• Pr. GAUDELUS : De l’efficacité de la vaccination contre la méningite bactérienne

Joël GAUDELUS

Discipline : Infectiologie

Date : 22/07/2020


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00 CAS DE MÉNINGITE À HAEMOPHILUS B AVANT L’INTRODUCTION DU VACCIN EN 1992 CONTRE 37 ENTRE 1999 À 2014, TOUS CHEZ DES ENFANTS MAL VACCINÉS. EXCELLENTS RÉSULTATS AUSSI POUR LES MÉNINGITES À PNEUMOCOQUE ET CELLES À MÉNINGOCOQUE C CHEZ L’ENFANT DE MOINS D’1 AN. POURTANT EN FRANCE, SOULIGNE LE PR JOËL GAUDELUS (SERVICE DE PÉDIATRIE, HÔPITAL JEAN-VERDIER, BONDY), LA PRÉVENTION POURRAIT ÊTRE AMÉLIORÉE SI L’ON INTRODUISAIT DANS LE CALENDRIER VACCINAL LE VACCIN CONTRE LE MÉNINGOCOQUE B ET CELUI DES SÉROGROUPES A, C, W, Y...

 

TLM : Quels sont les types de méningite du nourrisson et de l’enfant ?
Pr Joël Gaudelus :
Tout d’abord les méningites virales, les plus fréquentes qui sont de bon pronostic même si, hormis pour les méningites herpétiques, nous n’avons pas de traitement. Les méningites bactériennes sont, quant à elles, rares mais graves, responsablesde20à30%deséquellesetde10% de mortalité, quel que soit le traitement. Trois bactéries sont en cause : l’Haemophilus b, le pneumocoque et enfin le méningocoque. L’incidence la plus élevée des méningites bactériennes intervient chez les nourrissons de moins d’1 an. On observe un deuxième pic chez l’adolescent et l’adulte jeune entre 15 et 25 ans. Un troisième pic apparaît, phénomène nouveau, après 75 ans concernant le méningocoque. Le nasopharynx est le gîte naturel des bactéries. La contamination se fait par voie aérienne, à la suite d’un contact rapproché.

 

TLM : Comment déceler une méningite chez le nourrisson et l’enfant ?
Pr Joël Gaudelus :
Chez le nourrisson le signe principal est la fièvre, souvent associée à des troubles du comportement — agitation, irritabilité, somnolence — ou à des troubles digestifs, anorexie, vomissements. A l’examen, chez le nourrisson, la raideur de la nuque est souvent absente ; elle est remplacée dans un contexte fébrile par une hypotonie de la nuque souvent accompagnée

d’une hypotonie globale. Il peut y avoir d’autres signes, comme le purpura, qu’il faut rechercher et qui dans un contexte fébrile doit immédiatement faire évoquer une méningococcémie. Chez le grand enfant les signes sont plus classiques : maux de tête, dans un contexte fébrile, accompagnés de photophobie, d’une nuque souvent raide avec signes de Kernig ou de Brudzinski. Comme l’a montré une étude publiée en Grande-Bretagne il s’écoule en moyenne 19 heures entre le début des troubles et l’arrivée à l’hôpital. Il s’agit donc d’un diagnostic difficile surtout dans les premières heures : c’est là le message fondamental. Un nourrisson présentant une nuque molle dans un contexte fébrile avec des troubles du comportement doit être amené à l’hôpital, et c’est une urgence majeure car une méningite bactérienne non traitée se solde par un décès et tout retard au traitement augmente le risque de séquelles.

TLM : Quelle est l’efficacité de la prévention vaccinale ?
Pr Joël Gaudelus : Le vaccin Haemophilus b qui est pratiqué depuis 1992 a permis la quasi-éradication de la méningite à Haemophilus b : 600 cas avant le vaccin contre 37 de 1999 à 2014, tous chez des enfants mal vaccinés. La couverture vaccinale pour Haemophilus b est supérieure à 95 %. Concernant le pneumocoque les résultats sont également excellents quoique l’efficacité du vaccin soit moindre : nous disposons en effet d’un vaccin comportant 13 sérotypes, alors qu’il en existe 95 ! Il reste que depuis l’introduction de la vaccination les méningites concernées ont chuté de 50% chez les moins de deux ans. Quant au méningocoque, on ne vaccine en France que contre le méningocoque C. A partir de 2010, on a vacciné de l’âge d’1 an à 24 ans : du fait de l’action du vaccin sur le

portage des souches on escomptait que les adolescents et adultes jeunes vaccinés seraient non seulement protégés mais qu’en plus ils ne transmettraient pas la souche. Par la création d’une immunité de groupe, on pensait protéger les moins d’1 an. Cette stratégie s’est soldée par un échec : une évaluation menée en 2017 a montré que les méningites à méningocoque avaient augmenté chez les moins d’un an, avec chez les 15-25 ans, un taux de couverture vaccinale très insuffisant, 20 à 30%. Cette stratégie, mal comprise car pas assez expliquée, n’avait donc pas été appliquée. En conséquence, en 2017 un vaccin à cinq mois a été ajouté. Il a été rendu obligatoire en 2018 et fait partie des 11 vaccins obligatoires depuis le 1er janvier 2018 : nous avons donc aujourd’hui une injection à cinq mois et une autre à 12 mois. En 2018 on ne dénombrait que 6 cas ; récemment, l’Institut Pasteur a indiqué qu’en 2019 il n’en restait plus qu’un seul, chez un enfant non vacciné !

 

TLM : Pourquoi ne vaccine-t-on que contre le méningocoque C ?
Pr Joël Gaudelus :
Il existe en effet deux autres vaccins. Le premier, contre le méningocoque B, souche prédominante en France. Les Anglais le recommandent à tous les nourrissons depuis 2015, et ont une couverture vaccinale supérieure à 90% avec une efficacité de 80 à 90 %. À l’heure actuelle la Haute Autorité de santé et la Commission technique des vaccinations revoient les données afin de statuer sur l’introduction de ce vaccin, ce à quoi je suis favorable. L’autre vaccin, qui est un vaccin conjugué tétravalant —pourlessérogroupesA,C,W,Y—estréservé aux voyageurs et à quelques indications spécifiques, personnels travaillant en laboratoire, aspléniques, greffés de moelle, etc., mais pas la population générale, alors même qu’on constate en France une augmentation des sérogroupes W et Y, dont pour le W une souche entraînant une mortalité supérieure à 20 %. Les Anglais vaccinent tous les adolescents avec ce vaccin comme d’ailleurs les Américains. Un exemple à suivre.

 

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