• Pr. GUILLEMINAULT : Toux chronique : chercher les causes et les traiter

Laurent GUILLEMINAULT

Discipline : Pneumologie

Date : 15/10/2020


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TLM : Quand la toux est-elle qualifiée de chronique ?
Pr Laurent Guilleminault :
Dans la littérature une toux est définie comme chronique lorsque sa durée est supérieure à huit semaines. Chez certains patients, elle peut évoluer depuis de nombreuses années, cinq, dix ans, voire plus. Cette durée permet ainsi de la distinguer de la toux aiguë post-virale qui, elle, se résout dans les trois semaines qui suivent l’infection.

 

Sur quels critères évaluer son caractère invalidant ou ses signes de gravité ?

Cette toux est très handicapante pour les patients, et elle a un retentissement psychosocial majeur. Pour évaluer son degré de sévérité ou de handicap, on utilise l’échelle visuelle analogique (EVA) comme celle utilisée dans la douleur chronique —selon une gradation allant de 0 à 10. Il existe d’autres questionnaires plus complexes mais c’est l’EVA

qui est l’outil le plus employé dans la pratique. Quant aux signes de gravité, ils sont déterminés par l’existence de symptômes en faveur d’une maladie grave associée à la toux comme un cancer du poumon.

 

Quelles sont les principales étiologies ?

Les étiologies les plus fréquentes sont l’asthme, les atteintes rhinosinusiennes, le reflux gastro-œsophagien (RGO), la prise de médicaments tussigènes comme les inhibiteurs de l’enzyme de conversion/IEC et les gliptines. La toux chronique peut aussi avoir pour origine une maladie pulmonaire interstitielle, un cancer du poumon, une atteinte ORL, notamment du larynx, ou une autre cause plus rare.

 

Des examens complémentaires sont-ils nécessaires ?

Deux investigations simples peuvent être demandées en première intention par le médecin généraliste : la radiographie thoracique, qui est l’examen de base, et la spirométrie. Des explorations complémentaires seront pratiquées si aucune cause fréquente n’est retrouvée ou si la toux persiste malgré le traitement. Les examens seront adaptés en fonction des symptômes présentés par le patient : scanner des poumons ou des sinus, bilan ORL, examen du larynx, pHmétrie œsophagienne...

 

Quelle stratégie de prise en charge pour le médecin généraliste ?

Chez l’adulte tabagique chronique, la toux est un symptôme fréquent mais aussi une circonstance de découverte d’un cancer bronchique. En cas de détection de signes évocateurs, un scanner du poumon doit être pratiqué. En dehors de ce contexte, la première étape en présence d’une toux chronique est de rechercher les causes fréquentes —asthme, RGO, médicaments, atteinte rhinosinusienne—, puis, lorsqu’une cause est trouvée, de la traiter.

 

Dans quels cas adresser le patient au spécialiste ?

Si le traitement n’aboutit pas et que la toux persiste, il faudra orienter le patient vers une consultation de pneumologie, une consultation ORL ou de gastro-entérologie, en fonction des signes associés, pour essayer de compléter la prise en charge. Plusieurs étiologies de toux chronique pouvant coexister, la prise en charge, souvent complexe, sera multidisciplinaire. En l’absence de cause retrouvée ou d’amélioration malgré un traitement bien conduit, on parle de toux chronique réfractaire. Un avis auprès d’une équipe spécialisée devient alors nécessaire pour tenter de trouver une solution pour les patients.

 

Les traitements de la toux ont-ils leur utilité ?
Il n’existe pas de preuves scientifiques robustes de l’utilité des antitussifs dans la toux chronique. Les recommandations actuelles sont de ne pas les prescrire car ils ne sont pas efficaces et peuvent présenter des effets secondaires non négligeables. Le menthol a une efficacité transitoire et peut être conseillé aux patients pour inhiber la toux sur une petite période, sous forme de pastilles à sucer.

 

Les interventions non pharmacologiques ont-elles leur place ?

Pour traiter la toux réfractaire, pour laquelle on est assez démunis, il est en effet possible d’utiliser la kinésithérapie, l’orthophonie, les techniques de méditation et de sophrologie. En l’absence de traitement médicamenteux spécifique validé, ces approches peuvent rendre service aux patients en améliorant le handicap. Des thérapeutiques nouvelles, inhibiteurs des récepteurs de la toux, sont actuellement en développement. Elles devraient être commercialisées d’ici deux à trois ans.

 

Propos recueillis par Claire Grevot

 

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