Pr Kamel Mohammedi : Prévention du pied diabétique
Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition
Date : 10/01/2024
Les plaies du pied diabétique sont fréquemment compliquées par un retard de cicatrisation et une surinfection pouvant aboutir à une amputation de membre inférieur. Pourtant, une prise en charge préventive et des soins appropriés permettraient de limiter les complications. Le point avec le Pr Kamel Mohammedi, endocrinologue au CHU de Bordeaux.
TLM : Lorsque l’on évoque le pied diabétique, de quoi s’agit-il ?
Pr Kamel Mohammedi : Le pied diabétique est une complication grave et fréquente du diabète, associée à un risque très élevé d’amputation de membre inférieur. Elle correspond à l’ensemble des manifestations pathologiques avec ulcération cutanée touchant le pied au niveau de la région sous-malléolaire et directement liées aux complications du diabète — les principales sont la neuropathie périphérique, l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) et les infections. Une prédominance masculine est observée et son incidence augmente avec l’âge. Le taux de récidive reste très élevé puisqu’il est de l’ordre de 50 % à trois ans pour atteindre 70 % à cinq ans.
Enfin, le pied diabétique est associé à une forte mortalité d’origine cardiovasculaire et non cardiovasculaire.
TLM : Quels sont les moyens de prévention du pied diabétique ?
Pr Kamel Mohammedi : Prévenir l’apparition d’une plaie reste la meilleure façon de la traiter. L’éducation thérapeutique des patients diabétiques portant sur l’hygiène des pieds, le chaussage et l’éviction des comportements à risque podologique est donc cruciale. On parle souvent des « 10 commandements » à respecter pour éviter de se blesser, parmi lesquels on retrouve notamment : une inspection quotidienne des pieds à la recherche d’une éventuelle plaie qui évoluerait à bas bruit ; ne pas marcher pieds nus ; prendre garde au risque de brûlure en cas de neuropathie sensitive évoluée (l’utilisation d’un thermomètre est préconisée pour l’eau chaude) ; choisir des chaussures adaptées ; signaler immédiatement toute lésion ou coloration suspecte au niveau des pieds ; appliquer une crème hydratante adaptée ; éviter la pédicurie de la salle de bain et consulter un podologue pour la prise en charge des cors, des durillons, etc. La Sécurité sociale prend en charge les soins de podologie dont la fréquence annuelle dépend de la gradation du risque d’ulcération.
TLM : Quel rôle pour le médecin généraliste ?
Pr Kamel Mohammedi : Un examen clinique de dépistage doit être effectué au moins une fois par an. Le patient diabétique doit bénéficier d’un examen attentif des pieds (présence de déformations, de lésions, d’hyperkératose…), d’une palpation des pouls pédieux et tibiaux postérieurs et d’une appréciation du niveau de sensibilité des pieds au moyen du test au monofilament de 10 g pour la sensibilité au contact ou à la pression, et avec un diapason pour la sensibilité vibratoire. Le praticien peut également calculer l’index de pression systolique (IPS) pour détecter une éventuelle atteinte vasculaire.
Propos recueillis
par Marie Ruelleux ■