• Pr Jean-Christophe Saurin : Le généraliste doit marteler le dépistage du cancer du côlon

Jean-Christophe Saurin

Discipline : Gastro-entérologie, Hépatologie

Date : 13/10/2022


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« Le cancer du côlon sauve des vies. Allez-y, faites le dépistage du cancer du côlon ! ».

C’est le message que le médecin généraliste doit faire passer à ses patients, plaide le Pr Jean-Christophe Saurin, chef du service de Gastro-entérologie du CHU Edouard-Herriot (Lyon), qui pointe par ailleurs une participation insuffisante à ce dépistage.

 

TLM : Quelles sont les indications de la coloscopie ?

Pr Jean-Christophe Saurin : La coloscopie peut d’abord être à visée diagnostique, pour un patient qui présente des troubles digestifs nécessitant une exploration, par exemple du sang dans les selles ou une diarrhée chronique. La coloscopie peut aussi être nécessaire, en cas d’anémie avec carence en fer, pour en rechercher la cause. L’autre grande indication c’est la coloscopie de dépistage. Toutes les personnes de plus de 50 ans, sans risque spécifique, sont invitées à faire tous les deux ans un test immunologique dans les selles, à la recherche de sang occulte. Quand le test est positif, une coloscopie est nécessaire dans un délai de 45 jours après le résultat. Cette coloscopie met en évidence un cancer du côlon pour 10 % des tests positifs et un polype dans 30 % des cas. Malheureusement, en France, seulement 30 % de la population éligible participe à ce dépistage.

La coloscopie est aussi indiquée pour des patients ayant des antécédents familiaux de cancer du côlon tous les cinq ans après 45 ans ou encore pour des patients présentant des maladies génétiques à haut risque de cancer.

 

TLM : Quel est l’intérêt de la coloscopie virtuelle ?

Pr Jean-Christophe Saurin : La coloscopie virtuelle est basée sur un scanner amélioré avec des coupes très fines. Elle ne nécessite pas d’anesthésie. La coloscopie virtuelle exige cependant une préparation impeccable du côlon, sinon les images sont difficiles à interpréter. Le côlon doit aussi être rempli l’air, comme pour la coloscopie réelle. Cet examen permet de détecter des lésions du côlon supérieures à 10 millimètres. En France, peu d’équipes de radiologues sont entraînées à cet examen. Il s’agit cependant d’une alternative à la coloscopie, en particulier pour les personnes présentant des contre-indications à l’anesthésie. Mais cette coloscopie virtuelle ne permet ni les biopsies ni l’ablation de polypes.

 

TLM : Quand proposer un coloscanner ?

Pr Jean-Christophe Saurin : C’est un examen plus grossier qui permet essentiellement de voir des tumeurs déjà volumineuses chez des personnes âgées, fragiles, qui ne peuvent pas bénéficier d’une coloscopie. Pour réaliser un coloscanner, il n’y a pas besoin de préparation colique. Le côlon doit cependant être rempli d’eau qui sert de produit de contraste. L’alternative à ce coloscanner c’est la capsule avec micro-caméra que le patient avale. Cette capsule, capable de prendre deux images par seconde, est ultérieurement évacuée dans les selles. Les images sont enregistrées et retransmises dans un fichier numérique. Cette capsule est capable d’explorer l’intestin et le côlon. Une bonne préparation est nécessaire, mais l’anesthésie inutile.

 

TLM : Quelles sont les modalités de la préparation colique ?

Pr Jean-Christophe Saurin : L’importance du régime sans résidus est discutée. Aujourd’hui ce régime doit être effectué pendant trois jours avant l’examen. Mais nous ne sommes pas certains que cela soit nécessaire. Un régime sans résidus pendant deux jours pourrait être suffisant. La préparation à proprement parler se prend en deux fois. La veille de l’examen, la moitié de la préparation doit être absorbée et le lendemain matin tôt l’autre moitié.

Au total quatre litres de préparation doivent être ingérés entre le soir et le matin. Ces préparations contiennent du PEG (polyéthylène glycol) qui réalise un lavage du côlon et élimine toutes les matières qui y sont contenues. Certaines préparations sont plus concentrées. Il est possible alors d’en avaler seulement un litre le soir et un deuxième le matin. Mais il faut alors boire beaucoup d’eau, ce qui revient finalement au même, en termes de volumes absorbés. Ces préparations sont bien tolérées, ne provoquent pas d’effets secondaires et ne comportent pas de contre-indications, hormis pour les personnes très fragiles, avec un ionogramme très perturbé ou celles souffrant d’une occlusion intestinale.

 

TLM : Quels sont les critères de qualité d’une coloscopie ?

Pr Jean-Christophe Saurin : D’abord l’exploration du côlon, elle doit être complète. Il faut être certain que l’on a été au bout du côlon, et même vu la fin de l’intestin grêle (iléon).

Ensuite, le côlon doit être bien préparé.

Il existe une échelle de qualité de la préparation, évaluée après l’examen, allant de 1 à 9, 1 signifiant que la préparation est mauvaise, qu’il reste des résidus dans le côlon. Le troisième critère, c’est la qualité de l’opérateur. Celle-ci peut s’évaluer sur le pourcentage de lésions qu’il dépiste par an. En moyenne, après un test immunologique positif, 30% des patients présentent des lésions à la coloscopie. Si le taux dépisté par l’opérateur est par exemple de l’ordre de 10%, c’est insuffisant et il doit revoir sa technique. Cette évaluation est peu pratiquée en France. Elle permettrait aux opérateurs de s’améliorer. Le principal critère de qualité de la coloscopie réside dans la compétence de l’opérateur.

 

TLM : Les complications de la coloscopie sont-elles fréquentes ?

Pr Jean-Christophe Saurin : Elles sont très rares. La plus fréquente, la perforation du côlon, concerne 1 patient sur 3 000. Elle survient essentiellement chez des personnes âgées ou fragiles. Lorsque l’on s’en rend compte au cours de la coloscopie —car on aperçoit le péritoine devant l’endoscope—, le diagnostic de perforation est évident et il est possible de la colmater tout de suite. Quand on découvre la perforation au réveil du patient, parce qu’il présente des douleurs abdominales, ce qui est anormal après une coloscopie, il est possible de réintervenir immédiatement. D’autres complications sont exceptionnelles, comme la rupture de rate. Elles concernent 1 patient sur 40 000.

 

TLM : Quel est le rôle du médecin traitant dans la pratique de la coloscopie ?

Pr Jean-Christophe Saurin : Le rôle du généraliste est très important pour inciter les patients à participer au dépistage. Toutes les personnes de plus 50 ans doivent le faire.

La participation n’est pas satisfaisante actuellement. Il faut répéter au patient que lorsque le dépistage est fait régulièrement le taux de survie à cinq ans après un cancer du côlon est de l’ordre de 90%. En l’absence de dépistage, ce taux est de 15 %. Le dépistage du cancer du côlon sauve des vies. Le rôle du généraliste, c’est de dire aux patients : « Allez-y, faites ce dépistage… ».

Propos recueillis

par le Dr Clara Berguig

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