artérielle, le diabète, l’obésité... Et si les formes sévères de Covid-19 sont plus fréquentes dans ces circonstances, nous n’avons pas eu de cas dans notre établissement.

 

Ces injections sous-cutanées se généralisent-elles ?
Certains patients, avec anticorps, bénéficient déjà de ce nouveau traitement. L’indication pour les patients hémophiles A sévères sans anticorps a été donnée début 2020. La recommandation nationale était de ne pas démarrer le traitement pendant le confinement, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Ce traitement ne remplace pas le facteur déficitaire mais c’est un anticorps humanisé bi-spécifique qui mime l’action du facteur VIII dans la coagulation. Les patients ne doivent donc pas l’utiliser à la demande, pour l’urgence mais comprendre que c’est un traitement de fond, avec un apprentissage indispensable.

 

 

Propos recueillis par Marie Beaurenaud

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