• Pr MAROTTE : PR : Une pathologie au traitement mieux contrôlé

Hubert MAROTTE

Discipline : Rhumato, Orthopédie, Rééduc

Date : 11/07/2022


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Grâce au diagnostic précoce, à une prise en charge adaptée, dans plus de 95 % des cas, les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde ont une perspective de rémission, se réjouit le Pr Hubert Marotte, rhumatologue au CHU de Saint-Etienne, qui précise ce qu’il faut savoir sur le diagnostic, la physiopathologie, les traitements, voire les alternatives.

 

TLM : Quand doit-on envisager le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde (PR) ?

Pr Hubert Marotte : Le diagnostic sera évoqué chez un patient souffrant de polyarthralgies, c’est-à-dire des douleurs articulaires touchant plusieurs articulations.

Ces douleurs sont à caractère inflammatoire, elles réveillent le patient en fin de nuit et nécessitent un déverrouillage matinal, à savoir de mobiliser les articulations le matin pour les soulager. Au fil de la journée, les patients ont moins mal et vont beaucoup mieux en fin de journée.

Pour évoquer le diagnostic, le médecin doit examiner le patient et identifier au moins une articulation gonflée. Les plus touchées sont les articulations distales des mains et des pieds, les poignets, les genoux.... Les atteintes sont le plus souvent symétriques. Le tableau clinique le plus courant est l’atteinte des mains, des pieds et des poignets. Attention : lorsqu’un patient consulte pour l’inflammation d’une seule articulation, notre grande crainte est l’arthrite septique, mais la cause la plus fréquente s’avère une arthrite microcristalline. Il faut aussi savoir éliminer une inflammation articulaire liée à un lupus, ou d’origine traumatique ou encore une poussée d’arthrose.

 

TLM : Quels examens complémentaires pour confirmer le diagnostic de PR ?

Pr Hubert Marotte : Le bilan diagnostic repose sur des biomarqueurs de l’inflammation non spécifiques comme la numération, le dosage de la CRP. Par ailleurs, il faut rechercher les marqueurs spécifiques de la polyarthrite rhumatoïde, bien sûr le facteur rhumatoïde, mais surtout les anticorps contre les peptides citrullinés (anti-CCP), plus fiables, qui peuvent apparaître bien avant les premiers symptômes. L’examen radiologique complète le bilan. La présence de signes d’érosion au niveau des articulations des mains, des pieds peut confirmer le diagnostic, mais elle traduit alors un signe de maladie agressive.

 

TLM : Comment améliorer la précocité du diagnostic ?

Pr Hubert Marotte : Grâce à une classification développée en 2010, il est possible d’instaurer un traitement de fond, plus précocement qu’autrefois, avant même l’apparition des érosions sur les radiographies. En cas d’au moins une articulation gonflée sans autre diagnostic évident et sans érosion, le clinicien peut utiliser un score basé sur plusieurs items. Ainsi, si le patient souffre depuis plus de six semaines au niveau articulaire, 1 point est attribué ; entre 1 et 5 points sont imputés en fonction du nombre et de la distribution des articulations atteintes ; la présence d’un syndrome inflammatoire donne 1 point et la présence du facteur rhumatoïde ou d’anti-CCP 2 voire 3 points si l’on constate une forte concentration (supérieure à trois fois la normale). Le diagnostic est confirmé lorsque le score est égal ou supérieur à 6, même en l’absence de signes radiologiques. Plus le traitement est précoce, moins il y aura de risque de séquelles et mieux le patient se portera.

 

TLM : Connaît-on mieux les causes de la polyarthrite rhumatoïde ?

Pr Hubert Marotte : C’est une maladie qui se développe sur un terrain génétique particulier. Mais cela ne suffit pas. Comme toutes les maladies auto-immunes, des facteurs environnementaux sont présents. En particulier, le tabagisme actif et aussi passif sont des facteurs de risque. Un mauvais état dentaire, en particulier une parodontopathie sévère, est aussi associé à un risque accru. La maladie survient en moyenne vers 50 ans, les femmes sont plus touchées que les hommes. Mais en cas de début tardif de la maladie après 80 ans, les deux sexes sont concernés de façon équivalente.

 

TLM : Comment prendre en charge la PR ?

Pr Hubert Marotte : Toute polyarthrite rhumatoïde doit être traitée. Le traitement de première intention est incontestablement le méthotrexate qui a un effet immunomodulateur. On connaît bien son efficacité et ses effets secondaires. Le traitement consiste en une prise hebdomadaire. On débute en général par des comprimés. La dose de départ est de 10 mg et l’objectif est d’atteindre rapidement 15 mg par semaine, car le pronostic est meilleur pour les patients traités par au moins 15 mg par rapport à ceux recevant un dosage inférieur. Pour améliorer la tolérance en particulier digestive, la prescription conjointe d’acide folique est indispensable. Le risque infectieux est minime.

En cas de réponse insuffisante ou d’intolérance, on a tendance à utiliser la forme sous-cutanée. Les effets du méthotrexate se manifestent après plusieurs semaines (au moins six semaines) avec une pleine efficacité atteinte au bout de plusieurs mois. Pour certains patients, la mise en place d’une corticothérapie pendant au maximum six mois permet de supprimer l’inflammation rapidement, en attendant que l’effet du méthotrexate prenne le relais. Mais il faut vraiment arrêter les corticoïdes rapidement du fait de leurs effets secondaires. Pour surveiller l’évolution de la maladie, nous utilisons le score DAS 28 (Disease Activity Score), lors des consultations. Ce score est basé sur l’évaluation de vingt-huit articulations, l’évaluation de l’activité de la maladie par le patient et par une mesure d’un paramètre de l’inflammation. Quand la DAS 28 est inférieure à 2,6, le patient est en rémission. Si le score est supérieur à 3,2, cela signifie que la maladie est active. Il est possible d’augmenter le méthotrexate jusqu’à 25 mg. 60% des patients recevant le méthotrexate ont un score inférieur à 3,2.

 

TLM : Pour les patients qui ne sont pas en rémission malgré ce traitement, quelles sont les alternatives ?

Pr Hubert Marotte : Les patients qui ne sont pas en rémission malgré le traitement par méthotrexate peuvent avoir recours à un traitement ciblé par biomédicament ou par un anti-JAK. Ces molécules nécessitent une primo-prescription hospitalière. Le méthotrexate est associé systématiquement à ces traitements ciblés afin d’augmenter leur efficacité.

 

TLM : Ces stratégies permettent-elles d’éviter les grandes séquelles de la maladie ?

Pr Hubert Marotte : Le délai entre les symptômes et le diagnostic a vraiment diminué. Il est aujourd’hui de quelques mois. Autrefois, le diagnostic était porté des années après les premiers signes. Grâce au diagnostic précoce, à une prise en charge adaptée, dans plus de 95% des cas, les patients sont en rémission. Il est alors parfois possible de diminuer ou d’espacer les traitements. Aujourd’hui, l’espérance de vie des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde est quasiment similaire à la moyenne nationale. Il y a 20 ans, cette espérance de vie était inférieure de dix ans.

Nous ne voyons quasiment plus de patients souffrant de formes très handicapantes, à l’exception de ceux chez qui le diagnostic a été porté trop tardivement.

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

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