• Pr JUST : L’arsenal thérapeutique contre la rhinite allergique aux acariens

Jocelyne JUST

Discipline : Allergologie

Date : 11/04/2022


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En pleine explosion, la rhinite allergique aux acariens s’appuie, côté traitement, sur les antihistaminiques, les corticoïdes en spray. Pour les formes modérées à sévères, aujourd’hui, l’immunothérapie allergénique peut — pour certains allergènes — être délivrée sous forme de comprimés. Tour d’horizon avec le Pr Jocelyne Just, allergologue, professeur émérite à Sorbonne-Université.

 

TLM : La rhinite allergique aux acariens est-elle vraiment de plus en plus fréquente ?

Pr Jocelyne Just : De manière générale, la rhinite allergique est en augmentation dans tous les pays industrialisés.

Elle frappe 30 % des adultes, 20 % des adolescents et 10 % des enfants d’âge scolaire. La prévalence la plus importante est observée chez les jeunes adultes. Selon l’OMS, si l’environnement global ne change pas, la moitié de la population souffrira de rhinite allergique en 2050. Des facteurs de l’environnement, tels que le tabac et la pollution notamment, expliqueraient cette évolution. A l’inverse, le contact avec la nature, avec les animaux dans l’enfance aurait un effet protecteur.

 

TLM : Comment porte-t-on le diagnostic clinique de rhinite allergique aux acariens ?

Pr Jocelyne Just : Le diagnostic de rhinite allergique doit être évoqué en cas de rhinorrhée claire, associée à des éternuements, à un prurit nasal ou oculaire, éventuellement à une conjonctivite. Face à une rhinite allergique liée aux acariens, l’obstruction nasale et la sensation de nez bouché peuvent être les plaintes principales. S’il s’agit de rhinite liée aux pollens, le tableau clinique est dominé par la rhinorrhée et la conjonctivite. Mais tout cela est variable d’une personne à l’autre. Chez l’enfant, un trait horizontal au dessus du bout du nez, du fait des lésions de grattage, est parfois observé. La sévérité des troubles est variable. La gravité conditionne la stratégie de prise en charge. En cas de rhinite sévère, des complications peuvent survenir : respiration buccale, malformation du massif facial chez l’enfant, problèmes d’orthodontie, apnée du sommeil. Des répercussions sont fréquentes sur la qualité du sommeil et l’activité diurne.

La rhinite allergique et l’asthme sont parfois associés. Plus la rhinite est sévère, plus le risque d’asthme est important. La rhinite aux acariens y est plus souvent associée dans la mesure où il ne s’agit pas d’une allergie saisonnière mais d’une exposition à l’allergène perannuel. Dans l’allergie perannuelle, une recrudescence de cette rhinite en automne et au début du printemps est cependant fréquente, car les acariens aiment l’humidité. Des épisodes de rhinite lors de chaque séjour dans une vielle maison de campagne évoquent une allergie aux acariens. A l’inverse, lors des séjours à la montagne, les crises disparaissent car il y a moins d’acariens au dessus de 1 500 mètres d’altitude.

 

TLM : Quels tests faire pour confirmer le diagnostic ?

Pr Jocelyne Just : Des tests cutanés fiables sont disponibles pour faire le diagnostic, mais ils doivent être réalisés par un allergologue. Le prick-test vise à déposer un extrait d’allergène sur la peau. L’apparition d’une réaction cutanée, érythème, papule permet de faire le diagnostic. Il est important de vérifier avant le test que le patient ne prend pas de médicament antiallergique, ou qu’il ne souffre pas de dermographisme, pour interpréter les résultats. Le diagnostic peut aussi être fait par une prise de sang pour doser les IgE spécifiques d’un allergène donné. Le Phadiatop est un test sanguin permettant de doser les IgE spécifiques, pour un mélange d’allergènes. Cela permet de confirmer une éventuelle allergie. Il faut ensuite identifier laquelle. In fine, le diagnostic de l’allergène responsable de la rhinite allergique n’est pas toujours évident. Les tests sont parfois positifs, sans que les patients souffrent pour autant d’allergie.

50 % des personnes testées dans la population générale présenteront des tests positifs, mais seuls 20 % sont vraiment allergiques. Pour bien interpréter les résultats, il faut une corrélation entre le bilan biologique et les signes cliniques.

Des tests de provocation nasale ont aussi été mis au point : l’allergène est déposé sur la muqueuse nasale afin de voir si cela reproduit la maladie. Cette technique est plus réservée aux essais cliniques qu’à la pratique courante.

 

TLM : Quelle prise en charge de la rhinite allergique aux acariens ?

Pr Jocelyne Just : La première des mesures à prendre c’est l’éviction de l’allergène. Les acariens sont dans la poussière, la literie, la moquette, les tapis, les rideaux et doubles-rideaux. Il faut enlever la moquette, les tapis, utiliser de la literie synthétique, des housses de matelas et des oreillers anti-acariens, choisir des aspirateurs avec filtres qui ne recrachent pas la poussière, aérer la maison au moins 30 minutes par jour, laver les peluches, faire le ménage régulièrement... Le traitement médical repose sur les antihistaminiques en comprimés ou en sirop, éventuellement les corticoïdes en spray. Ces médicaments peuvent être pris de manière continue dans les formes sévères ou de façon intermittente, à la demande et en fonction des symptômes, lors des phases de recrudescence.

 

TLM : A quel moment faut-il faire appel à l’immunothérapie allergénique contre la rhinite allergique aux acariens ?

Pr Jocelyne Just : Pour les formes modérées à sévères, l’immunothérapie allergénique, appelée aussi désensibilisation, permet d’envisager un traitement de fond, en particulier quand les médicaments sont insuffisants ou que les patients en ont assez de les prendre. Autrefois cette immunothérapie allergénique se faisait par voie sous-cutanée. Aujourd’hui, elle se pratique le plus souvent par voie sublinguale en solution ou sous forme de comprimés orodispersibles sublinguaux disponibles en pharmacie sur ordonnance. Pour la voie sublinguale, le traitement est quotidien en perannuelle ou en pré et co-saisonnier (selon l’allergène) pendant au minimum trois ans. Cela peut sembler long, mais cette prise en charge permet d’avoir un effet rémanent à l’arrêt du traitement et à long terme. La voie sublinguale est bien tolérée, avec peu d’effets secondaires. Cependant, pour l’immunothérapie allergénique sublinguale sous forme de comprimés, le premier comprimé doit être pris au cabinet du médecin pour s’assurer de la tolérance. Les prescriptions initiales sont faites en général par l’allergologue, mais le généraliste ou le pédiatre peuvent renouveler l’ordonnance et s’assurer de l’observance. Lorsque le patient souffrant de rhinite allergique présente aussi de l’asthme, la prise en charge de l’asthme est indispensable avant de commencer l’immunothérapie allergénique. Ces traitements sont vraiment efficaces dans 80 % des formes modérées à sévères de rhinite allergique à condition que le diagnostic ait été bien porté et le traitement suivi correctement.

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

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