• Pr Gérard Helft : Prise en charge des patients hypertendus et diabétiques

Gérard Helft

Discipline : Cardiologie

Date : 06/07/2023


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La combinaison de l’hypertension artérielle et du diabète est un facteur de risque important d’infarctus et d’accident vasculaire cérébral, voire d’insuffisance rénale, souligne le Pr Gérard Helft, cardiologue interventionnel à l’Institut de Cardiologie de l’hôpital de la Pitié-Salpétrière (Paris) et président de la Fédération française de cardiologie. Outre les indispensables mesures hygiéno-diététiques, il préconise un traitement par bithérapies.

 

TLM : L’association de l’hypertension avec le diabète est-elle fréquente ?

Pr Gérard Helft : C’est une association que l’on retrouve très souvent chez nos patients en cardiologie. Ainsi, il a été montré que 30 % des patients hospitalisés en unités de soins intensifs de Cardiologie après un infarctus étaient diabétiques. Et nombre d’entre eux sont également hypertendus. Ces deux pathologies, l’hypertension et le diabète, sont des facteurs de risque d’infarctus et d’accident vasculaire cérébral. Leur association a un effet synergique et augmente nettement le risque, tandis qu’un facteur de risque isolé ne correspond pas forcément à un risque élevé. En revanche, le diabète classe d’emblée le sujet dans un risque élevé ou très élevé. Différents scores permettent aux cardiologues d’évaluer pour une personne donnée la probabilité de la létalité d’un événement cardiovasculaire ou de souffrir d’un infarctus dans les dix ans à venir.

Un de ces scores est aisément accessible sur www.fedecardio.org.

 

TLM : La symptomatologie des patients hypertendus et diabétiques est-elle la simple addition de celle des deux pathologies ?

Pr Gérard Helft : Il faut savoir aussi que l’infarctus chez les personnes diabétiques peut se présenter avec des symptômes moins francs. Il peut s’agir par exemple d’une simple gêne thoracique au lieu de la douleur thoracique classique en étau, oppressive. Cela peut rendre le diagnostic plus difficile et le retarder, ce qui est préjudiciable. Par ailleurs, cette association hypertension/diabète augmente le risque d’insuffisance rénale chronique, qu’il faut impérativement rechercher en cas d’hypertension, de diabète, et a fortiori en cas d’association des deux. L’hypertension artérielle favorise l’insuffisance rénale chronique, le diabète aussi.

 

TLM : La fréquence de cette association est-elle liée au fait que ces deux facteurs de risque cardiovasculaire ont des causes similaires ?

Pr Gérard Helft : Le diabète et l’hypertension sont d’origine multifactorielle, avec un impact à la fois de la génétique et du mode de vie. Le fait d’être un patient pléthorique, sédentaire, de plus de 50 ans, représente une situation à risque pour le diabète comme pour l’hypertension. C’est pourquoi, même si cela est rarement suffisant, les premières mesures à prendre face à de tels patients sont d’ordre hygiéno-diététique. Que ce soit pour le diabète ou l’hypertension la pratique d’une activité physique cinq fois par semaine pendant 30 minutes, associée à un régime alimentaire adapté et équilibré, en réduisant la consommation de glucides avec l’aide éventuellement d’un diététicien, le fait de perdre du poids vont améliorer la situation.

 

TLM : Les patients hypertendus et les patients diabétiques sont-ils suffisamment diagnostiqués comme tels aujourd’hui ?

Pr Gérard Helft : Aujourd’hui, les normes préconisées pour définir l’hypertension varient selon la manière dont la tension est relevée. La mesure la plus fiable est la moyenne des automesures pratiquées au domicile dans des conditions précises : trois jours de suite, trois fois le matin, trois fois le soir, soit 18 mesures en tout ; un patient est alors dit hypertendu lorsque la moyenne de ces automesures est supérieure à 13,5 pour la systolique et 8,5 pour la diastolique. En consultation, un patient est considéré comme hypertendu quand sa tension est égale ou supérieure à 14/9. Mais un tel chiffre doit être confirmé lors d’une autre consultation. Il reste que l’hypertension est la maladie chronique la plus fréquente dans le monde, mais comme elle est peu ou pas symptomatique, nombre d’hypertendus s’ignorent. Des enquêtes ont montré qu’une hypertension sur deux n’est pas dépistée. Nombre de diabétiques s’ignorent également, à telle enseigne que parmi les patients hospitalisés en soins intensifs après un infarctus, la moitié des diabétiques ignoraient qu’ils l’étaient.

 

TLM : Comment prendre en charge des patients à la fois hypertendus et diabétiques ?

Pr Gérard Helft : Il faut bien entendu traiter à la fois le diabète et l’hypertension, en tenant compte des risques spécifiques liés à cette association. Contre l’hypertension, et dans cette situation particulière il vaut mieux prescrire des médicaments dotés d’un effet protecteur de la fonction rénale, en particulier les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ou des antagonistes de l’angiotensine 2. Mais la monothérapie n’est pas toujours suffisante, si bien qu’il faut parfois recourir à des bithérapies. Or il est souvent fastidieux pour le patient de multiplier les prises de comprimés, d’où une diminution de leur observance. C’est tout l’intérêt des associations de deux antihypertenseurs dans un même comprimé. Par exemple, pour les patients à la fois hypertendus et diabétiques, l’association d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion, présentant à la fois un effet antihypertenseur et protecteur de la fonction rénale, et d’une autre molécule (inhibiteur calcique ou diurétique), est souvent nécessaire et utile.

 

TLM : Les cardiologues prennent-ils en charge aussi le diabète de leurs patients ?

Pr Gérard Helft : Historiquement, ce sont les diabétologues qui prennent en charge, avec les médecins généralistes, le diabète. De manière optimale la prise en charge du patient diabétique hypertendu devrait se faire de manière coordonnée entre le cardiologue et le diabétologue. Mais actuellement en France, et compte tenu de l’augmentation de l’incidence du diabète, les diabétologues sont en nombre insuffisant, si bien que les cardiologues sont parfois amenés à prendre en charge le diabète également.

Les jeunes générations de médecins cardiologues et les internes en cardiologie en formation seront de plus amenés à utiliser les nouvelles molécules hypoglycémiantes, lesquelles ont par ailleurs démontré leur intérêt majeur dans la prévention des complications cardiovasculaires du diabète. Il s’agit d’un véritable enjeu de santé publique.

Propos recueillis

par le Dr Clara Berguig

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