• Pr GAME : Ce qu’il faut savoir sur les stomies urinaires

Xavier GAME

Discipline : Uro-Néphrologie

Date : 10/01/2022


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La pose de ces dérivations urinaires, préconisées chez les patients présentant des pathologies graves de l’appareil génito-urinaire, fait appel à différentes techniques chirurgicales. Revue de détail avec le Pr Xavier Gamé, praticien hospitalier au CHU de Toulouse-Hôpital Rangueil et professeur des universités à la faculté de Médecine de Toulouse-Purpan.

 

TLM : Les stomies urinaires sont-elles des interventions fréquentes ?

Pr Xavier Gamé : Il n’y aurait que quelques centaines d’interventions de ce type chaque année en France. Relativement lourdes, elles ont pour objectif de dériver les urines vers un orifice externe créé à même la peau au niveau de l’abdomen. Elles sont indiquées chez les patients ayant des pathologies graves de l’appareil génito-urinaire : cancer de la vessie nécessitant l’ablation de cette dernière, malformations graves du bas appareil urinaire, mais aussi vessie neurologique, après échec des autres prises en charge conservatrices. Ces stomies peuvent aussi être indiquées en cas de vessie radique — après irradiation pour un cancer de la prostate —, un cancer du col de l’utérus ou du pelvis. Ces dérivations urinaires sont des techniques destinées aux patients pour lesquels une reconstruction avec une néo-vessie n’est pas réalisable. L’écoulement des urines n’étant plus contrôlé par le sphincter vésical, ce type d’intervention entraîne une perte de la continence urinaire, d’où une certaine perturbation dans la vie du patient qui devra apprendre à vivre avec une poche de stomie abouchée à l’orifice externe.

 

TLM : Quelles sont les techniques chirurgicales pour réaliser ces stomies ?

Pr Xavier Gamé : Le choix de la technique chirurgicale relève parfois d’une décision délicate. Elle dépend, par exemple en cas de cancer, du stade et de la localisation de ce dernier. Elle doit aussi tenir compte des comorbidités. Mais aussi du désir du patient... Il peut s’agir d’urétérostomies cutanées bilatérales, urétérostomies cutanées trans-iléales, de néphrostomies percutanées. Classiquement, on distingue les dérivations avec interposition d’une anse intestinale (l’iléon le plus souvent) et celles sans interposition (urétérostomie transcutanée, néphrostomie). Quelle que soit la technique utilisée, l’écoulement des urines sera permanent et nécessitera la mise en place d’une poche au niveau de la stomie pour recueillir les urines.

 

TLM : Comment se déroule l’intervention pour les urétérostomies cutanées ?

Pr Xavier Gamé : Il s’agit de dérivations non continentes simples, sans interposition d’anse intestinale. Plusieurs techniques sont possibles. Les deux uretères peuvent être abouchés à la peau de manière séparée et symétrique, par rapport à la ligne médiane. Ils peuvent aussi être anastomosés sur une même stomie. Différentes variantes chirurgicales existent. Ces urétérostomies ont pour principal intérêt de diminuer les complications post-opératoires. Mais le risque de sténose au niveau de la stomie et des uretères, les risques d’infections urinaires et de lithiase font réserver ce mode de dérivation aux patients fragiles avec une espérance de vie limitée. Dès le premier jour après la chirurgie, le patient est mobilisé et commence à être alimenté. La perméabilité des sondes urétérales est vérifiée par des rinçages pluriquotidiens. Il est recommandé de maintenir les sondes urétérales en place définitivement pour éviter le risque de sténose, mais elles doivent être changées régulièrement.

 

TLM : Et en quoi consistent les techniques chirurgicales avec interposition d’anses intestinales ?

Pr Xavier Gamé : Cette technique a été décrite initialement par Bricker. Plusieurs options opératoires ont été mises au point par la suite. Schématiquement, il s’agit d’isoler un segment d’iléon (il peut s’agir aussi de jéjunum ou de côlon) de 5 à 10 centimètres. Ensuite les deux uretères sont abouchés à cette portion d’intestin qui devient alors un simple conduit capable de faire transiter les urines vers l’extérieur. L’urostomie trans-iléale est la plus simple des dérivations intestinales et elle entraîne un taux plus faible de complications. L’ablation des sondes urétérales est réalisée vers le dixième jour post-opératoire ou, plus tard, lors de la visite de contrôle. Les risques de complications post-chirurgicales doivent être connus : fistules urinaires, digestives, infections de la paroi, abcès profonds... L’intervention type Bricker permet d’évacuer les urines vers l’extérieur par un seul orifice cutané. Les urines seront recueillies dans une poche collée sur la peau.

 

TLM : Comment se déroule la vie quotidienne du patient après la stomie urinaire ?

Pr Xavier Gamé : Avant la sortie de l’hôpital les infirmières d’éducation thérapeutique ou stomathérapeutes apprennent aux patients à gérer les poches placées directement autour de la stomie. Ces appareillages existent en une ou deux pièces. La poche en une pièce se colle directement sur la peau autour de la stomie, grâce à une gomme synthétique ou un adhésif hypoallergénique garantissant une bonne étanchéité. L’appareillage en deux pièces est constitué d’un support collé sur la peau et d’une poche qui s’adapte sur ce support. Le système en deux pièces permet de laisser en place le support pendant en moyenne trois à quatre jours. La poche doit, elle, être changée quotidiennement. L’idéal est que le patient puisse utiliser seul ses poches afin de préserver son autonomie. Ces dernières doivent être bien adaptées car, en cas de fuite, les urines peuvent brûler la peau. Le changement d’appareillage doit être effectué avant toute prise d’aliments ou de boissons, donc de préférence le matin avant le petit déjeuner, pour limiter les écoulements d’urines pendant les soins. Ces dispositifs, pris en charge par l’Assurance maladie, sont prescrits sur ordonnance. Ils sont disponibles en pharmacie, mais peuvent être aussi livrés à domicile.

Propos recueillis

par le Dr Martine Raynal

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