• Pr GIRERD : La place prépondérante des DHP dans le suivi de l’HTA

Xavier GIRERD

Discipline : Cardiologie

Date : 10/10/2021


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Un adulte sur trois est touché par l'hypertension artérielle. Au cœur de l’arsenal thérapeutique : les dihydropyridines (DHP). Le point avec le Pr Xavier Girerd*, cardiologue, président de la Fondation de recherche sur l’Hypertension artérielle (FRHTA).

 

TLM : L’HTA est-elle une maladie suffisamment contrôlée et prise en charge en France ?

Pr Xavier Girerd : 15 millions de Français ont eu un diagnostic d’HTA. Mais seuls 10 millions suivent un traitement pharmacologique permettant de prévenir les complications de cette maladie. Donc 5 millions de personnes ne sont pas soignées et la situation pourrait être meilleure. Point positif : depuis 2020, l’Assurance maladie a observé une augmentation du nombre de patients traités. La crise sanitaire a favorisé un regain d’intérêt pour une meilleure prise en charge de la santé, et en particulier de l’HTA.

 

TLM : Quelle est la place des DHP dans le traitement antihypertenseur ? Ces molécules sont-elles efficaces ?

Pr Xavier Girerd : Elles ont une place centrale non seulement pour traiter l’HTA mais aussi pour en prévenir les complications, dont l’AVC est le chef de file. Il a été montré, dans les années 2000, que l’une de ces molécules, l’amlodipine, possédait une efficacité supérieure à tous les autres traitements antihypertenseurs qui préviennent les AVC. On s’est aperçu ensuite que les autres molécules de cette famille avaient aussi cette efficacité remarquable pour contrôler la pression artérielle et prévenir les complications, autrement dit les risques d’accidents coronaires et d’AVC, surtout chez le sujet âgé. Les DHP sont particulièrement efficaces sur l’HTA systolique, pathologie fréquente induite par le vieillissement de la population. Certaines d’entre elles présentent des propriétés contre l’angine de poitrine. Ainsi vous avez à la fois un traitement anti-HTA et un traitement anti-angor. De plus, la plupart de ces médicaments sont efficaces 24 heures sur 24, car la durée d’action d’un comprimé est précisément de 24 heures.

 

TLM : Quelle est la place des autres familles thérapeutiques : IEC, ARA (sartan), diurétiques, bêta-bloquants ?

Pr Xavier Girerd : Ils gardent toute leur place. Depuis une dizaine d’années, les recommandations scientifiques préconisent d’associer les DHP aux autres médicaments antihypertenseurs. L’union fait la force : avec deux molécules différentes, on obtient plus d’efficacité. On commence avec un médicament, et quand les chiffres de la tension ne sont pas assez contrôlés, on en prescrit un deuxième.

 

TLM : Quel est le mécanisme d’action des DHP ?

Pr Xavier Girerd : Elles dilatent très efficacement les petites artères et ainsi font baisser les résistances périphériques totales, et donc la pression artérielle. Les DHP sont des antagonistes des canaux calciques : elles bloquent le canal qui fait passer le calcium de l’extérieur à l’intérieur de la cellule. Par cette action, elles évitent que le vaisseau ne se contracte, il est donc davantage dilaté.

 

TLM : Quels sont leurs effets indésirables ? Sont-ils durables ?

Pr Xavier Girerd : Les DHP, de par leurs propriétés vasodilatatrices puissantes, sont susceptibles d’entraîner, dans les premiers jours, des flushs du visage (rougeurs et sensations de chaleur dues à la vasodilatation) et des céphalées induites par la dilatation des artères cérébrales. Surtout chez des sujets jeunes. En général, ces effets secondaires s’estompent au bout de quelques semaines. Ce qui peut persister, chez 20% des patients — surtout chez les femmes —, ce sont les œdèmes des deux chevilles, surtout présents en fin de journée. On peut diminuer le dosage pour régler ce problème. Ou associer des sartans ou des IEC. Mais il est inutile de prescrire un diurétique pour faire baisser la fréquence de ces œdèmes.

 

TLM : Les DHP présentent-elles des contre-indications ?

Pr Xavier Girerd : L’avantage de cette classe de médicaments, c’est qu’il n’y a pratiquement aucune contre-indication, hormis l’insuffisance hépatique très évoluée et une allergie à ces molécules. Parmi les DHP on trouve la nicardipine.

 

TLM : Quel est son mécanisme d’action, ses indications plus spécifiques et ses avantages ?

Pr Xavier Girerd : La nicardipine a été la deuxième DHP disponible dans le monde ; elle a été une star de la pharmacopée de la cardiologie dans les années 90. C’est un vasodilatateur puissant qui est particulièrement indiqué pour le traitement de l’HTA, avec une action directe sur les cellules musculaires lisses des vaisseaux. C’est une molécule à courte durée d’action — ce qui nécessite deux à trois comprimés par jour — mais aussi à court délai d’action. Elle est rapidement et complètement absorbée. Des concentrations plasmatiques sont détectables dès 20 minutes après l'administration, surtout dans le dosage à 20 mg. Ce qui en fait une molécule de choix en initiation de traitement quand on attend une réponse rapide sans être dans l’urgence hypertensive avec souffrance viscérale qui impose un traitement intraveineux.

 

TLM : Quelles sont les indications de la nicardipine en intraveineuse ?

Pr Xavier Girerd : La nicardipine injectable est indiquée pour les urgences hypertensives pouvant mettre en jeu le pronostic vital, et pour maîtriser une HTA en post-opératoire. C’est une molécule particulièrement efficace : administrée par une seringue électrique, permettant de délivrer de 1mg à 10mg/heure, elle fait baisser la tension dans les minutes qui suivent le début de l’injection.

 

TLM : Quelle est la place des DHP dans la prise en charge des épisodes de pré-éclampsie ?

Pr Xavier Girerd : La pré-éclampsie est une situation d’urgence pour la maman et pour l’enfant. Ainsi la nicardipine sous forme intraveineuse est souvent utilisée pour obtenir la baisse de la tension en association avec d’autres traitements spécialisés sous la coordination de l’équipe obstétricale.

 

TLM : Où en est la recherche ? Existe-t-il des molécules prometteuses à l’étude ?

Pr Xavier Girerd : Tous les grands laboratoires ont laissé tomber le traitement de l’HTA depuis une quinzaine d’années et c’est regrettable. Heureusement, des progrès ont été réalisés dans la prise en charge de l’HTA : l’automesure et le développement de la e-santé permettent au médecin généraliste ou au cardiologue d’adapter plus efficacement les traitements antihypertenseurs.

Propos recueillis

par Brigitte Fanny Cohen

* Le Pr Xavier Girerd tient à signaler l’absence de lien d’intérêt et de rémunération avec le laboratoire X.O, commercialisant actuellement la nicardipine (Loxen) en France.

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