• Pr GIRERD : Il est essentiel que les Généralistes poursuivent leur formation

Xavier GIRERD

Discipline : Cardiologie

Date : 04/05/2020


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Redoubler d’efforts pour identifier et prendre en charge les hypertendus

Selon les résultats de la dernière étude FLAHS, 10,2 millions de personnes suivent en France un traitement antihypertenseur, parmi lesquels 3,7 millions ne sont pas équilibrés. On note en outre un recul du nombre d’adultes traités pour une HTA (28% contre 32 % il y a 10 ans)… Le Pr Xavier Girerd, président de la Fondation de Recherche sur l’HTA (La Pitié-Salpêtrière, Paris), analyse ces chiffres.

 

TLM : Que peut-on dire de l’hypertension en France et de sa prise en charge en 2019 ?

Pr Xavier Girerd : Les 39es Journées de l’Hypertension artérielle (JHTA), organisées en décembre dernier, ont été l’occasion de présenter les résultats de l’étude FLAHS (French League Against Hypertension Survey) 2019. Cette enquête est réalisée en France tous les deux à trois ans, depuis 2011, par le Comité de lutte contre l’hypertension puis la Fondation de recherche sur l’hypertension.

 

TLM : Quelles sont la méthodologie et l’envergure de cette enquête ?

Pr Xavier Girerd : Elle repose sur un questionnaire envoyé à un échantillon de 10000 personnes âgées de plus de 35 ans et représentatives de la population métropolitaine. Près de 75 % des interrogés ont complété leur questionnaire, permettant d’extraire des données chiffrées précises sur la réalité de l’HTA en France. Il a en outre été demandé à tous les utilisateurs d’un tensiomètre automatique à domicile, soit 50 % des sondés traités pour une HTA mais aussi 15 % de ceux qui ne le sont pas, de transmettre leurs valeurs tensionnelles. Ces mesures suivaient le protocole DepistHTA permettant de bien utiliser ce tensiomètre. Les personnes pouvaient s’aider de l’application DepistHTA leur apportant des conseils personnalisés sur leurs chiffres tensionnels.

 

TLM : Quels sont les principaux enseignements de FLAHS 2019 ?

Pr Xavier Girerd : Si l’on projette les résultats sur la population française, 10,2 millions de personnes suivent un traitement antihypertenseur parmi lesquels 36 %, soit 3,7 millions, ne sont pas équilibrés. De plus, 5 millions d’hypertendus ne bénéficient pas d’un traitement. Plus préoccupant encore, 28 % des adultes sont traités pour une HTA, contre 32 % il y a 10 ans. Ce chiffre montre le recul d’un dépistage adapté. Il faut donc redoubler d’efforts pour identifier les hypertendus puis les prendre en charge. A ce titre, notons que 55 % des patients traités le sont par monothérapie, soit 10 % de plus qu’il y a cinq ans. Face à constat, il est important de rappeler une règle simple mais insuffisamment appliquée : le traitement initial repose sur une monothérapie à évaluer après quatre semaines, plutôt par automesure. Si le patient est insuffisamment contrôlé, le traitement doit être adapté en passant à une bithérapie.

 

TLM : Les nouvelles technologies pourraient-elles favoriser le respect de ces règles élémentaires ?

Pr Xavier Girerd : Les outils de télésanté ouvrent effectivement des perspectives dans la prise en charge de l’HTA. Les premiers résultats du programme INO-HTA ont été présentés lors des dernières Journées de l’hypertension artérielle. Mené dans le cadre des territoires de soins numériques, il a permis à des généralistes de maisons de santé pluriprofessionnelles de Bourgo­gne/Franche-Comté de disposer d’une série d’outils de télésanté. Une tablette, couplée à un tensiomètre et connectée à un serveur, était remise à des patients non contrôlés. Les médecins pouvaient ainsi assurer la télésurveillance de leur tension mais aussi l’observance du traitement, les apports sodés... De leur côté, les médecins disposaient d’un outil de télé-expertise permettant de comparer leurs prescriptions aux recommandations et de les orienter vers celles correspondant le mieux aux patients. Après trois mois d’utilisation, 75 % des patients se trouvaient contrôlés, démontrant les capacités d’amélioration de la pratique quotidienne par la télésanté.

 

TLM : Le respect des recommandations est-il donc aussi central ? 

Pr Xavier Girerd : C’est essentiel, d’autant qu’elles ne cessent d’évoluer. Les dernières, publiées en 2019, s’intéressent à la mesure tensionnelle et viennent bousculer les pratiques. La mesure doit désormais être réalisée à l’aide d’un tensiomètre automatique. Concernant son utilisation, il est recommandé de réaliser la « mesure répétée de consultation » reposant sur trois mesures automatiques à deux minutes d’intervalle, le résultat étant fourni par la moyenne des deux dernières. Cette approche permet d’éviter l’effet blouse blanche et donne des résultats similaires à ceux obtenus par automesure. Il limite ainsi le risque d’erreur de diagnostic et permet d’ajuster le traitement au plus près des besoins réels du patient.

Il est donc essentiel que les généralistes poursuivent leur formation sur un sujet qui impose un meilleur respect des recommandations afin d’assurer une prise en charge optimale de ce fléau national.

Propos recueillis

par Laurent Tiphaine

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