• Pr Labbé : L’option des chirurgies mini-invasives dans la prise en charge du glaucome

Antoine Labbé

Discipline : Ophtalmologie

Date : 18/04/2023


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Le traitement du glaucome vise dans tous les cas à faire baisser la pression intraoculaire. La chirurgie mini-invasive —optimisée par l’arrivée de nouveaux dispositifs peu invasifs— constitue une avancée de taille, selon le Pr Antoine Labbé, chef du service d’Ophtalmologie de l’hôpital Ambroise-Paré (AP-HP) à BoulogneBillancourt et chef du service de Chirurgie ambulatoire au Centre hospitalier national d’Ophtalmologie des Quinze-Vingts à Paris.

 

TLM : Comment la chirurgie mini-invasive a-t-elle transformé la chirurgie du glaucome ?

Pr Antoine Labbé : Depuis quelques années, la chirurgie du glaucome a été révolutionnée par l’arrivée de nouveaux dispositifs, appelés MIGS (Minimally Invasive Glaucoma Surgery). Ces dispositifs, insérés lors d’une microchirurgie, permettent d’obtenir une baisse de la pression intraoculaire, en limitant les risques de complications liées à la réalisation d’une intervention classique et en permettant une récupération visuelle plus rapide. Ils réduisent la pression intraoculaire en augmentant l’élimination de l’humeur aqueuse. Il existe plusieurs de ces dispositifs sur le marché en France, que l’on classe en fonction de la voie d’évacuation de l’humeur aqueuse utilisée. Les MIGS dits « sous-conjonctivaux » réduisent la pression intraoculaire en dérivant l’humeur aqueuse vers un espace sousconjonctival nouvellement créé et appelé « bulle de filtration ». Le fonctionnement de ces dernières se rapproche des techniques chirurgicales filtrantes classiques du glaucome. Les MIGS dits « trabéculaires » favorisent l’évacuation de l’humeur aqueuse au travers du trabéculum, le filtre de l’œil. Une de ces nouvelles techniques, les stents, est actuellement remboursée en association à la chirurgie de la cataracte. Elle est indiquée pour les patients qui présentent à la fois une cataracte et un glaucome. La technique consiste à insérer deux stents (de quelques centaines de microns de diamètre) dans le trabéculum pour augmenter l’élimination de l’humeur aqueuse. Nous espérons pouvoir utiliser plus largement ce type de microchirurgie, indépendamment de l’intervention de la cataracte dans le futur.

 

TLM : Concrètement comment se passe la pose de ces stents ?

Pr Antoine Labbé : Il s’agit d’un geste chirurgical relativement simple, qui prend moins de cinq minutes à réaliser au cours de l’opération de la cataracte. Dans le glaucome chronique à angle ouvert, la résistance à l’écoulement de l’humeur aqueuse se localise principalement au niveau du trabéculum dans la paroi interne du canal de Schlemm. L’injecteur est introduit dans la chambre antérieure de l’œil à travers une incision cornéenne, la même que celle utilisée pour l’opération de la cataracte. Les deux stents sont positionnés au travers du trabéculum dans le canal de Schlemm sous contrôle visuel. Ces MIGS trabéculaires ont ainsi pour objectif de rétablir la voie naturelle d’écoulement de la chambre antérieure vers le canal de Schlemm. Cette microchirurgie diminue cependant la pression intraoculaire de manière plus modeste que la chirurgie filtrante classique, elle est donc réservée à des glaucomes dont la pression intraoculaire n’est pas trop élevée.

 

TLM : Comment surveiller les patients ayant bénéficié de ces microchirurgies ?

Pr Antoine Labbé : La surveillance postopératoire des patients dépend bien évidemment du type de MIGS dont ils ont bénéficié. Dans le cas des stents qui sont associés à une chirurgie de la cataracte, la surveillance est simple et se rapproche de celle réalisée pour les patients opérés seulement de la cataracte. Pour les patients opérés avec un MIGS sousconjonctival, la surveillance est identique à celle réalisée après une chirurgie filtrante classique du glaucome. La récupération visuelle est souvent obtenue plus rapidement. Les suites opératoires sont ainsi simplifiées même si ces techniques chirurgicales nécessitent parfois des retouches, comme les techniques classiques. Le principal risque de la chirurgie filtrante du glaucome (chirurgie classique ou MIGS sous-conjonctival) est son échec en raison d’une cicatrisation excessive par une fibrose du site opératoire. Un suivi postopératoire rapproché est donc indispensable afin d’obtenir une cicatrisation adaptée. Les patients sont donc revus fréquemment dans les deux premiers mois qui suivent l’intervention. Ces techniques microchirurgicales offrent de nouvelles options pour les patients, élargissant les possibilités de prise en charge du glaucome. Elles ne remplacent cependant pas la chirurgie classique qui a encore toute sa place et demeure la chirurgie de référence.

 

TLM : Comment s’inscrit la chirurgie du glaucome dans le parcours de soin d’un patient atteint de glaucome ?

Pr Antoine Labbé : Dans tous les cas, l’objectif du traitement du glaucome est de préserver la vision et la qualité de vie des patients. Le traitement vise donc à protéger le nerf optique de la neuropathie pour préserver le champ visuel.

Cela s’obtient en réduisant la pression intraoculaire par différents moyens qui peuvent être associés entre eux : des collyres, du laser ou un traitement microchirurgical.

Pour la grande majorité des patients atteints de glaucome, le premier traitement et le seul dont ils auront besoin, ce sont les collyres. Il existe différentes molécules qui, instillées dans l’œil, réduisent la pression intraoculaire. Elle peuvent être associées entre elles si nécessaire. L’alternative aux collyres est la réalisation d’un traitement au laser : la trabéculoplastie. Elle consiste en la réalisation d’impact de laser sur le trabéculum pour le rendre plus perméable, afin d’améliorer l’évacuation de l’humeur aqueuse et diminuer la pression intraoculaire. Aujourd’hui ce laser peut être aussi proposé en première intention dans certains cas. Le traitement chirurgical est destiné aux patients dont la pression intraoculaire n’est pas équilibrée avec des collyres ou du laser, et chez qui le glaucome continue à progresser. La chirurgie vise comme les autres traitements à réduire la pression intraoculaire. A côté des techniques classiques comme la trabéculectomie ou la sclérectomie profonde non perforante, les MIGS offrent de nouvelles options qui élargissent encore la possibilité de prise en charge du glaucome.

Propos recueillis

par le Dr Clara Berguig

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