• Pr Kanny : Bénéfices de la cure thermale pour les personnes souffrant d’un Covid long

Gisèle Kanny

Discipline : Infectiologie

Date : 17/01/2023


  • 306_photoParole_130PE_PrKanny.jpg

Quatre pour cent 1 de la population adulte française, soit un peu plus de 2 millions de personnes, souffrent d’une affection postCovid 19 ou « Covid long ». Cette affection se caractérise par des symptômes persistants, en particulier une fatigue intense, des troubles respiratoires et des difficultés cognitives.

L’étude CovidTherm, initiée par le CHRU de Nancy, vise à évaluer l’impact d’une prise en charge thermale de ces patients.

Le Pr Gisèle Kanny, professeur de Médecine interne au CHRU de Nancy, responsable du Laboratoire d’hydrologie et de climatologie médicales et investigateur principal de ce projet, rappelle les objectifs de cette étude.

 

TLM : L’étude CovidTherm vise à évaluer les bénéfices du thermalisme pour le traitement des personnes souffrant de Covid long. Quels sont les symptômes les plus fréquents de cette maladie ?

Pr Gisèle Kanny : Tout d’abord, il faut s’entendre sur ce qu’est un Covid long, ou plus précisément une « affection postCovid-19 », si l’on reprend la dénomination donnée par l’OMS. Dans le GrandEst où nous avons été parmi les premiers et les plus durement touchés par la pandémie, nous avons rapidement constaté la persistance de troubles chez certains patients. S’il est normal qu’une infection soit suivie par une période de convalescence pendant laquelle certains symptômes —par exemple une toux— perdurent, nous avons observé chez des patients ayant présenté une infection Covid19 des situations où plusieurs semaines voire plusieurs mois après la guérison, des symptômes persistaient ou apparaissaient. Dominée par la fatigue, l’essoufflement et les troubles cognitifs, cette symptomatologie inclut également des troubles du sommeil, des douleurs musculosquelettiques, des problèmes digestifs et divers dysfonctionnements neurovégétatifs. Selon les estimations de Santé publique France, 4% de la population adulte française, soit 30 % des personnes ayant eu une infection Covid, ont été touchées par cette affection post-Covid. Dixhuit mois après l’infection, 20% des personnes présentaient encore les critères d’une affection post-Covid. Ce syndrome touche notamment des personnes qui étaient très actives, et qui se retrouvent soudain victimes d’un épuisement massif impactant lourdement leur vie quotidienne et entraînant parfois des états anxiodépressifs. Il est important de noter qu’il n’y a pas de corrélation entre l’intensité de l’infection et la survenue des troubles. On peut avoir eu un épisode initial mineur traité en médecine ambulatoire et pourtant développer une affection post-Covid.

 

TLM : En quoi le thermalisme peut-il être une réponse ?

Pr Gisèle Kanny : Le traitement de l’affection post-Covid, c’est la réadaptation. C’est-à-dire à la fois de l’activité physique, de la kinésithérapie adaptée, de la rééducation respiratoire, de l’accompagnement psychologique, de l’orthophonie (pour les troubles cognitifs…). C’est donc une prise en charge non médicamenteuse, pluridisciplinaire. Un certain nombre des symptômes du post-Covid, pris isolément, sont des symptômes déjà traités dans les stations thermales, par exemple les douleurs musculaires et articulaires, les troubles du sommeil, l’anxiété, les problèmes respiratoires, les troubles digestifs… Il y avait donc une certaine logique à ce que les établissements thermaux se penchent sur la question et proposent un accompagnement de ces patients. C’est le cas des thermes d’Allevard-les-Bains, d’Aix-les-Bains, Brides-les-Bains, la Bourboule, Molitg-les-Bains, Saint-Gervais Mont Blanc, Saujon,… Ces cures sont à la charge du patient. La liste des stations est disponible sur le site du CNETh.

 

TLM : Dans quel contexte avez-vous été amenée à proposer l’étude CovidTherm ? Vise-t-elle à valider ces approches initiées en station ?

Pr Gisèle Kanny : Pas exactement. Les cures telles qu’elles sont classiquement proposées pour les pathologies chroniques sont basées sur quatre soins hydrothermaux par indication. Dans ces soins, la partie kinésithérapique est relativement stéréotypée (massage, rééducation en piscine…). Or la kinésithérapie post-Covid est vraiment une kinésithérapie particulière, qui doit s’adapter à l’état d’épuisement du patient, à son essoufflement… Dans l’étude CovidTherm nous allons comparer une rééducation « à sec », telle qu’elle est préconisée par l’Assurance maladie et les recommandations rapides de la HAS et la même rééducation réalisée en eau minérale naturelle. Nous avons l’intuition que pour ces patients, la cure thermale sera bénéfique. D’abord parce que la rééducation est facilitée en raison de l’effet porteur de l’eau mais aussi grâce à l’environnement bienfaisant particulier de la cure.

 

TLM : Quand démarrera l’étude CovidTherm ?

Pr Gisèle Kanny : L’étude qui inclura 200 patients sera randomisée (100 patients suivis en établissement thermal et 100 témoins) ; elle doit démarrer en mai 2023. Cette étude, portée par le CHRU de Nancy (promoteur de l’étude) et l’Institut européen du thermalisme (structure de rattachement), avec le soutien de l’ARS Grand-Est, du CNETH, de la région Grand-Est et de la métropole du GrandNancy, est un projet qui a été coconstruit avec plusieurs acteurs. Outre son comité scientifique, ce projet bénéficie de l’avis d’un comité d’éthique. Les patients, représentés par France Asso Santé sont également partie prenante.

L’objectif principal est l’amélioration de la qualité de vie à deux mois suivi d’une évaluation à six mois et douze mois. Nous nous donnons deux ans pour avoir des résultats consolidés. Nous avons d’autres objectifs secondaires (évaluation du sommeil, de la fatigue, tests de marche, test d’aptitude physique, évaluation de la dimension anxiodépressive…). Notre étude se fonde sur la méthodologie de recherche de la médecine basée sur les preuves, qui est aujourd’hui le golden standard pour être reconnu par nos pairs et par l’Assurance maladie. Cette étude se situe dans la même lignée que celle initiée par le Pr Y.J. Bignon à Clermont-Ferrand pour la prise en charge thermale des femmes en post-cancer du sein.

(www.medecinethermale.fr/magazine/2019/06/20/remission-cancer). Le Pr Bignon a démontré une amélioration de la qualité de vie de ces femmes jusqu’à cinq ans après la cure, ce qui a permis de proposer, à titre expérimental, une prise en charge de ce traitement par l’Assurance maladie. Notre étude quant à elle démarre avec quatre stations (Amnéville-les-Thermes, Nancy-Thermal et Vittel-Contrexéville). La phase 2 consistera en la mise en place d’un protocole expérimental en France. A terme si les résultats sont concluants, une prise en charge de ces cures par l’Assurance maladie est raisonnablement envisageable.

Propos recueillis

par Cendrine Barruyer-Latimier

1. Santé publique France. L’affection post-COVID-19 (appelée aussi COVID long) en France. 21 juillet 2022.

  • Scoop.it