• Pr GUERCI : Les bénéfices à long terme du contrôle glycémique

Bruno GUERCI

Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition

Date : 11/04/2022


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Les bithérapies désormais préconisées pour parvenir à « équilibrer » les patients diabétiques de type 2 ont aussi pour conséquence de réduire les complications micro-vasculaires. Le Pr Bruno Guerci, chef du service d’Endocrinologie, Diabétologie & Nutrition de l’hôpital Brabois-CHRU de Nancy, explique comment.

 

TLM : Quels sont les objectifs pour le contrôle glycémique chez les patients souffrant de diabète de type 2 ?

Pr Bruno Guerci : Pour les patients atteints de diabète de type 2, sans maladie cardio-vasculaire et sans insuffisance rénale associée, l’objectif est de maintenir l’hémoglobine glyquée (HbA1c), reflet de la glycémie des trois mois précédents, en dessous de 7 %. Grâce à l’évolution des traitements, nous disposons de médicaments qui permettent d’atteindre ces objectifs sans provoquer d’hypoglycémie. Ces recommandations concernent des patients âgés de 35 à 75 ans dont l’indice de masse corporelle est inférieur à 35 kg/m 2 . Pour les personnes de plus de 75 ans, en particulier souffrant d’une vulnérabilité particulière, les objectifs du contrôle glycémique sont souvent moins stricts. L’hémoglobine glyquée peut se situer entre 7 et 8 %. Après un certain âge, attention à ne pas imposer trop d’interdits alimentaires, du fait du risque de dénutrition ou d’hypoglycémie.

 

TLM : Comment atteindre ces objectifs de contrôle glycémique ?

Pr Bruno Guerci : Il faut inciter le patient à des mesures d’hygiène de vie, qui s’appliquent d’ailleurs peu ou prou à toute la population.

On ne parle plus de régime strict ou d’interdits alimentaires. Mais souvent les patients atteints de diabète de type 2 sont en surpoids ou obèses. Une réduction de la charge calorique quotidienne doit alors être proposée. Car la perte de poids améliore la glycémie, l’hypertension, les hyperlipidémies... Il est également important de faire des recommandations pour lutter contre la sédentarité, à savoir inscrire l’activité physique dans sa vie quotidienne. Par exemple, marcher 30 minutes par jour cinq jours par semaine, faire du vélo, de la natation ou du cardio-training... Ces mesures sont des facteurs d’amélioration, mais ne suffisent pas pour équilibrer le diabète. Sauf pour des patients chez qui le diagnostic a été posé très précocement en raison de facteurs de risque, surpoids, diabète gestationnel ou d’antécédents familiaux de diabète. Dans ce cas, des mesures d’hygiène de vie portant sur l’alimentation et une activité physique régulière peuvent suffire à maintenir un équilibre glycémique pendant quelques années, sans médicament. Lorsque le diabète est diagnostiqué plus tard, avec des taux de glycémie élevés, ces mesures, même si elles sont indispensables, ne sont pas suffisantes.

 

TLM : Quels médicaments pour obtenir un contrôle glycémique ?

Pr Bruno Guerci : Les médicaments sont initiés lorsque les mesures d’hygiène de vie n’ont pas permis d’obtenir un contrôle glycémique. Cela concerne l’immense majorité des patients. Le premier médicament à prescrire, le plus classique, le plus ancien, c’est la metformine, exempte de contre-indications et d’intolérance. Le traitement est débuté à des doses progressivement croissantes. C’est un médicament pour lequel il y a beaucoup de recul. Il est peu onéreux et très efficace. De surcroît il a beaucoup d’effets favorables autres que sur la glycémie, notamment sur les lipides et sur le poids. Cette molécule reste la première ligne de traitement contre le diabète de type 2.

 

TLM : Quels autres médicaments prescrire si cela ne suffit pas ?

Pr Bruno Guerci : En cas d’échec ou de réponse insuffisante avec la metformine, plusieurs autres classes thérapeutiques arrivées plus récemment sur le marché sont désormais prescrites en association avec la metformine. Il y a les gliptines (appelés aussi inhibiteurs de la DPP4), les inhibiteurs de la SGLT2 (inhibiteurs du co-transporteur sodium-glucose de type 2) et les agonistes des récepteurs au GPL1 (glucagon-like peptide 1). Ces deux dernières familles de molécules sont prescrites en priorité, lorsqu’il existe aussi une complication cardiovasculaire établie ou une maladie rénale chronique évolutive, car elles réduisent le risque d’événements cardio-rénaux indépendamment de l’amélioration de l’équilibre glycémique. De surcroît, elles sont adaptées aussi en bithérapie pour les patients en surpoids ou obèses du fait de leurs effets favorables sur le plan pondéral. Normalement, ces molécules sont remboursées uniquement lorsqu’elles sont prescrites en association avec la metformine. Aujourd’hui la majorité des patients atteints de diabète de type 2 bénéficient d’une bithérapie, voire d’une trithérapie. Au bout de 10 ans d’essais cliniques, on sait que ces molécules sont sûres, bien tolérées, avec une efficacité établie. A noter que l’insulinothérapie, qui concerne 25 % des patients diabétiques de type 2, est en perte de vitesse depuis l’arrivée de ces nouvelles familles de médicaments.

 

TLM : L’amélioration du contrôle glycémique réduit-elle le risque de complications ?

Pr Bruno Guerci : Il n’y a plus de débat sur ce sujet. Le contrôle du diabète est associé à une réduction des complications microvasculaires (rétinopathies, néphropathies, neuropathies). Pour les complications macro-vasculaires (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral), les études sont un peu plus divergentes. Car, il faut attendre souvent plus longtemps, au-delà de 10 à 15 ans, pour apprécier les bénéfices à long terme du contrôle glycémique sur le plan cardiovasculaire. Il est donc reconnu qu’un meilleur contrôle glycémique est globalement associé à une baisse de l’ensemble des complications liées au diabète.

 

TLM : Quelle surveillance pour contrôler l’équilibre glycémique chez le patient atteint de diabète de type 2 ?

Pr Bruno Guerci : L’HbA1c doit être dosée tous les trois mois, pour faire évoluer la prise en charge si les objectifs ne sont pas atteints. C’est loin d’être le cas pour tous les patients en France. Si le taux est supérieur à 7% à deux reprises consécutives, le traitement doit être reconsidéré. Le dosage des lipides (en particulier du LDL cholestérol), l’ECG, l’examen des pieds sont nécessaires au moins une fois par an. L’index de pression systolique inférieur à 0,9 évoque une artérite des membres inférieurs. Le bilan de la fonction rénale, et tout particulièrement la mesure du débit de filtration glomérulaire mais aussi de l’excrétion urinaire d’albumine, doit être réalisé une fois par an.

 

TLM : Quelle est la place de l’auto-surveillance ?

Pr Bruno Guerci : Elle ne concerne que les diabétiques de type 2 à risque d’hypoglycémie et traités par sulfamides, mais surtout ceux sous un traitement par insulinothérapie. Ces derniers doivent bénéficier dès la prescription d’insuline d’une auto-surveillance glycémique pour obtenir le meilleur contrôle possible de leur diabète. Aujourd’hui, l’auto-surveillance glycémique par mesure capillaire a laissé sa place à des outils de mesure continue du glucose. Ces capteurs de glucose sous-cutanés sont faciles d’utilisation, parfois connectés, permettant à ces patients de surveiller eux-mêmes en continu leur taux de glucose circulant et d’adapter au fil de l’eau leur thérapeutique par insuline.

Propos recueillis

par le Dr Clara Berguig

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