Pr. LETOMBE : Une nouvelle pilule progestative pour les contraceptions complexes
Discipline : Gynécologie, Santé de la Femme
Date : 25/04/2021
TLM : Quelle est la place des pilules progestatives aujourd’hui ?
Dr Brigitte Letombe : La contraception progestative seule a pris son essor en France à partir de 2012-2013. La première contraception de ce type était à base de lévonorgestrel avec une action antigonadotrope insuffisante de 50 % et un délai d’oubli de trois heures. Elle a été suivie par une contraception orale progestative antigonadotrope permettant un délai d’oubli de 12 heures — équivalent aux œstroprogestatifs. Le desogestrel 75 est apparu en France en 2000 et ne bénéficiait pas d’un remboursement par la Sécurité sociale. A partir de 2013 de nombreux génériques de ce contraceptif sont apparus, tous remboursés. Depuis 2012, la prescription de pilules contraceptives progestatives a progressé de 70 % tandis que celle de pilule œstroprogestative diminuait de 30%. Les pilules orales progestatives représentent aujourd’hui 30% de la contraception hormonale.
Quels sont les avantages des pilules orales progestatives (POP) seules ?
Ce type de contraception est efficace avec un délai d’efficacité de 12 heures pour le désogestrel et ne présente pas de risques cardiovasculaires à l’image de la contraception œstroprogestative, ni d’effets secondaires sur le plan métabolique. Nous n’avons donc pas de raison de refuser la prescription des pilules orales progestatives.
Elles ont aussi des inconvénients. Lesquels ?
La contraception progestative peut être responsable de problèmes de tolérance car elle est moins antigonadotrope que la contraception avec œstrogènes. Cela ne bloque pas la FSH (hormone folliculo-stimulante) et cela peut entraîner dans 10 à 15% des cas des troubles de type syndrome prémenstruel —comme des kystes fonctionnels, douleurs mammaires ou rétention hydrique. La mauvaise tolérance endométriale peut également entraîner des saignements de type spotting qui peuvent durer 8 à 10 jours. Ces saignements peuvent concerner jusqu’à 30 à 40 % des femmes sous pilule orale progestative et représenter un facteur d’arrêt de cette contraception. Les molécules progestatives, comme le lévonorgestrel ou le désogestrel, androgéniques sont potentiellement acnéigènes, avec le risque de gêner les adolescentes et les jeunes femmes.
Quelle actualité en matière d’innovation thérapeutique ?
Je citerais la pilule progestative antiandrogénique à base de drospirénone, progestatif déjà connu car utilisé dans certaines pilules œstroprogestatives. L’innovation en POP est liée à sa demi-vie longue et son index utéro-tropique : les spottings sont moins fréquents et les saignements, prévus selon un schéma innovant de 24/4 (24 comprimés actifs et 4 placebos), interviennent dans cette période d’intervalle libre de quatre jours. Autre avantage : cette nouvelle pilule progestative comporte un léger effet anti-androgénique alors que les autres pilules du même type ont un effet androgénique. Cet effet anti-androgénique est intéressant pour les femmes, notamment les jeunes, présentant des problèmes de peau. Enfin, la drospirénone a une activité anti-minéralocorticoïde, ce qui lui confère un effet anti-rétention d’eau pour les femmes qui souffrent de rétention et un léger effet hypotenseur pour les femmes ayant une tension limite.
Dans quels cas spécifiques doit-on prescrire tout particulièrement cette POP ?
Cette pilule progestative anti-androgénique est intéressante pour les contraceptions dites compliquées. C’est le cas, par exemple, de jeunes filles venant en consultation sans leur mère pour une primo-prescription de pilule et dont on ignore donc les antécédents familiaux, notamment thromboemboliques. On ne peut donc leur prescrire une pilule œstroprogestative, mais uniquement une contraception hormonale dénuée de risques cardiovasculaires, bien tolérée et qui n’entraîne pas de problèmes de peau et de saignements. D’autres femmes peuvent en bénéficier de façon privilégiée : celles dites à risque, qui fument, souffrent d’obésité, de migraine, de diabète, d’hypercholesterolémie ou d’hypertension artérielle et, bien entendu, celles qui allaitent.
Propos recueillis par Héloïse Lasnier ■