• Pr HANSEL : L’autosurveillance glycémique pour un suivi quotidien du patient

Boris HANSEL

Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition

Date : 11/07/2022


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L’autosurveillance de la glycémie permet de contrôler la maladie et d’envisager des adaptations thérapeutiques au profit du patient diabétique.

Mais sa prescription dépend de l’intérêt pratique des mesures chez un patient donné.

Les explications du Pr Boris Hansel, endocrinologue-diabétologue et nutritionniste à l’hôpital Bichat (AP-HP).

 

TLM : Quels sont les objectifs de l’autosurveillance glycémique ?

Pr Boris Hansel : L’objectif premier de l’autosurveillance est de permettre au patient de connaître sa glycémie à un instant T, mais également d’avoir connaissance des variations glycémiques au cours de la journée et de la nuit, et de pouvoir adapter son traitement selon les résultats. Le second objectif est, pour le médecin, de surveiller le diabète de son patient au quotidien pour lui prescrire le traitement le plus adapté. Si l’on veut agir sur la glycémie, soit au moyen des mesures hygiéno-diététiques, soit au moyen des médicaments, il y a tout intérêt à savoir avec précision ce qui la fait monter ou baisser, ainsi que ses variations au cours de la journée. De la sorte, on peut plus facilement proposer les ajustements thérapeutiques nécessaires pour ramener les valeurs de glycémie au plus proche de celles d’un organisme non diabétique. Ces objectifs glycémiques sont variables selon les patients. Ils doivent être à la fois réalistes et efficaces, tout en permettant d’éviter les complications du diabète.

 

TLM : Quel est le profil des patients diabétiques concernés par l’autosurveillance ?

Pr Boris Hansel : Avant tout ceux qui sont impliqués dans leur traitement et capables de l’adapter selon leurs mesures glycémiques. Ce qui comprend tous les patients sous insuline, mais pas seulement. Ceux qui sont dans le schéma basal-bolus1, avec quatre injections par jour ou avec pompe, ne peuvent pas s’en passer car il leur faut ajuster en permanence leur dose d’insuline. L’autosurveillance glycémique est aussi indiquée chez les patients à haut risque d’hypoglycémie — ceux qui, par exemple, sont sous sulfamides hypoglycémiants — et chez ceux pour qui des mesures quotidiennes de glycémie sont indispensables au médecin pour évaluer l’efficacité des traitements. Ces autocontrôles ne concernent donc pas tous les diabétiques. A titre d’exemple, pour un diabète de type 2 traité uniquement par metformine et bien équilibré, il n’y a pas de bénéfice à introduire une autosurveillance de la glycémie. Avant de la prescrire, il faut bien se demander si on peut en tirer des conséquences et des implications pratiques réelles pour le patient.

 

TLM : Comment s’effectue l’automesure ?

Pr Boris Hansel : Il existe deux types de dispositifs, selon que la surveillance est discontinue ou continue. Les premiers reposent sur le prélèvement de sang capillaire au bout du doigt par piqûre et son analyse avec un glucomètre.

Les seconds sont des capteurs placés directement sur la peau, qui mesurent en permanence le glucose. On récupère les données via un lecteur ou un smartphone avec une application dédiée. Il ne s’agit pas ici d’une analyse directe de la glycémie. Les capteurs mesurent le glucose interstitiel, puis, grâce à un algorithme, les lecteurs en déduisent les concentrations plasmatiques. Avantage des dispositifs en continu : ils fournissent aussi des courbes de l’évolution de la glycémie tout au long de la journée. Mais ils sont remboursés uniquement pour les patients nécessitant au minimum trois injections d’insuline par jour, ou sous pompe à insuline. C’est assez logique, car ce sont ces patients qui sont le plus concernés par l’autosurveillance glycémique avec au moins quatre contrôles quotidiens : avant/après chaque repas et au moment du coucher. Nombre de patients diabétiques ne nécessitent pas ces capteurs en continu : pour eux, des contrôles ponctuels dans la journée suffisent. Les recommandations quant à la fréquence des mesures se font au cas par cas. Par exemple, pour un diabétique de type 2 avec une injection d’insuline quotidienne, un seul contrôle est déjà bien utile, le matin à jeun.

 

TLM : Ces mesures à domicile de la glycémie doivent-elles être complétées par des mesures en laboratoire de la glycémie ?

Pr Boris Hansel : Seulement si on a un doute sur la fiabilité du dispositif d’autosurveillance.

Dans ce cas, on pratiquera un dosage en laboratoire de la glycémie veineuse, en même temps qu’une mesure capillaire ou interstitielle avec le glucomètre, afin de comparer les résultats. Sinon, il n’y a pas d’utilité à demander des mesures de glycémie en laboratoire pour les patients diabétiques qui pratiquent l’autosurveillance. Il est toutefois recommandé de leur prescrire un dosage sanguin de l’hémoglobine glyquée (HbA1C) trois à quatre fois par an.

C’est un bon indicateur des glycémies moyennes sur les trois derniers mois. Ce dosage permet aussi au médecin de vérifier si les chiffres que lui fournit son patient en consultation sont vraiment ceux indiqués par son lecteur. Même si cela reste rare, il peut arriver qu’un malade mal à l’aise de faire état d’un diabète non équilibré ne communique pas ses glycémies réelles. Notre rôle est alors d’en comprendre la raison et de tout mettre en œuvre pour favoriser une relation de confiance.

 

TLM : Quel suivi prévoir pour des patients pratiquant une autosurveillance de la glycémie ?

Pr Boris Hansel : La prescription initiale des dispositifs d’autosurveillance glycémique en continu est réalisée par un diabétologue. Un médecin généraliste peut ensuite prescrire les renouvellements, selon l’aisance qui est la sienne dans le suivi du diabète. L’éducation thérapeutique et l’implication du patient restent essentielles : il est donc préférable de proposer des rendez-vous réguliers, en particulier si l’équilibre glycémique n’est pas optimal. Un dispositif spécifique existe pour les patients qui peinent à équilibrer leur diabète et qui sont traités par insuline avec au moins une injection par jour. Ceux-là bénéficient d’une télésurveillance intégralement remboursée, dans le cadre du dispositif ETAPES (Expérimentations de télémédecine pour l’amélioration des parcours en santé), grâce auquel ils sont en permanence reliés à une équipe de soignants. Le rôle de ces derniers est de recueillir les données de l’autosurveillance glycémique, de les analyser et de revenir vers le patient diabétique à chaque fois que cela s’avère nécessaire pour l’aider à mieux gérer sa maladie.

Propos recueillis

par le Dr Martine Perez

1. Association d’une insuline basale à des insulines rapides administrées avant les repas.

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