• Pr. MARTEAU : Des bonnes pratiques du Reflux gastro-œsophagien

Philippe MARTEAU

Discipline : Gastro-entérologie, Hépatologie

Date : 24/07/2020


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FACE À UNE SUSPICION DE REFLUX GASTRO-ŒSOPHAGIEN,
DEUX RÈGLES S’IMPOSENT,
SELON LE PR PHILIPPE MARTEAU (HÔPITAL SAINT ANTOINE, PARIS) : CHEZ LE SUJET DE PLUS DE 50 ANS, DEMANDER UNE GASTROSCOPIE ; S’INTERROGER PAR AILLEURS

SUR LA JUSTIFICATION D’UN RENOUVELLEMENT SYSTÉMATIQUE DU TRAITEMENT PAR IPP...

 

TLM : Quelles sont les modalités de prise en charge du Reflux gastro-œsophagien (RGO) ?
 Pr Philippe Marteau :
Il s’agit d’une affection extrêmement fréquente, le plus souvent d’intensité modérée. Devant des symptômes gênants, chez le sujet de moins de 50 ans, la prise en charge repose sur la mise en place d’un traitement par inhibiteur de la pompe à protons (IPP) pour une durée limitée. Dans la réalité, on observe une surprescription des IPP, notamment du fait d’un renouvellement automatique des ordonnances. La France se distingue parmi les pays ayant une consommation anormalement élevée d’IPP. Si le respect de règles hygiéno-diététiques permet de diminuer les symptômes, avec une efficacité certes moindre que le traitement médicamenteux, il permet surtout de diminuer les rechutes après arrêt du traitement. La diminution du surpoids, le respect d’un temps suffisant entre le repas et le coucher, l’utilisation d’un oreiller adapté contribuent à la persistance des effets du traitement après son arrêt.

 

TLM : Les IPP posent-ils question sur le plan de la sécurité d’usage à long terme ?
Pr Philippe Marteau :
Non. Normalement, pour les raisons évoquées ci-dessus, les IPP ne sont indiqués au long cours que chez une faible fraction des malades (notamment ceux qui ont une œsophagite). Quoi qu’il en soit, les études épidémiologiques n’ont pas mis en évidence de problème de tolérance particulier. La fréquence des infections digestives est un peu accrue (suppression de la barrière acide protectrice),

par exemple par Clostridium difficile. L’augmentation du risque fracturaire ou la déplétion en magnésium parfois allégués n’ont pas été démontrés.

 

TLM : Quelle est la place des examens complémentaires dans le diagnostic et la prise en charge du RGO ?
Pr Philippe Marteau :
Habituellement la symptomatologie clinique suffit pour poser le diagnostic. Le pyrosis est suffisamment évocateur et le plus souvent parfaitement décrit par le patient. Dans les cas difficiles, en présence de symptômes dits atypiques (douleurs de poitrine, toux chronique, enrouements, raclements de gorge, problèmes dentaires), le RGO doit être évoqué mais peut nécessiter des examens complémentaires : œsogastroscopie toujours, mais aussi la pH-métrie si l’endoscopie est normale et les signes résistants à des doses usuelles d’IPP.

L’endoscopie est indiquée chez les sujets de plus de 50 ans ou présentant des signes d’alarmes (perte de poids, saignements associés, résistance au traitement à dose usuelle). La présence d’érosions typiques dans le bas de l’œsophage, zone d’exposition à l’acide remontant de l’estomac, signe alors l’œsophagite. On note toutefois que

ces recommandations ne sont pas toujours bien suivies. Il faut être attentif à la banalisation du reflux, notamment après 50 ans. Le risque d’évolution vers une lésion cancéreuse est réel (adénocarcinome du bas œsophage dont la fréquence augmente). Chez les sujets plus jeunes, l’endoscopie n’intervient qu’en cas de résistance au traitement, ce qui est rare dans cette population.

 

TLM : Que conseiller à un médecin généraliste face à une suspicion de RGO ?
Pr Philippe Marteau :
Les conseils tiennent en deux points. Le premier est de ne pas oublier la gastroscopie après 50 ans afin d’éviter toute perte de chance. Nous ne sommes en effet pas tous égaux face aux lésions œsophagiennes et la symptomatologie n’est pas bien corrélée à leur présence ou leur gravité. Elles peuvent saigner, entraîner une sténose de l’œsophage et parfois évoluer vers des lésions cancéreuses. La présence d’un endobrachyœsophage étendu nécessite une surveillance régulière par endoscopie. Il faut en outre garder à l’esprit que si les cancers épidermoïdes de l’œsophage, liés à l’alcool et au tabac, sont en recul, ceux liés au RGO continuent de progresser. Il est donc nécessaire que les spécialistes comme les généralistes aillent tous dans le sens d’une surveillance plus large des populations à risque.

Le second conseil est de se poser systématiquement la question de la justification du renouvellement d’un traitement par IPP, comme pour toute prescription en fait. Dans de très nombreux cas, le recours ponctuel à un antiacide ou aux IPP « à la demande » est suffisant pour contrôler ce qui n’est qu’une simple situation d’inconfort et de dyspepsie. En d’autres termes, s’il est utile d’évoquer un RGO dans le cas de symptômes mêmes atypiques, cela ne justifie en rien une mise sous traitement systématique. Les autorités de santé font d’ailleurs régulièrement écho à ce type de message dont les bénéfices seraient tant individuels que collectifs.

 

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