• Pr GAGNADOUX : Le Syndrome d’apnée obstructive du sommeil sous-estimé

Frédéric GAGNADOUX

Discipline : Diagnostic

Date : 20/01/2021


  • 92_photoParole_122PE_Gagnadoux.jpg

 

« Douleurs thoraciques, palpitations intenses ou malaises récurrents sont quelques-uns des symptômes peu spécifiques du SAHOS, souvent attribués à tort à d’autres maladies. Résultat, leur prise en charge est encore plus tardive chez les femmes »

 

TLM : Récemment, une étude a évalué la prévalence du SAHOS à 1 milliard d’individus dans le monde !
Pr Frédéric Gagnadoux :
Le SAHOS est effectivement un trouble du sommeil extrêmement fréquent. Mais si l’on ne considère que les personnes ayant au moins 15 apnées/hypopnées/heure de sommeil, seuil à partir duquel on parle de « maladie » en France, la prévalence serait plutôt de 400 millions de personnes dans le monde. Aux États-Unis, 6 % des femmes et 14 % des hommes de 30 à 60 ans sont touchés. En France, on manque de données robustes, mais on estime que 5 à 10 % des adultes seraient concernés.

Il s’agit généralement d’un homme d’une cinquantaine d’années, obèse ou en surpoids, hypertendu. Il faut toutefois demeurer vigilant, car ce syndrome peut aussi survenir chez des personnes sveltes qui ne se plaignent que de ronfler et d’être fatiguées au cours de la journée. Il peut également survenir chez la femme, particulièrement après la ménopause.

Existe-t-il un profil type de patient ?

Quels sont les signes évocateurs d’un SAHOS ? Sont-ils les mêmes chez l’homme et chez la femme ?
Les principaux symptômes du SA-HOS sont la somnolence diurne et les ronflements très bruyants, qui s’accompagnent souvent de nycturie. Au réveil, les patients se lèvent plus fatigués qu’au coucher et souffrent parfois de maux de tête. Les hommes restent plus ou moins somnolents tout au long de la journée et se montrent facilement irritables ou agressifs. Chez les femmes, le tableau clinique est plus atypique. Elles souffrent davantage d’un manque de dynamisme et d’un état dépressif, et se plaignent plus d’insomnies que de somnolence. Des douleurs thoraciques, des palpitations intenses ou des malaises récurrents ne sont pas rares. Des symptômes peu spécifiques du SAHOS, souvent attribués à tort à d’autres maladies. Résultat, leur prise en charge est encore plus tardive que celle des hommes.

L’altération de la qualité de vie est sa première conséquence, celle qui amène généralement les patients à consulter. Le SAHOS multiplie en outre les risques d’accident de la route et du travail. Sur le plan médical, il accroît l’incidence des maladies cardiovasculaires, en particulier des AVC, et plusieurs études suggèrent qu’il augmente celui de cancer. Il pourrait aussi exister un lien entre la maladie d’Alzheimer et les apnées, mais aucune preuve ne permet à ce jour d’affirmer que leur traitement préviendrait son développement.

Devant une suspicion de SAHOS, le diagnostic doit être confirmé par un enregistrement du sommeil. Il existe deux types d’examens : la polygraphie ventilatoire, qui peut être réalisée au domicile ; elle enregistre, entre autres, l’indice d’apnées/hypopnées (IAH) qui permet d’affirmer le diagnostic, ainsi que l’oxymétrie et la fréquence cardiaque, qui ont une valeur pronostique vis-à-vis des complications à long terme ; il y a aussi la polysomnographie, un examen plus complet mais plus complexe et moins accessible, auquel on recourt dans les formes atypiques.

Quand elle est en cause, la perte de poids par la mise en place de mesures hygiéno-diététiques constitue le premier objectif. Le patient doit également éviter tous les facteurs favorisants ou aggravants, l’alcool et les anxiolytiques notamment. Ces mesures ne guérissent pas le SAHOS, mais l’améliorent considérablement. D’ailleurs, il n’existe pas de traitement curatif, seulement des traitements palliatifs. La pression positive continue (PPC) nasale, recommandée en première intention, est extrêmement efficace et sans effets secondaires graves ; mais seuls 60 % des patients la supportent bien. Depuis 2015, la Haute Autorité de santé recommande une alternative, mieux tolérée : l’orthèse d’avancée mandibulaire (OAM), indiquée en première intention dans les formes modérées sans signe de gravité associé, et en seconde intention dans les autres formes*.

Quelles sont les actualités thérapeutiques dans le SAHOS de l’adulte ?
En cas de somnolence persistante sous traitement bien conduit (5 à 10% des patients correctement traités par PPC), sans autre cause identifiable, notamment sans dette de sommeil ou dépression, on peut aujourd’hui proposer des médicaments stimulant l’éveil. D’autres traitements du SAHOS sont par ailleurs en développement, comme la neurostimulation électrique, voir pharmacologique du nerf hypoglosse. Plusieurs dispositifs implantables de stimulation du nerf XII sont en cours d’évaluation en France notamment dans le Centre de Médecine du sommeil du CHU d’Angers. La rééducation posturale visant à empêcher les patients de dormir sur le dos en cas d’apnées positionnelles est également à l’étude dans la cadre d’un vaste essai randomisé en cours de mise en place.

Propos recueillis par Jeanne Labrune

* SAHOS léger : 5<IAH<15 ; SAHOS modéré : 15<IAH<30 ; SAHOS sévère : IAH>30.

 

 

  • Scoop.it