• Pr LINA : Pour prévenir le syndrome du choc toxique menstruel

Gérard LINA

Discipline : Gynécologie, Santé de la Femme

Date : 11/04/2022


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La prévention du syndrome du choc toxique menstruel, une maladie rare des règles, passe par l’éducation des jeunes filles/femmes sur l’usage des protections intravaginales, estime le Pr Gérard Lina, microbiologiste spécialiste de cette maladie au Centre national de référence des staphylocoques aux Hospices civils de Lyon.

 

TLM : Qu’est-ce-que le syndrome du choc toxique menstruel ?

Pr Gérard Lina : Il s’agit d’une maladie infectieuse provoquée par un staphylocoque doré dont la virulence est liée à la production d’une toxine baptisée TSST-1.

Comme son nom l’indique, elle survient au moment des règles, chez les femmes dont le microbiote vaginal est colonisé par un staphylocoque doré producteur de cette toxine — ce qui n’est, heureusement, pas le cas de tous les staphylocoques dorés ! En bloquant l’élimination du sang menstruel, le port d’une protection intravaginale crée un milieu de culture favorable à cette bactérie, qui va se multiplier et libérer sa toxine. Celle-ci gagne alors l’ensemble de l’organisme et déclenche une intoxication généralisée. J’insiste sur le fait qu’il s’agit d’une pathologie des règles et non des tampons. La preuve, elle peut aussi survenir chez les femmes qui portent des coupes menstruelles (ou « cups ») ou des éponges périodiques.

 

TLM : Combien de femmes sont concernées ?

Pr Gérard Lina : En 2016, nous avons mené un projet intitulé « Impact du microbiote vaginal sur le développement du choc toxique staphylococcique menstruel », dans le cadre duquel nous avons réalisé une collecte de tampons : environ 4 % des femmes étaient porteuses de Staphylococcus aureus producteur de TSST-1 au niveau vaginal. Mais toutes ne développent pas un syndrome du choc toxique ! Au Centre national de référence des staphylocoques des Hospices civils de Lyon, le seul en France à étudier cette maladie, une vingtaine de cas nous sont adressés chaque année. Mais, d’après les statistiques dont nous disposons dans certaines régions, la prévalence s’élèverait plutôt à une centaine de cas annuels en France.

 

TLM : Pourquoi seules certaines femmes colonisées par ce staphylocoque doré producteur de TSST-1 développent-elles un syndrome de choc toxique menstruel ?

Pr Gérard Lina : Plusieurs raisons peuvent expliquer cette discordance entre la prévalence de la colonisation par cette bactérie et l’incidence de la maladie. La première, et de loin la plus importante, est que la très grande majorité des femmes (90 %), et ce probablement dès leurs premières règles, ont naturellement des anticorps qui les protègent contre la maladie. Cette immunisation survient lors de la colonisation ou la survenue de micro-infections avec ce type de souche de staphylocoques dorés. Il semblerait aussi que certains microbiotes vaginaux et facteurs génétiques liés à l’hôte, qui n’ont pas encore été identifiés, protègent contre le syndrome du choc toxique. Enfin, le mode d’utilisation des protections périodiques internes joue également un important rôle.

 

TLM : Quels sont les symptômes de ce syndrome ?

Pr Gérard Lina : Les premiers signes sont ceux d’une virose banale : fièvre, maux de tête, nausées, diarrhées... La première chose à faire est de retirer immédiatement la protection périodique en cause — tampon ou cup — et de la remplacer par une serviette hygiénique. Si les symptômes persistent plusieurs heures ou s’aggravent, il faut consulter son médecin. Si la femme conserve sa protection intravaginale, la libération de la toxine va provoquer une inflammation intense de tout l’organisme, laquelle va entraîner un dysfonctionnement de l’ensemble des organes (cœur, foie, poumons, reins,..) et provoquer des symptômes proches de ceux d’un choc septique. L’organisme, en réaction, va également générer une vasoconstriction distale susceptible d’entraîner une nécrose des extrémités. Les femmes qui sont victimes d’une forme légère de la maladie et qui réchappent au choc toxique peuvent garder des séquelles, en particulier une fatigue intense.

Comme dans le post-Covid, il y a souvent un avant/après qui peut perdurer plus ou moins longtemps.

 

TLM : Comment prend-on en charge ces patientes ?

Pr Gérard Lina : Le traitement à proprement parler associe le traitement du choc avec un remplissage, l’administration de cardiotoniques et un traitement anti-infectieux avec le retrait de la protection périodique intravaginale et une antibiothérapie comprenant un antibiotique visant à diminuer la charge bactérienne (bêta-lactamines anti-staphylocoques), et un antibiotique bloquant la synthèse de toxine (Clindamycine).

 

TLM : Une femme peut-elle être victime plusieurs fois de suite d’un syndrome du choc toxique menstruel ?

Pr Gérard Lina : Cette maladie n’est malheureusement pas immunisante, les femmes qui en ont été victimes ne développent donc pas d’anticorps protecteurs. De plus, ces patientes restent très souvent colonisées par le staphylocoque. Le mode d’utilisation des protections périodiques intravaginales est le seul facteur de risque sur lequel elles peuvent intervenir ; si elles ne modifient pas leur façon de les utiliser, leur risque de récidive est très élevé.

 

TLM : Quels conseils peut-on leur donner ?

Pr Gérard Lina : Il est impératif que les médecins renforcent l’éducation des jeunes femmes en matière d’utilisation des protections intravaginales. Beaucoup ignorent que le staphylocoque doré est naturellement présent dans leur vagin mais aussi sur leurs mains. Elles doivent donc se laver les mains avant et après l’introduction de leur protection périodique, et limiter sa durée d’utilisation à moins de six heures. Cela signifie que ce type de protection ne doit pas être porté la nuit. Sur 24 heures, il est même très fortement conseillé d’alterner les modes de protection (internes et externes), de façon à permettre l’élimination du flux menstruel. Une étude a montré qu’un biofilm se développait sur les coupes menstruelles, surtout si elles sont en silicone ; les rincer ne suffit pas à détruire les bactéries, il est indispensable de les stériliser en les plaçant pendant cinq minutes dans de l’eau bouillante avant de les réintroduire dans le vagin.

Idéalement, les femmes qui utilisent ce type de protection périodique devraient disposer de deux cups, de façon à en avoir toujours une prête à l’emploi. Les marques l’ont compris et proposent de plus en plus des kits comprenant deux cups et un stérilisateur pour plus de praticité. Il ne faut en aucun cas diaboliser les protections internes, qui offrent une grande liberté aux femmes. Mais le message à faire passer pour les plus à risque est de limiter leur usage aux situations qui le nécessitent, d’avoir une hygiène irréprochable lors de leur manipulation et de réduire au maximum leur temps d’utilisation.

Propos recueillis

par Amélie Pelletier

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