• Pr. MAGNAN : L’asthme sévère, un fardeau à la fois physique et psychologique

Antoine MAGNAN

Discipline : Pneumologie

Date : 25/04/2021


  • 120_photoParole_123PE_PrMagnan.jpg

En France, parmi les 4 millions d’asthmatiques, environ 60 000 souffriraient d’asthme sévère.

Respiration sifflante, toux sèche, essoufflement, oppression thoracique, difficultés à respirer... A priori, rien ne distingue les symptômes de l’asthme sévère de ceux d’une forme légère ou modérée de cette maladie. Et pourtant... « Même s’il correspond à la définition de l’asthme, l’asthme sévère est une maladie différente, à part entière. Les symptômes sont à la fois plus sévères, plus fréquents, et surtout ils résistent aux traitements même lorsque ceux-ci sont correctement suivis et que tous les facteurs susceptibles de déclencher une crise ont été éliminés », explique le Pr Antoine Magnan. Une situation que confirment les résultats d’une enquête Ifop pour le laboratoire Sanofi Genzyme* : par rapport aux asthmatiques légers ou modérés, les patients atteints d’une forme sévère souffrent davantage de l’impact de leur maladie : 56 % ont ressenti des symptômes en cours de journée au moins trois fois par semaine (vs 36 %) ; 59 % ont été réveillés la nuit à cause de leur asthme (vs 31%) ; 59 % ont dû utiliser leur inhalateur de secours ou prendre un traitement par nébulisation au moins trois fois par semaine (vs 21 %). Résultat, les asthmatiques sévères sont plus nombreux à considérer que leur maladie affecte leur santé physique (60 % vs 28 %), et à estimer qu’elle limite leur activité physique ou sportive (56 % vs 36 %).

Un fardeau psychique... Au-delà de leur santé physique, l’asthme sévère affecte également la santé psychique des patients. D’après l’enquête Ifop, la quasi-totalité des patients (95 %) imputent leur stress, leur nervosité ou leur anxiété à leur asthme, et 86 % estiment que leur maladie joue un rôle dans les épisodes de dépression qu’ils ont pu connaître. Mais l’impact de l’asthme sévère va plus loin. Plus de 4 asthmatiques sévères sur 10 font en sorte de ne pas se retrouver dans une situation générant du stress ou des émotions, et 40 % évitent les situations où ils seraient susceptibles de rire ! « Comme rire peut déclencher une crise, on en vient à refuser des invitations chez des amis », confirme Chantal Harnois. Se sentant incompris, beaucoup de patients ont alors tendance à s’isoler. « Pendant des années, personne ne savait que je souffrais d’asthme sévère. Encore aujourd’hui, cela reste compliqué d’en parler car les gens ont du mal à comprendre le poids de cette maladie qu’ils confondent, à tort, avec un asthme “classique” ».

et social. L’asthme sévère n’épargne aucune sphère de la vie des patients. « Lorsque l’on part en vacances, on doit s’assurer qu’il y a un médecin ou un hôpital à proximité ; si c’est à l’étranger, on vérifie que le climat est compatible ou que le taux de pollution est faible ; et sur le plan professionnel, certains métiers comme boulanger, coiffeur ou professeur de sport, nous sont tout simplement interdits », indique la présidente de l’Association des asthmatiques sévères. Des propos confirmés par les résultats de l’enquête Ifop, selon lesquels 37 % des asthmatiques sévères interrogés affirment avoir renoncé à certains emplois de crainte qu’ils ne provoquent des crises d’asthme. Certains renoncent même à avoir des rapports sexuels (35 %) ou à fonder une famille (32 %). « L’asthme sévère est une maladie très invalidante, qui bouleverse le quotidien des patients. Il modifie à la fois le quotidien et les perspectives des patients, qui vivent en permanence avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête », résume Chantal Harnois.

Un parcours chaotique. Le parcours médical des patients est lui-même souvent chaotique. En cause, l’errance diagnostique liée au temps nécessaire pour identifier l’asthme sévère. « Le médecin doit d’abord s’assurer que son patient souffre bien d’un asthme et non d’une autre maladie respiratoire, puis que la survenue de ses symptômes n’est pas due à une mauvaise observance de ses traitements ou à une exposition à des facteurs déclenchant les exacerbations ; il doit ensuite évaluer l’efficacité des traitements, contrôler la technique d’inhalation et rechercher d’éventuelles comorbidités (obésité, polypose nasosinusienne, reflux gastro-œsophagien...) qui contribuent au mauvais contrôle de l’asthme. Ce n’est qu’au bout de 6 à 12 mois qu’il peut réellement poser le diagnostic d’asthme sévère », explique le Pr Magnan. Et sur le plan de la prise en charge, seuls 38 % sont suivis par un pneumologue hospitalier. Résultat, ils multiplient les prises de corticoïdes par voie générale, dont les effets secondaires peuvent être redoutables. « Audelà de deux exacerbations par an, les patients doivent être adressés à un pneumologue. En fonction du profil de la maladie, ce dernier pourra leur pro poser une biothérapie, un essai thérapeutique, une thermoplastie, ou un traitement quotidien à base de corticoïdes per os mais à faible dose avec surveillance rapprochée et prévention des effets secondaires », recommande le spécialiste.

Jeanne Labrune

  • Scoop.it