• Pr Martinot : Infections à rotavirus : Les vaccins de nouveau recommandés et remboursés

Alain Martinot

Discipline : Infectiologie

Date : 17/01/2023


  • 304_photoParole_130PE_PrMartinot.jpg

Les autorités de santé misent sur leurs récentes recommandations en faveur de la vaccination des nourrissons contre les infections à rotavirus et sur le remboursement des deux vaccins commercialisés en France pour améliorer la couverture vaccinale qui plafonne à 5% et réduire les hospitalisations de cette population. Les explications du Pr Alain Martinot, pédiatre au CHU de Lille.

 

TLM : Dans quelle mesure les infections à rotavirus sont-elles graves ?

Pr Alain Martinot : Elles sont la première cause de gastroentérites aiguës chez les enfants de moins de deux ans, en termes de fréquence, et sont à l’origine des cas les plus graves. Tous les enfants vont être confrontés au rotavirus plusieurs fois au cours de leurs premières années de vie, mais cette première rencontre est celle qui entraîne les déshydratations les plus graves — même si l’immunité naturelle acquise après ce premier contact dure assez peu de temps, elle atténue la sévérité des épisodes suivants. Par conséquent, plus le premier épisode infectieux survient tôt, plus il peut être grave. On considère qu’un épisode sur 50 aboutit à une déshydratation sévère du jeune patient, laquelle représente la première urgence vitale en pédiatrie. Et si l’on élargit aux moins de cinq ans, les gastroentérites à rotavirus sont responsables de 20 000 hospitalisations par an en France, de 28 000 consultations aux urgences et de 57 000 consultations en médecine générale. Je dirais donc que ce sont des infections fréquentes mais pas banales dans la mesure où l’on ne peut pas prédire qui va se déshydrater.

 

TLM : Quelles sont les particularités des rotavirus ?

Pr Alain Martinot : Plusieurs caractéristiques permettent de comprendre pourquoi le rotavirus entraîne chaque année, entre décembre et avril en général, des épidémies de gastroentérites. C’est un virus très contagieux —une dizaine de particules suffisent à contaminer un individu ; sa transmission se fait essentiellement par les mains ou par le contact avec des surfaces contaminées ; sa présence dans les selles avant même que l’enfant soit symptomatique facilite sa transmission. Les principales mesures de prévention reposent sur un lavage soigneux et fréquent des mains au savon pour enlever les impuretés, complété par un nettoyage à l’aide d’une solution hydroalcoolique : on s’est en effet aperçu que le rotavirus résistait au savon mais était sensible au gel hydroalcoolique. Ces mesures d’hygiène doivent être tout particulièrement appliquées dans les lieux accueillant de jeunes enfants ou des personnes âgées, ainsi que dans les établissements de santé où le rotavirus est un grand pourvoyeur d’infections nosocomiales.

 

TLM : Certaines personnes sont-elles plus fragiles que d’autres au regard de ce virus ?

Pr Alain Martinot : La principale fragilité est liée à l’âge : plus l’enfant est jeune, plus il renouvelle rapidement son stock hydrique. Et plus la diarrhée entraîne des pertes en eau abondantes, plus le risque de déshydratation est élevé. Il faut garder à l’esprit qu’un nourrisson peut se déshydrater en trois à six heures. La période la plus à risque est celle de six mois à un an. Les personnes âgées, pour d’autres raisons, sont également une population à risque : chez elles, le risque de déshydratation en cas de gastroentérite aiguë à rotavirus est aggravé par leur sensation de soif amoindrie, qui les incite peu à boire, et en cas de fonction rénale défaillante.

 

TLM : Quels sont les signes qui doivent alerter ?

Pr Alain Martinot : Un enfant pâle, dont le comportement n’est pas habituel (il ne joue plus, il devient hypotonique), qui présente une respiration polypnéique, doivent conduire à consulter. Si la diarrhée reste abondante et que les vomissements persistent malgré la solution de réhydratation orale, il faut reconsulter sans attendre.

La vaccination contre les rotavirus était recommandée en 2013, avant d’être suspendue. Elle l’est à nouveau depuis le mois de juin 2022, et remboursée depuis novembre de la même année.

 

TLM : Pourquoi ces revirements ?

Pr Alain Martinot : La suspension de la recommandation a été décidée à la suite d’un rapport de pharmacovigilance à charge contre les vaccins après la survenue de cas d’invagination intestinale aiguë prise en charge tardivement. Non prise en charge, cette complication entraîne une occlusion intestinale qui doit être opérée en urgence. En réalité, il s’agit de cas exceptionnels. Cela fait des années que les sociétés savantes, et plus particulièrement les pédiatres, pressent les autorités sanitaires de revenir sur leur décision. Le surisque d’invagination a été mieux précisé entre 1,7 et 6/100 000 (pour une incidence spontanée d’environ 40/100 000 chez le nourrisson), et ce dans un délai précis de trois à sept jours après l’administration de la première dose. La crainte d’un pic épidémique à la sortie des confinements a également participé à la décision de la HAS. D’autant que les données en vie réelle ont montré que la vaccination réduit de 90 à 95% les hospitalisations chez les moins de 2 ans, et de 70 à 80% les consultations. Depuis juin 2022, la vaccination contre les rotavirus est donc recommandée chez tous les nourrissons âgés de six semaines à six mois. Elle doit impérativement être assortie d’une information des parents sur le risque d’invagination intestinale et surtout sur les signes d’aggravation qui doivent conduire à revoir un médecin en urgence. Le remboursement des deux vaccins est acquis depuis le 22 novembre. Un des objectifs est d’éviter les potentielles conséquences d’une quadruple épidémie de gastroentérites aiguës-bronchiolite-grippe-Covid sur le système de soins déjà fragilisé.

 

TLM : Quelques mots sur les vaccins ?

Pr Alain Martinot : Il s’agit de vaccins vivants atténués qui présentent les mêmes garanties en termes d’efficacité et de sécurité. Pas d’injection, ce sont des vaccins oraux. Le schéma vaccinal est de deux doses (à deux et trois mois) avec le Rotarix® et de trois doses (à deux, trois et quatre mois) avec le RotaTeq®. Il doit être terminé avant l’âge de six mois pour le premier, et de huit mois pour le second. Les recommandations préconisent de procéder à la vaccination juste avant l’injection des autres vaccins infantiles, ce qui présente un double avantage : une seule consultation et une meilleure acceptation des piqûres grâce à l’effet analgésique procuré par le goût sucré !

 

TLM : Quel est le niveau actuel de la couverture vaccinale ?

Pr Alain Martinot : Pour l’heure, il n’est que de 5% ! On est encore loin des 70% nécessaires pour en tirer tous les bénéfices mais le remboursement des vaccins devrait accélérer les choses.

Propos recueillis

par Mathilde Raphaël

  • Scoop.it