• Pr. LINA : Messages clés pour inciter à la vaccination antigrippale

Bruno LINA

Discipline : Infectiologie

Date : 24/07/2020


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DE NOMBREUX ARGUMENTS PLAIDENT EN FAVEUR DE LA VACCINATION ANTIGRIPPALE. ELLE EST EN PREMIER LIEU, SELON LE PR BRUNO LINA, VIROLOGUE, DIRECTEUR DU CENTRE NATIONAL DE RÉFÉRENCE DE LA GRIPPE AUX HOSPICES CIVILES DE LYON,

UN ATOUT POUR VIEILLIR EN BONNE SANTÉ; ELLE LIMITE EN OUTRE
LES NOMBREUSES HOSPITALISATIONS ET LES CAS DE SURINFECTION...

 

TLM : Quel est le bilan de la grippe 2018 2019 ?
Pr Bruno Lina :
Le dernier bilan, réalisé par Santé publique France et publié en mai, montre que 2 millions de personnes ont consulté un médecin généraliste. Nous avons enregistré 60 000 passages aux urgences, de 10 à 15 000 hospitalisations avec 1 900 séjours en réanimation. Près de 10 000 décès, dont 85 % chez des personnes de plus de 75 ans, lui sont imputables.

 

TLM : Comment se place-t-elle par rapport aux années précédentes ?
Pr Bruno Lina : Dans la moyenne, sachant que l’on enregistre généralement entre 2 et 4 millions de cas par épidémie. Elle se distingue toutefois sur un point : le nombre élevé de recours aux urgences, ce qui semble être une tendance de fond. Elle se démarque aussi par le nombre élevé de formes sévères. Il n’était pas lié à une cause virologique évidente, comme une agressivité particulière du virus. Ce peut être dû, en revanche, à une recherche désormais systématique du virus chez tous les patients admis en réanimation pour une affection respiratoire et donc à une imputabilité plus marquée des états sévères à la grippe.

 

TLM : Peut-on prévoir ce que sera l’épidémie à venir ?
Pr Bruno Lina :
A ce jour, on ne dispose que d’hypothèses. Il n’est possible de prévoir la date de début de l’épidémie que dans les trois à quatre semaines qui la précèdent. Parmi les virus identifiés, il n’est pas non plus possible de déterminer précisément celui ou ceux qui vont émerger. Toutefois, connaissant ceux qui ont été observés l’année passée et ceux qui ont circulé dans l’hémisphère sud, on identifie 4 candidats potentiels : deux du type-A (H1N1, H3N2) et deux du type-B (Victoria, Yamagata).

 

TLM : Quelles sont vos recommandations en termes de vaccination ?
Pr Bruno Lina :
Les premiers à sensibiliser à l’importance de la vaccination sont les soignants, en particulier ceux au contact de personnes fragiles. Bien que le taux de vaccination reste faible, on observe une dynamique plutôt positive, peut être due aux campagnes d’information sur le rôle qu’ils jouent dans la transmission du virus. Des travaux ont en effet montré qu’ils comptaient parmi les vecteurs les plus importants de la grippe pour leurs patients, surtout à l’hôpital ou dans les EHPAD. On note une évolution plus marquée dans certains groupes de soignants comme les sages-femmes ou les pédiatres en néonatalogie. Les soignants doivent considérer qu’ils ont une obligation de moyens vis-à-vis du risque de transmission de la grippe. Elle comprend donc la vaccination mais aussi le lavage des mains et le port du masque. Ce dernier est de plus en plus volontiers mis à disposition, y compris dans les salles d’attente. Une démarche bénéfique mais qui reste très nettement moins efficace que le vaccin.

 

TLM : Et quelles sont vos recommandations pour les populations à risque ?
Pr Bruno Lina :
L’année dernière, on a enregistré 1 million de vaccinations supplémentaires, sachant que 500 000 personnes de plus y étaient éligibles. Si le chiffre paraît important, le progrès reste marginal. Les populations les mieux couvertes par la vaccination sont les plus de 65 ans, et plus particulièrement les plus de 75 ans. Hormis ceux-là, les taux de vaccination restent bas à très bas sur de nombreux groupes à risque. Cela peut s’expliquer par le fait que les personnes souffrant de maladies chroniques asymptomatiques (diabète, asthme équilibré) ne se reconnaissent pas « à risque ». Elles ne se sentent pas obligées de bénéficier d’une couverture vaccinale. Notons cependant que, parmi les près de 2 000 cas admis en réanimation, 80% étaient éligibles à la vaccination et plus de la moitié n’étaient pas vaccinés.

 

TLM : Quand doit-on se faire vacciner ?
Pr Bruno Lina :
Il faut immanquablement se faire vacciner avant le début de l’épidémie. Une fois commencée, il faut appliquer les mesures d’hygiène (lavage des mains) et les mesures barrières (masque, distanciation sociale) pour limiter son extension. Ces mesures constituent un continuum que tous les professionnels de santé se doivent de relayer.

 


TLM : Quels seraient vos conseils pour favoriser la vaccination ?
Pr Bruno Lina :
La première des choses est qu’au-delà du geste médical, la vaccination antigrippale est avant tout un atout pour vieillir en bonne santé, de la même manière que l’on va faire du sport ou surveiller son alimentation. Cet argument, positif, peut avoir plus de portée. L’autre message est que, même si le taux d’efficacité du vaccin n’est pas optimal, la vaccination est utile. Utile à titre individuel car un calcul réalisé par Santé publique France a montré qu’il a permis d’éviter l’an passé environ 4 000 décès. Utile aussi à titre collectif car il permet d’éviter un nombre important d’hospitalisations, de surinfections bactériennes, de décompensations cardiaques et respiratoires...
Notre tâche, cette année, va être d’évaluer précisément ces points.

 

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