• Pr Jérôme Avouac : Dernières avancées dans la médication de la polyarthrite rhumatoïde

Jérôme Avouac

Discipline : Rhumato, Orthopédie, Rééduc

Date : 10/01/2024


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Plusieurs études portant sur la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde et les différents traitements en vigueur ont été présentées lors du récent Congrès de l’American College of Rheumatology. Le Pr Jérôme Avouac, rhumathologue à l’hôpital Cochin (Paris), en décrypte ici les principaux enseignements.

 

TLM : Quels résultats retenir du congrès de l’American College of Rheumatology qui vient de se tenir à San Diego (Californie) et où nombre d’études ont été présentées concernant la polyarthrite rhumatoïde ?

Pr Jérôme Avouac : Plusieurs études importantes concernant la pratique clinique dans les maladies rhumatologiques, et en particulier dans la polyarthrite rhumatoïde y ont été présentées. Une étude concerne les stratégies de prescription du méthotrexate. Ce médicalement est largement prescrit en prise unique une fois par semaine. Mais cette prise unique hebdomadaire est-elle optimale, surtout pour des doses plus élevées (>15 mg/semaine) ou est-il préférable de la fractionner ? Pour répondre, un essai a été mené pour comparer 128 patients atteints de polyarthrite rhumatoïde active et prenant le méthotrexate en deux doses une fois par semaine, 15 mg le matin et 10 mg le soir, à 125 patients recevant une dose unique de 25 milligrammes en un jour par semaine. Le critère de jugement principal a été évalué à la 24 e semaine. Les résultats ont été évalués sur plusieurs critères incluant la bonne réponse EULAR, la réponse ACR et le DAS28.

 

TLM : Quels sont les résultats ?

Pr Jérôme Avouac : A la 24 e semaine, il n’y avait pas de différence entre les deux groupes sur la bonne réponse EULAR. Mais il faut noter qu’à partir de la 16 e semaine, les patients pouvaient, si nécessaire, bénéficier de l’adjonction d’un autre traitement de fond (salazopyrine ou leflunomide), en plus du méthotrexate, ce qui peut expliquer cette absence de différence. A la 16 e semaine, avant l’ajout de ces traitements, les résultats sont en faveur du méthotrexate en deux prises, avec une meilleure réponse clinique évaluée sur les différents critères. En pratique, cette étude suggère de prendre le méthotrexate en deux prises, une fois par semaine, surtout pour des doses de 20-25 mg/semaine quand les patients veulent garder la voie orale.

 

TLM : Les stylos auto-injecteurs de méthotrexate facilitent-ils l’adhésion des patients aux traitements par voie sous-cutanée ?

Pr Jérôme Avouac : Des études ont évalué la satisfaction des malades sur la voie d’utilisation du méthotrexate. Ces travaux ont montré que le fait d’utiliser des stylos autoinjecteurs favorisait l’adhésion des patients au traitement par voie sous-cutanée. Globalement, les patients en sont très satisfaits. Ces stylos auto-injecteurs sont faciles d’utilisation. Le méthotrexate par voie sous-cutanée est plus efficace que la voie orale chez les patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde.

 

TLM : La vaccination contre la grippe ou le Covid des patients sous méthotrexate doit-elle être modifiée pour être plus efficace ?

Pr Jérôme Avouac : Il y a eu plusieurs présentations à San Diego sur la question de savoir s’il fallait arrêter le méthotrexate après un vaccin et pendant combien de temps, du fait de son effet immunomodulateur qui peut altérer l’efficacité des vaccins. Sur la base de ces études, il est désormais recommandé, après la vaccination des patients, de ne pas leur donner le méthotrexate la semaine suivant le vaccin. Et reprendre ensuite normalement le traitement. En revanche, lorsque le méthotrexate est donné immédiatement après le vaccin, le taux d’anticorps induit par la vaccination diminue. Et si le méthotrexate est arrêté pendant deux semaines après le vaccin, le risque pour les patients de souffrir d’une nouvelle poussée augmente. Le message, c’est qu’une semaine de pause dans le traitement permet d’avoir une réponse optimale au vaccin chez les patients traités par méthotrexate.

 

TLM : Peut-on arrêter le méthotrexate quand les patients sont en rémission ?

Pr Jérôme Avouac : Une nouvelle étude s’est interrogée sur l’intérêt de diviser par deux, voire d’arrêter le méthotrexate chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde et en rémission. Ce travail porte sur 160 patients divisés en trois groupes avec un suivi de 36 mois. Le premier groupe a conservé son traitement à l’identique, le second a reçu une demi-dose de méthotrexate, le troisième a totalement arrêté le traitement 12 mois après la prise du traitement à demi-dose.

 

TLM : Que peut-on en conclure ?

Pr Jérôme Avouac : L’analyse des résultats montre que dans le premier groupe « sans modification de traitement », 20 % des malades ont présenté au moins une poussée pendant l’étude. Dans le groupe « arrêt total » du traitement, il y a eu quatre fois plus de poussées que dans le groupe sans modification. Enfin, pour le groupe ayant eu une dose divisée par deux, le nombre de poussées a été multiplié par 1,4 par rapport au groupe qui a conservé le traitement. Par ailleurs, l’imagerie a mis en évidence une progression structurale dans le groupe arrêt et dans le groupe demi-dose. Enfin, ceux qui ont arrêté le traitement ou qui ont divisé la dose par deux ont été contraints de prendre plus de corticoïdes. La leçon de cette étude, c’est que l’arrêt du traitement et même le fait de le diviser par deux sont associés à plus de poussées, plus de prise de corticoïdes et plus de progression structurale de la maladie.

Lorsque les patients sont en rémission, on peut essayer de réduire très progressivement les doses, avec prudence. En tout état de cause, il semble difficile d’arrêter le traitement ou de diviser les doses par deux.

 

TLM : Une étude lors de ce congrès porte sur les femmes atteintes de polyarthrite rhumatoïde, traitées par un anti-TNF alpha et souffrant d’un cancer du sein. Les anti-TNF sont-ils compatibles avec le traitement du cancer du sein ?

Pr Jérôme Avouac : Les anti-TNF alpha freinent le système immunitaire et doivent être utilisés avec prudence dans des situations de cancer. Une étude utilisant deux bases de données médicales américaines s’est penchée sur le risque lié à la reprise précoce d’un traitement par anti-TNF alpha chez 2000 patientes souffrant d’un cancer du sein et atteintes de polyarthrite rhumatoïde. La reprise d’un anti-TNF alpha dans les deux ans suivant le diagnostic du cancer était comparée à la reprise d’un traitement de fond conventionnel et à l’absence de reprise d’un traitement de fond. Les résultats montrent qu’il est possible de reprendre un anti-TNF alpha ou un traitement de fond conventionnel dans les deux ans suivant le diagnostic du cancer du sein, sans différence de survie globale avec le groupe ne reprenant pas de traitement. En revanche, les femmes qui n’ont pas repris de traitement pour soigner leur cancer ont reçu plus de corticoïdes, avec une diminution de la survie globale à cinq ans pour ceux recevant une dose ≥ 7,5 mg/jour. Selon les auteurs, il n’y a pas de surrisque à prendre un anti-TNF alpha dans les deux ans suivant la fin du traitement d’un cancer du sein.

Propos recueillis

par le Dr Clara Berguig

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