• Pr. LEROY : Hépatite C : du dépistage à la prise en charge et à la prévention...

Vincent LEROY

Discipline : Gastro-entérologie, Hépatologie

Date : 24/07/2020


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MAINTENANT AUTORISÉS À PRESCRIRE LES NOUVEAUX ANTI-VIRAUX À ACTION DIRECTE DANS LE CADRE DU PLAN NATIONAL D’ÉLIMINATION DE L’HÉPATITE C, LES MÉDECINS GÉNÉRALISTES NE SONT PAS ENCORE ASSEZ SENSIBILISÉS AU DÉPISTAGE ET À LA PRÉVENTION, ESTIME LE PR VINCENT LEROY, CHEF DU SERVICE D’HÉPATOLOGIE AU CHU HENRI MONDOR (AP-HP) À CRÉTEIL,

QUI PLAIDE POUR LE DÉVELOPPEMENT DE MODULES DE FORMATION*

En France, environ 75 000 personnes seraient infectées par le VHC sans le savoir. La moitié sont des personnes dites vulnérables ou à haut risque (détenus, usagers de drogues injectables), l’autre moitié des individus sans facteurs de risques spécifiques. Si l’on ajoute les 34 600 Français qui se savent contaminés mais qui sont sortis du système de soins, cela porte à près de 110 000 le nombre de patients à traiter contre cette infection. « Si l’on ne fait rien pour augmenter le nombre de patients traités, l’objectif que la France s’est donné d’éliminer le VHC d’ici 2025 sera difficile à atteindre », prévient le Pr Vincent Leroy. Pourtant, depuis 2014, des progrès considérables ont été réalisés en matière de lutte contre l’hépatite C. Avec l’arrivée sur le marché des antiviraux d’action directe (AAD), le taux de guérison a bondi de moinsde50%àplusde95%!Plussouples (fini les injections), moins longs (8 semaines contre 6 à 12 mois auparavant), bénéficiant d’une excellente tolérance, ces nouveaux traitements ont révolutionné le traitement de l’hépatite C et considérablement amélioré la qualité de vie des malades. Jusque-là limités aux seuls patients symptomatiques ou souffrant de complications, ils peuvent, depuis 2016, être prescrits à toutes les personnes infectées par le VHC, quelle que soit la sévérité hépatique. Autre avancée significative : la mise à disposition, en 2017, d’une nouvelle génération

d’AAD dits pangénotypiques, efficaces sur l’ensemble des génotypes du virus. Et enfin la décision, en mai 2019, d’ouvrir la prescription de ces médicaments aux médecins généralistes. Autant d’avancées qui ont considérablement amélioré l’accès aux soins. « Nous disposons, estime le Pr Leroy, de traitements efficaces —qui guérissent dans près de 100 % des cas, que tous les médecins peuvent aujourd’hui prescrire, sans restrictions liées à des niveaux de sévérité— et de tous les outils pour prendre en charge les 110 000 patients qu’il reste à traiter en France. »

« IDENTIFIER LES PATIENTS NÉCESSITANT UN TRAITEMENT » Pour autant, depuis le dernier trimestre 2017, les prescriptions thérapeutiques contre l’infection au VHC ont diminué, pour atteindre 12 000 traitements annuels contre 20 000 au plus fort. En cause : l’identification des patients infectés. D’ailleurs, tout l’enjeu derrière l’élimination du VHC, « c’est de trouver les patients à traiter ». En l’absence de dépistage systématique organisé —une solution jugée non coût-efficace par la Haute Autorité de santé—, l’identification des patients non exposés à des facteurs de risque connus s’avère en effet compliquée. « L’inquiétude se situe à ce niveau-là :

comment faire pour identifier tous ces patients de la population générale sans facteurs de risque connus ? », s’interroge le Pr Leroy. Selon l’Association française d’hépatologie (AFEF), les solutions passent par l’information du grand public via des campagnes de sensibilisation, mais surtout par la formation des médecins généralistes au dépistage. « Les médecins généralistes restent au cœur du dépistage des patients infectés par le virus de l’hépatite C. Mais leur tâche est difficile car la HAS préconise un dépistage ciblé sur les facteurs de risque, comme les habitudes sexuelles, la transfusion, l’usage de drogues injectables, les voyages... Or, ce n’est pas facile, pour le praticien, au cours d’une consultation, de poser une série de 10 ou 15 questions, parfois délicates. Résultat, ce dépistage ciblé n’est pas très efficient », analyse le Pr Leroy. Pour le spécialiste, « il faut développer des modules de formation en prévention et en hépato-protection à l’intention des médecins généralistes », en ligne (e-learning) ou en présentiel, et profiter de ce plan d’élimination de l’hépatite C pour sensibiliser à d’autres causes fréquentes de maladies du foie telles que l’hépatite B, l’alcool ou le syndrome métabolique.

Quant à l’ouverture de la prescription des antiviraux oraux aux médecins généralistes, elle devrait encourager ces derniers au dépistage ; il faudra cependant attendre plusieurs mois avant d’en voir les effets. « Nous n’en sommes qu’au début. La première étape, c’est de favoriser la prescription par les médecins généralistes qui traitent des patients à risque (usagers de drogues, détenus), déjà sensibilisés. Ce qui ne manquera pas d’améliorer la cascade de soins parmi cette population. Pour les médecins généralistes moins impliqués, et même si seuls 5 à 10 % se motivent et se prennent au jeu, le nombre de prescripteurs sera a priori équivalent à celui des hépato-gastro-entérologues », prévoit le Pr Leroy.

 

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