• Pr Laure Gossec : Prise en charge optimale du rhumatisme psoriasique en 2023

Laure Gossec

Discipline : Rhumato, Orthopédie, Rééduc

Date : 06/07/2023


« Nos recommandations visent à aider le rhumatologue à choisir le traitement le mieux adapté en fonction des différentes atteintes associées », assure le Pr Laure Gossec, rhumatologue à l’hôpital Pitié-Salpêtrière (Paris), qui vient de présenter les dernières recommandations au congrès de l’EULAR (European Alliance of Associations for Rheumatology) concernant la prise en charge du rhumatisme psoriasique.

 

TLM : Quelles sont les dernières recommandations concernant la prise en charge du rhumatisme psoriasique que vous venez de présenter à la récente réunion de l’EULAR ?

Pr Laure Gossec : Il faut d’abord rappeler que le rhumatisme psoriasique est relativement fréquent puisqu’il touche 0,5 % de la population. Et que, selon des données récentes, une personne sur trois souffrant d’un psoriasis cutané présente un rhumatisme psoriasique. Les facteurs de risque sont désormais bien identifiés. Ainsi, les lésions psoriasiques cutanées étendues, les atteintes des ongles et une obésité associée au psoriasis cutané sont des facteurs le plus souvent liés au rhumatisme psoriasique. Cela dit, les dernières recommandations que je viens de présenter (juin 2023) au congrès de l’EULAR intègrent tous les traitements disponibles à ce jour. Il existe de nouveaux médicaments et en particulier plusieurs catégories de biothérapies et de traitements ciblés synthétiques qui peuvent être indiqués dans la prise en charge du rhumatisme psoriasique. Parmi les catégories de biothérapies, nous disposons des antiTNF alpha depuis 20 ans, puis des anti-IL17A depuis 5 ans et des antiIL12/23 depuis 5 ans également. Nous pouvons désormais compter, en plus, avec les anti-IL23 p19, avec deux médicaments autorisés l’an dernier et, tout récemment, une autre catégorie de médicaments qui vient de recevoir l’agrément de l’EMEA, les anti-IL17A&F. Pour les traitements ciblés synthétiques, nous connaissons les inhibiteurs de JAK et désormais aussi l’apremilast, un inhibiteur des PDEA4. Voilà l’arsenal thérapeutique dont nous disposons aujourd’hui, en plus du méthotrexate. Par ailleurs, les corticoïdes par voie générale ne doivent plus être proposés, car le rapport bénéfice/risque n’est pas favorable.

L’usage des anti-inflammatoires non stéroïdiens est désormais limité.

Ces AINS ne peuvent désormais plus être utilisés pour une durée supérieure à un mois, du fait également de leurs effets secondaires.

 

TLM : Quelle est la place du méthotrexate dans les nouvelles recommandations ?

Pr Laure Gossec : Nous avons confirmé dans nos recommandations la place du méthotrexate, en traitement de première intention dans la prise en charge du rhumatisme psoriasique. C’est seulement lorsque ce traitement n’est pas suffisant, qu’une biothérapie doit être prescrite. Une fois le diagnostic porté, le traitement initial reste le méthotrexate. Il est suffisant pour la moitié des patients souffrant de rhumatisme psoriasique. Il est prescrit soit par voie orale, soit par injection sous-cutanée, une fois par semaine, en moyenne à la dose de 20 milligrammes par semaine. L’efficacité thérapeutique est atteinte au bout de deux mois. Un bilan préthérapeutique est nécessaire, radio de thorax, ainsi qu’un bilan biologique mensuel au début du traitement (NFS, créatinine, ASAT/ ALAT).

Si la maladie du patient n’évolue plus, si le patient n’a plus de douleurs, ni de gonflement articulaire, le traitement est considéré comme efficace. Si, en revanche, les inflammations articulaires persistent malgré cette prise en charge, il faut envisager d’associer au méthotrexate, une biothérapie, pour prévenir au maximum les érosions articulaires, responsables d’une atteinte articulaire à vie. L’idée générale est que l’approche thérapeutique doit être progressive, par paliers.

 

TLM : Quelles biothérapies choisir lorsque le méthotrexate n’est pas suffisant ?

Pr Laure Gossec : Dans nos recommandations, nous avons mis les différentes biothérapies au même niveau. Ce qui signifie que lorsque l’on veut démarrer une biothérapie, il est possible de prescrire n’importe laquelle. Pour ce qui est des JAK inhibiteurs, ils ne peuvent être utilisés qu’après échec des biothérapies. Les données les plus récentes montrent que les inhibiteurs de JAK fonctionnent bien dans le rhumatisme psoriasique. Mais des études menées dans la polyarthrite rhumatoïde ont mis en évidence que ces médicaments présentaient des effets secondaires, en particulier une augmentation du risque de cancer et de maladies cardiovasculaires. Ces effets sont rares et surviennent chez des personnes à risque.

La prudence incite cependant à réserver ces médicaments aux éventuels échecs des biothérapies. Donc ,dans l’escalade thérapeutique, il s’agit d’abord de prescrire le méthotrexate, si cela n’est pas suffisant une biothérapie et, en cas d’échec, un anti-JAK.

 

TLM : Quels sont cependant les critères de choix qui peuvent guider les médecins dans les prescriptions de biothérapies ?

Pr Laure Gossec : Nous avons mis effectivement en avant un certain nombre de critères qui permettent de faire un choix entre les différentes biothérapies quand elles sont nécessaires. Ainsi, 20 % des patients souffrant de rhumatisme psoriasique présentent une atteinte axiale et souffrent de lombalgies.

Dans un tel contexte, nous recommandons de prescrire plutôt un antiTNF alpha ou un anti-IL17. Dans 10 % des cas, les patients atteints de rhumatisme psoriasique présentent une uvéite. Pour eux, la biothérapie de choix est un anti-TNF. Par ailleurs, s’il existe des signes de maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI) associés au rhumatisme psoriasique, les biothérapies recommandées sont les anti-TNF alpha ou les anti-IL23 ou encore les anti IL12/23. Nos recommandations visent à aider le rhumatologue à choisir le traitement le mieux adapté en fonction des différentes atteintes associées. Si, par ailleurs, il existe avec le rhumatisme des lésions de psoriasis cutanées étendues, sur le cou, le visage, les mains, la biothérapie la plus indiquée sera l’anti-IL17 ou l’anti-IL23.

 

TLM : Faut-il mettre en place des traitements complémentaires associés ?

Pr Laure Gossec : Le rhumatisme psoriasique est une maladie sévère, avec souvent des lésions radiologiques au moment du diagnostic et une surmortalité de 10% par rapport à la population générale. Les patients décèdent souvent de leurs comorbidités, obésité, hypertension, diabète… Ils ont beaucoup de facteurs de risque cardiovasculaire. Ces patients doivent être particulièrement surveillés sur le plan cardiaque. Ils doivent de surcroît bénéficier de manière rigoureuse des différents dépistages du cancer, car ils sont à risque plus élevé, du fait notamment des traitements immunosuppresseurs.

Propos recueillis

par le Dr Clara Berguig

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