• Pr HERMIEU : Infections urinaires féminines : éducation à l’autonomie de la patiente

Jean-François HERMIEU

Discipline : Gynécologie, Santé de la Femme

Date : 10/01/2022


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Très fréquentes, elles sont gérées par les femmes elles-mêmes en dehors de risques répertoriés. Le Pr Jean-François Hermieu, chef du service d’Urologie du CHU Bichat (Paris), présente leur prise en charge actualisée.

 

TLM : Le diagnostic d’infection urinaire est-il aisé chez la femme en âge de procréer ?

Pr Jean-François Hermieu : Oui, la plupart des cystites sont très parlantes. Les femmes font le diagnostic : brûlures mictionnelles, inconfort périnéal, mictions fréquentes, douleur, urines troubles et nauséabondes. Elle se distingue d’une cystite interstitielle s’exprimant par des douleurs atypiques et chroniques, liées à la distension vésicale et soulagées par la miction. L’infection urinaire est aiguë, avec présence de nitrites et de leucocytes à la bandelette urinaire, et de germes à l’examen cytobactériologique des urines (ECBU).

 

TLM : Quels examens à visée diagnostique faire lors d’un premier épisode ? Et d’une récidive ?

Pr Jean-François Hermieu : Pour un premier épisode, l’ECBU est utile. Pour les récidives, il n’est pas nécessaire d’en faire à chaque fois. Les femmes peuvent utiliser des bandelettes urinaires, achetées sans ordonnance (dans ce cas elles ne sont pas remboursées par l’Assurance maladie). En présence de nitrites, de leucocytes, voire de sang, le diagnostic d’infection bactérienne est hautement probable. Les femmes connaissant leurs symptômes peuvent prendre un antibiotique sans examen urinaire. Les critères de positivité de l’ECBU ont été révisés (recommandations HAS de 2021 et de la Société de pathologie infectieuse de langue française - SPILF). La leucocyturie positive reste à 104/mL, mais la bactériurie est abaissée à 103 UFC/mL à condition qu’il n’y ait qu’un seul germe à la culture (éliminant une contamination). Des récidives fréquentes (4 par an et plus) justifient bien sûr un bilan poussé.

 

TLM : Jusqu’où va l’autonomie de la femme face à une cystite ?

Pr Jean-François Hermieu : Le mieux est d’être le plus autonome possible en lui expliquant comment gérer l’épisode : reconnaître les symptômes, choisir tel antibiotique plutôt que tel autre, et selon quelle procédure. Surtout ne pas se servir au hasard dans la pharmacie familiale ! Fièvre et lombalgie alertent à la pyélonéphrite et exigent le recours rapide au médecin. Les risques de complication sont répertoriés : anomalies des voies urinaires, résidu mictionnel, grossesse, âge supérieur ou égal à 75 ans. Pour les femmes de plus de 65 ans on tient compte des critères de Fried (perte de poids, insuffisance rénale, immunodépression...). Le diabète n’est plus considéré comme un facteur de risque.

 

TLM : En automédication quelles sont les recommandations antibiotiques ?

Pr Jean-François Hermieu : En premier lieu, la fosfomycine/trométanol, un sachet de 3 grammes en une prise, choix justifié par une résistance basse d’E. coli à 2 à 3 %. Aucun contrôle par ECBU n’est nécessaire sauf persistance des signes après trois jours. Le deuxième choix est le pivmécillinam, 400 g x 2/j pendant trois jours (taux de résistance d’E. coli à 3%). En cas de facteurs de risque mais en présence de peu de signes cliniques inquiétants, on peut attendre le résultat de l’antibiogramme pour un antibiotique adapté. Si l’on est inquiet, le traitement probabiliste (adapté ultérieurement à l’antibiogramme) est un furane (100 mg x 3/j, une semaine) ou une monodose de fosfomycine, sans ECBU de contrôle, sauf persistance des signes à trois jours.

 

TLM : Préconise-t-on des spécificités de traitement au cours de la grossesse ?

Pr Jean-François Hermieu : Le choix antibiotique est restreint. La fosfomycine ne pose pas de problème, même répétée. Idem pour le pivmécillinam. Le cotrimoxazole (pas dans les deux premiers mois) et les furanes (pas de manière répétée) sont aussi utilisables. La surveillance idéale est la bandelette urinaire une fois par mois par la femme elle-même, voire plus souvent en cas de symptômes. Une bandelette positive implique un ECBU. L’antibiothérapie est alors probabiliste de préférence, sans attendre le résultat d’antibiogramme pour des raisons de confort et de sécurité : fosfomycine, pivmécillinam, furanes. L’amoxicilline peut être utilisé sans danger lors de la grossesse mais après résultat de l’antibiogramme, près d’un E. coli sur deux étant résistant à cette molécule.

Propos recueillis

par le Dr Sophie Duméry

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