• Pr MAGNAN : «Un asthme mal contrôlé doit toujours être pris au sérieux »

Antoine MAGNAN

Discipline : Pneumologie

Date : 11/04/2022


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Annonciateur d’exacerbations sévères, un asthme mal contrôlé doit être pris en charge rapidement, rappelle le Pr Antoine Magnan, chef du service de Pneumologie à l’hôpital Foch à Suresnes.

 

TLM : Qu’est-ce qu’un asthme mal contrôlé ?

Pr Antoine Magnan : C’est un asthme qui reste symptomatique (sifflements, gêne respiratoire, toux prolongée...) quelques semaines après l’institution d’un traitement jugé adapté initialement : présence de symptômes diurnes plus de deux fois par semaine, de symptômes et/ou de réveils nocturnes au moins une fois par semaine, qui nécessitent l’utilisation fréquente du traitement de secours. Un asthme mal contrôlé est à prendre très au sérieux car il est annonciateur d’exacerbations plus sévères qui, très souvent, conduisent le patient aux urgences, et s’accompagnent, dans un tiers des cas, de récidives dans le mois suivant. Il est donc particulièrement important de repérer les patients concernés. En France, l’asthme serait mal contrôlé chez 60% des malades.

 

TLM : Quelles sont les raisons de ce mauvais contrôle ?

Pr Antoine Magnan : Elles sont multiples : comme dans toutes les pathologies chroniques, la mauvaise observance thérapeutique est fréquente ; certains patients prennent leur traitement « en pointillé », tandis que d’autres décident d’eux-mêmes de l’arrêter dès qu’ils vont mieux. Il arrive aussi qu’ils restent exposés à des facteurs déclenchant les exacerbations (pollution, tabagisme, allergènes), ou qu’ils présentent des comorbidités (obésité, reflux gastro-œsophagien, maladies de la sphère ORL — en particulier une rhinite ou une polypose nasosinusienne —, syndrome d’apnée obstructive du sommeil), qui n’ont pas été prises en charge. Enfin, les traitements mal adaptés à la maladie et les erreurs de manipulation des dispositifs d’inhalation sont un autre motif fréquent d’échec de traitement et de mauvais contrôle de l’asthme. Loin d’être intuitive, l’utilisation de ces dispositifs, dont il existe de multiples modèles, peut s’avérer compliquée. Lors de leur prescription, il est important que le médecin prenne le temps d’expliquer à son patient la façon de s’en servir, puis de vérifier qu’il a bien compris. Il peut aussi l’inviter à suivre les tutoriels en ligne proposés dans le guide Zéphir sur le site de la Société de pneumologie de langue française (www.splf.fr).

 

TLM : En quoi consiste la prise en charge d’un patient souffrant d’un asthme non contrôlé ?

Pr Antoine Magnan : Lors de la consultation, le médecin doit passer en revue toutes les causes potentielles de ce mauvais contrôle : il doit d’abord réévaluer le diagnostic et s’assurer que son patient souffre bien d’un asthme et non d’une autre maladie respiratoire, puis que la survenue de ses symptômes n’est pas due à une exposition à des facteurs déclenchant les exacerbations ou à d’éventuelles comorbidités qui n’auraient pas été prises en charge ; il doit ensuite évaluer l’efficacité des traitements, contrôler la technique d’inhalation et interroger son patient sur son observance thérapeutique. Cette question est toujours délicate à aborder, mais elle est nécessaire : le discours doit être totalement déculpabilisant si l’on veut instaurer la relation de confiance indispensable au bon suivi du traitement. A chaque consultation, le médecin doit interroger son patient sur son asthme. Mais il ne doit pas se contenter de la question « comment va votre asthme ? ». Il doit formuler des questions précises portant sur ses symptômes chroniques (diurnes, nocturnes, à l’effort, pendant le sport...), sur le retentissement de la maladie et ce qu’elle lui empêche de faire, sur ses besoins en médicaments de secours, sur les exacerbations et sur la variabilité des symptômes selon les saisons par exemple. Il existe un auto-questionnaire de contrôle très bien conçu que le patient peut remplir dans la salle d’attente ; il est reproductible et peut être distribué à chaque consultation afin de contrôler l’évolution de la maladie et de sa prise en charge.

 

TLM : Les traitements diffèrent-ils du traitement initial ?

Pr Antoine Magnan : La base du traitement repose sur l’utilisation, à la demande, d’un bronchodilatateur à longue durée d’action, qui permet un relâchement des muscles bronchiques, et la prise quotidienne de corticoïdes inhalés. Il existe désormais toute une panoplie de dispositifs combinant les deux, à prendre a minima matin et soir, ce qui garantit l’observance du traitement de fond. Mais le traitement de l’asthme ne se limite pas à cette association thérapeutique ; il existe beaucoup de nouvelles molécules que le médecin généraliste ne connait pas nécessairement, c’est pourquoi il doit savoir passer la main quand son patient ne répond pas ou mal au traitement standard, et l’adresser au pneumologue afin qu’il puisse en bénéficier. S’il y a une chose à retenir c’est qu’il n’est pas normal qu’un patient fasse une exacerbation, et qu’au-delà de deux, sa prise en charge doit être revue.

 

TLM : Et pour les personnes dont la maladie resterait mal contrôlée malgré une bonne observance thérapeutique et un traitement inhalé maximal ?

Pr Antoine Magnan : Ces personnes, qui souffrent d’un asthme que l’on qualifie de sévère, représentent environ 5% des patients. La prise en charge consistait jusqu’à il y a peu à compléter la corticothérapie inhalée par la prescription de corticoïdes à usage systémique. Les effets indésirables (prise de poids, fonte musculaire, hypertension artérielle, glaucome, cataracte, ostéoporose...) sont insupportables sur le long terme et, heureusement, d’autres solutions sont apparues : le pneumologue peut désormais, en fonction du profil de la maladie, proposer à son patient une une biothérapie et, plus rarement, une thermoplastie. Pour les patients non éligibles à ces traitements, des essais thérapeutiques sont en cours avec d’autres molécules.

 

TLM : Peut-on espérer parvenir un jour à guérir l’asthme ?

Pr Antoine Magnan : L’asthme est une pathologie multifactorielle, une sorte de conglomérat de maladies ayant chacune son propre mécanisme ; l’objectif actuel est d’arriver à proposer aux patients un traitement personnalisé capable de cibler les mécanismes responsables de leur asthme. Concernant la guérison de l’asthme, elle ne peut etre envisagée qu’au travers d’un traitement définitif de l’inflammation bronchique qui n’existe pas encore.

Propos recueillis

par Mathilde Raphaël

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