• Pr KERLAN : Reconnaître parmi les diabétiques les patients à risque de dyslipidémie

Véronique KERLAN

Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition

Date : 11/07/2022


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Les patients atteints de diabète de type 2 présentent souvent une dyslipidémie.

Comment dès lors optimiser la prise en charge des patients qui associent les deux pathologies ? Les réponses du Pr Véronique Kerlan, cheffe du service de Diabétologie, Endocrinologie et Maladies métaboliques au CHU de Brest.

 

TLM : L’association entre le diabète de type 2 et les dyslipidémies est-elle fréquente ?

Pr Véronique Kerlan : Les patients diabétiques de type 2, en particulier les hommes de plus de 50 ans, présentent souvent plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire majeurs. Il faut reconnaître ces patients à risque et les traiter de manière adaptée. Les patients atteints de diabète de type 2 ont donc souvent une dyslipidémie, avec une augmentation du LDL cholestérol, une diminution du HDL et une augmentation des triglycérides.

Ils sont souvent aussi hypertendus, en surpoids ou obèses, avec une stéatose hépatique et un tabagisme associé fréquent. Tout cela fait très mauvais ménage. Attention, les patients avec un diabète très déséquilibré ont souvent une dyslipidémie à ce stade. Le simple fait de traiter le diabète, dans certains cas, peut améliorer ces dyslipidémies et le bilan lipidique est à refaire à distance.

 

TLM : Quelle prise en charge optimale pour un patient présentant l’association diabète/dyslipidémie ?

Pr Véronique Kerlan : Avant d’évoquer la prise en charge médicamenteuse, il faut savoir que les règles d’hygiène de vie comme l’activité physique et les modifications alimentaires ont un impact favorable à la fois sur le diabète et sur les dyslipidémies. La première des choses face à un patient diabétique chez qui le diagnostic vient d’être posé c’est de lui demander d’arrêter les sucres rapides, les sodas sucrés, les gâteaux, sucreries, de réduire l’alcool qui augmente les triglycérides, de rééquilibrer son diabète sans sauter de repas et de commencer une activité physique dont l’impact est favorable sur la glycémie et sur les dyslipidémies. Le fait d’arrêter le tabac améliore aussi le HDL cholestérol.

 

TLM : A quel moment faut-il traiter les dyslipidémies chez le patient diabétique ?

Pr Véronique Kerlan : Un bilan lipidique doit être effectué chez tous les patients diabétiques.

Les médicaments hypoglycémiants n’ont pas d’impact sur les dyslipidémies. En prévention secondaire, lorsque le patient a présenté un accident cardiaque ou vasculaire, la prise en charge passe systématiquement par les statines, éventuellement associées à l’ésétimibe. Les fibrates, en revanche, ne sont pas adaptés, car leur niveau de preuve d’efficacité est insuffisant. L’association statines/fibrates n’est pas recommandée. En prévention primaire, le traitement doit tenir compte du niveau de la dyslipidémie et des facteurs de risque associés.

 

TLM : Comment dès lors optimiser la prise en charge du diabète ?

Pr Véronique Kerlan : D’abord, il faut que le diagnostic du diabète soit porté. C’est une maladie silencieuse, au début du moins. Un nombre non négligeable d’hommes n’ont jamais eu de dosage de glycémie et découvrent tardivement qu’ils en souffrent. Les femmes sont mieux suivies, en particulier pour la contraception, la ménopause. Le dosage de la glycémie devrait être effectué tous les cinq ans, à partir de 40 ans chez tous les hommes.

La prise en charge du diabète dépasse les seuls médicaments : il faut intégrer activité physique et alimentation adaptée dans le mode de vie du patient. Il est possible désormais de prescrire de l’activité physique sur ordonnance. Mais l’investissement du patient dépend du degré d’implication et de conviction du médecin généraliste. Il existe des structures publiques ou privées qui prennent en charge cette activité physique. Elle doit aussi être intégrée à la vie quotidienne : marcher tous les jours, monter les escaliers plutôt que prendre l’ascenseur... De même, une alimentation équilibrée fait partie du traitement.

L’éducation thérapeutique est un élément clé de la prise en charge. Pour les patients pris en charge tôt, les mesures hygiéno-diététiques peuvent être suffisantes pendant quelques temps. Mais ce n’est pas le cas le plus fréquent.

 

TLM : Il faut donc préconiser une prise en charge globale du patient diabétique ?

Pr Véronique Kerlan : Absolument. Il faut aussi prévenir les complications infectieuses, ne pas oublier la vaccination contre le pneumocoque, contre la grippe, contre le Covid, car ces patients sont à haut risque de formes graves. Il faut aussi examiner les pieds régulièrement et, au moindre doute, ne pas hésiter à adresser le patient dans un centre spécialisé. Il y a encore 6 000 amputations du pied chaque année chez des diabétiques. Il faut aussi penser à informer le patient de l’existence d’associations de patients diabétiques, sources d’information et de soutien. Le pourcentage de diabétiques est très important parmi les populations précaires ou migrantes. Certaines populations sont plus à risque sur le plan génétique, comme celles d’Afrique du Nord ou de Turquie. Il est impératif de développer des lieux de dépistage adaptés. Par ailleurs, le diabète de type 2 est de plus en plus fréquent chez l’adolescent du fait de l’augmentation du surpoids et de l’obésité. Il ne faut pas hésiter à leur prescrire des dosages de glycémie, lorsque la courbe pondérale sort des normes. Et puis, au moins 10 % des femmes enceintes souffrent de diabète gestationnel. La moitié d’entre elles vont devenir diabétiques. Il faut les dépister pendant la grossesse et leur proposer ensuite un suivi régulier. Plus les femmes enceintes sont âgées et en surpoids, plus elles sont à risque de diabète gestationnel.

 

TLM : Quid de la prise en charge médicamenteuse ?

Pr Véronique Kerlan : Le premier traitement, c’est la metformine. C’est un médicament essentiel, ancien, bien toléré, qui n’entraîne pas d’hypoglycémie et qui lutte efficacement contre la résistance à l’insuline. L’objectif du traitement est de maintenir le taux d’hémoglobine glyquée au-dessous de 7 %. Ce médicament ne peut pas être prescrit en cas d’insuffisance rénale avancée. Si cela ne suffit pas, il existe plusieurs possibilités. Des associations de deux antidiabétiques, pris séparément dans le même comprimé, ont été développées pour favoriser l’observance : metformime et inhibiteur de la DPP-4, metformine et sulfamides, et maintenant metformine et Inhibiteur des SGLT2. L’association metformine analogue du GLP1 est aussi largement utilisée. Le traitement par insuline en cas d’échappement à ces traitements est un dernier recours.

 

TLM : Comment améliorer l’observance ?

Pr Véronique Kerlan : L’observance est un problème. Le diabète ne se voit pas, ne se sent pas et le patient peut mal prendre son traitement, ou ne pas le prendre du tout. Avant de changer un traitement parce qu’il semble ne pas marcher, il est impératif de vérifier que le patient est observant.

Propos recueillis

par le Dr Martine Raynal

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