Pr Frédéric Gagnadoux : Apnée du sommeil : La preuve par la stimulation du nerf hypoglosse
Discipline : Pneumologie
Date : 08/01/2025
Remboursée depuis quelques mois et déjà proposée dans une dizaine de centres en France, la thérapie Inspire® (stimulation du nerf hypoglosse) est indiquée en troisième intention dans le traitement du syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS) modéré à sévère. Le Pr Frédéric Gagnadoux, pneumologue et médecin du sommeil au CHU d’Angers, voit dans cette solution bien tolérée la fin d’une errance thérapeutique préjudiciable pour de nombreux patients non traités.
TLM : Qu’est-ce que le SAHOS ?
Pr Frédéric Gagnadoux : Ce syndrome se caractérise par la fermeture répétée du pharynx au cours de la nuit, entraînant un phénomène d’asphyxie, fort heureusement interrompue par des mécanismes réflexes. Ces événements vont pouvoir se répéter des dizaines, voire des centaines de fois, au cours de la nuit provoquant une hypoxie intermittente. Les patients voient leur sommeil fragmenté avec une perte de leurs capacités récupératrices et des symptômes diurnes tels que fatigue et somnolence importante, particulièrement préjudiciables à leur qualité de vie. Si on manque de données épidémiologiques robustes en France, on estime toutefois qu’entre 6 et 12% des adultes seraient touchés par le SAHOS.
TLM : Des facteurs de risque ont-ils été identifiés ?
Dr Frédéric Gagnadoux : L’âge, le sexe masculin et le surpoids constituent les principaux facteurs de risque du SAHOS. Plus les patients sont sujets au surpoids ou à l’obésité et plus le calibre du pharynx est réduit. Il existe toutefois quelques rares formes de SAHOS chez des patients ne souffrant pas de surpoids. Elles sont généralement dues à des spécificités anatomiques.
TLM : Quels en sont les différents niveaux de gravité ?
Dr Frédéric Gagnadoux : Le premier paramètre d’évaluation de la gravité des apnées consiste à additionner les apnées et les hypopnées (fermetures incomplètes de la gorge) puis de les rapporter à la durée du sommeil. On obtient ainsi l’index apnée-hypopnée (IAH). Entre 5 et 15 événements par heure, l’apnée du sommeil est légère ; entre 16 et 30, elle est modérée ; et si l’IAH est supérieur à 30, on parle de forme sévère. Le retentissement fonctionnel et en particulier le degré de somnolence sont aussi des critères à prendre en compte pour évaluer la sévérité de la pathologie.
TLM : Quelles peuvent être les conséquences du SAHOS ?
Dr Frédéric Gagnadoux : L’altération de la qualité de vie est sa première conséquence, celle qui amène généralement les patients à consulter. Le SAHOS engendre en outre des accidents de la route plus fréquents et plus graves (l’endormissement annulant le réflexe de freinage). On parle de risque accidentel multiplié par deux, voire trois. Sur le plan médical, toute une littérature suggère qu’il accroît l’incidence des maladies cardiovasculaires, en particulier les AVC, mais aussi l’HTA, les infarctus, les rythmes du trouble et l’insuffisance cardiaque.
TLM : Jusqu’alors, quels traitements traditionnels dominaient les options thérapeutiques ?
Dr Frédéric Gagnadoux : Quand elle est en cause, la perte de poids ou le contrôle de la surcharge pondérale par la mise en place de mesures hygiéno-diététiques constituent le premier objectif. Par ailleurs il faut corriger au mieux les autres facteurs de risque cardiovasculaire, en particulier l’HTA et le diabète, le cas échéant. Enfin, des traitements instrumentaux spécifiques existent, comme la pression positive continue (PPC) nasale qui est extrêmement efficace et sans effets secondaires graves. Mais si la France compte aujourd’hui 1 600 000 patients traités par PPC, une étude menée à partir des données du SNDS montrait qu’un malade sur deux était désappareillé au bout de trois ans. En l’absence de contre-indications dentaires ou temporo-mandibulaires, l’orthèse d’avancée mandibulaire constitue une alternative dans l’ensemble mieux tolérée que la PPC, depuis son arrivée en 2010. La PPC est indiquée en première intention chez les patients les plus sévères, ceux présentant des comorbidités cardiovasculaires et les patients extrêmement symptomatiques c’est-à-dire très somnolents ou à haut risque accidentel. L’orthèse est quant à elle préconisée dans les formes modérées sans signe de gravité associé. Elle peut également être indiquée dans les cas où la PPC n’a pas été supportée.
TLM : Remboursé en France depuis juillet 2024, le traitement Inspire® semble constituer une nouvelle alternative prometteuse. De quoi s’agit-il ?
Dr Frédéric Gagnadoux : La thérapie Inspire® s’appuie sur un système composé de trois éléments : un stimulateur de la taille d’un pacemaker, implanté au niveau de la clavicule droite, d’une électrode de détection de la respiration placée sur le thorax et d’une électrode de stimulation, fixée au nerf hypoglosse, à la base de la langue. L’implantation du dispositif repose sur un acte chirurgical mini-invasif d’une durée d’environ deux heures effectué dans le cadre d’une courte hospitalisation, voire en ambulatoire. A chaque inspiration du patient au cours du sommeil, une stimulation électrique du nerf hypoglosse innervant le muscle génioglosse provoque une contraction et une légère propulsion de la langue qui va libérer l’espace pharyngé et permettre à l’air de passer normalement afin d’éviter la fermeure du pharynx.
TLM : Tous les patients sont-ils éligibles à cette thérapie ?
Dr Frédéric Gagnadoux : La validation de ce traitement par la HAS est basée sur des données de recherche qui ont été publiées et qui permettent de cibler une catégorie de patients. Il s’agit de ceux présentant des apnées modérées à sévères (donc entre 15 et 50 d’IAH) et ceux avec un IMC inférieur à 32kg/m 2 . Inspire® est indiqué en troisième intention chez les patients qui ne supportent pas la PPC, ceux qui présentent une contre-indication à l’orthèse (d’origine dentaire ou temporo-mandibulaire) ou ceux qui ne sont pas répondeurs à ce dernier traitement.
TLM : Quels sont les avantages de cette thérapie au regard des traitements traditionnels, selon vous ?
Dr Frédéric Gagnadoux : Le remboursement d’Inspire® va apporter une solution à des patients en impasse thérapeutique, qui se retrouvaient ainsi exposés aux manifestations cliniques et aux complications potentielles à long terme de leurs apnées non traitées. Par ailleurs, ce traitement est souvent mieux toléré et beaucoup moins contraignant que les thérapies traditionnelles qui nécessitent le port d’un dispositif. Ce qui explique d’ailleurs un taux d’observance très satisfaisant.
Propos recueillis
par Marie Ruelleux ■