• Pr François Schiele : Conduite à tenir face à une hypercholestérolémie résistante

François Schiele

Discipline : Cardiologie

Date : 18/04/2023


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L’hypercholestérolémie se définit en fonction du risque global, assure le Pr François Schiele, cardiologue au CHU de Besançon : âge, antécédents cardiovasculaires, pathologies associées, tabagisme, notamment. Et la prise en charge passe le plus souvent par des médicaments : les statines en prévention primaire et, dans les cas de réponse insuffisante, on y associera l’ézétimibe, voire un inhibiteur PCSK9.

 

TLM : Pourquoi est-il si important de réduire le niveau du LDL-cholestérol pour diminuer le risque cardiovasculaire ?

Pr François Schiele : Le LDL (Low Density Lipoprotein) cholestérol correspond à la quantité de cholestérol contenue dans les lipoprotéines de type LDL. Il s’agit de petites sphères lipoprotéiques qui circulent dans l’organisme et participent aux échanges de lipides avec les parois des artères. Elles sont responsables de la formation et du développement des plaques d’athérome. Elles en sont en fait le facteur causal. Le niveau de LDL-cholestérol optimal sur le plan théorique serait environ de 0,50g/l, alors que la moyenne des Français se situe autour de 1,25g/l. Si des taux sanguins élevés de LDL sont responsables d’une augmentation du risque cardiovasculaire, inversement pour chaque baisse du LDL de 0.40g/l, le risque relatif d’accident cardiovasculaire (mort subite, infarctus, accident vasculaire cérébral) baisse de 20%.

 

TLM : Quelles mesures faut-il mettre en œuvre pour prendre en charge une hypercholestérolémie ?

Pr François Schiele : L’hypercholestérolémie se définit en fonction du risque global. J’ai 50 ans, mon niveau de LDL est de 1,00 g/l, je suis mince, je n’ai pas d’hypertension, ni de diabète, je ne fume pas, je n’ai pas d’antécédents familiaux, alors mon risque cardiovasculaire n’est pas important. Je n’ai pas d’intérêt majeur à diminuer mon LDL cholestérol. A l’inverse, j’ai 40 ans, un LDL à 1,50 g/l, je suis diabétique, hypertendu et fumeur. Je suis à risque cardiaque élevé. J’ai intérêt à contrôler tous mes facteurs de risque mais aussi à diminuer drastiquement mon niveau de LDLcholestérol. Les personnes qui bénéficieront le plus d’une baisse du LDL sont celles ayant déjà eu un événement cardiovasculaire grave (infarctus, AVC) ou celles qui cumulent plusieurs facteurs de risque. Si on admet qu’une vie saine, avec une alimentation diététique, la pratique régulière d’exercices physiques, l’arrêt du tabac et le contrôle du surpoids, permet de diminuer le risque cardiovasculaire, cela n’a en réalité qu’un effet limité sur le LDL-cholestérol. Les mesures d’hygiène de vie permettent une baisse du LDL de l’ordre de 5 à 15%. Aussi la prise en charge d’une hypercholestérolémie passe le plus souvent par les médicaments. Une statine peut diminuer de moitié le niveau du LDL cholestérol, elle le diminue de 60 à 65% si on l’associe à l’ézétimibe et jusqu’à 85% si on ajoute un inhibiteur de PCSK9.

 

TLM : Quelles sont les stratégies les plus efficaces contre l’hypercholestérolémie en prévention secondaire ?

Pr François Schiele : Pour les patients en prévention secondaire, comme le risque de récidive est important, il est impératif de mettre en place des stratégies très efficaces. Les statines sont les médicaments de première ligne, sûrs et efficaces. Ils agissent en limitant la synthèse de cholestérol et augmentent la récupération du LDL sanguin par les récepteurs au niveau du foie. Tout cela contribue à faire baisser le taux de LDL-cholestérol circulant. L’apport de l’ézétimibe et des inhibiteurs de PCSK9 renforce cette élimination hépatique du LDL par action synergique. En prévention secondaire, chez une personne ayant déjà eu un infarctus ou un AVC, le traitement par statines (dites de « forte intensité ») est fortement recommandé afin d’abaisser le taux de LDL-cholestérol de plus de 50% pour atteindre une valeur inférieure ou égale 0.55g/l. Par exemple, si le taux au départ du LDL est de 1,6g/l, un traitement par statines de forte intensité peut le faire passer à 0,8g/l. Mais il faudra associer l’ézétimibe pour atteindre ou se rapprocher de l’objectif de LDL inférieur ou égal à 0.55g/l. Lorsque l’intensité du traitement est réduite, l’efficacité diminue aussi.

 

TLM : Et quand l’hypercholestérolémie résiste à ce traitement ?

Pr François Schiele : L’efficacité des traitements sur le niveau du LDL est, en général, prévisible.

Si un patient garde un taux de LDL proche de la valeur initiale malgré le traitement par statines c’est, le plus souvent, parce qu’il ne prend pas son traitement ou le prend de façon irrégulière ou à dose diminuée. Dans ce cas, il faut l’inciter à prendre ses médicaments correctement. Quand le niveau initial de LDL reste élevé, que les statines ne suffisent pas à l’abaisser suffisamment ou quand elles occasionnent des douleurs qui justifient de réduire la dose, il est nécessaire d’avoir recours à des associations avec d’autres traitements. L’association statines/ézétimibe peut être suffisante pour atteindre les objectifs de LDL-cholestérol. Si cela est toujours insuffisant, les inhibiteurs de PSCK9 peuvent être envisagés. Avec ces associations il est généralement possible d’atteindre les objectifs de LDL-cholestérol (inférieur à 0,55 g/l) qui protègent efficacement le patient de la progression de l’athérome et des récidives d’accident cardiovasculaire.

 

TLM : Quelle stratégie en prévention primaire ?

Pr François Schiele : Chez des personnes qui n’ont jamais eu d’accident cardiovasculaire, certaines mesures dites de prévention primaire peuvent être discutées. Il faut d’abord faire une estimation du risque global, en évaluant la probabilité qu’elles soient victimes d’une mort subite, d’un accident vasculaire cérébral ou d’un infarctus dans les dix ans à venir. Ce calcul complexe est possible grâce à des calculateurs de risque en ligne, disponibles sous forme d’applications. Ces calculateurs tiennent compte des antécédents familiaux, du niveau du LDL, de l’âge, de l’HTA, du diabète, du poids, du tabagisme... On peut aussi y intégrer des éléments comme le « score calcique », qui améliore la prédiction car il mesure la présence d’athérome coronaire. Lorsque ce risque dépasse un certain seuil, il faut discuter des mesures de prévention, basées d’abord sur l’hygiène de vie, perte de poids, arrêt du tabac, contrôle de la tension artérielle et mesures diététiques. Quand ces mesures ne sont pas assez efficaces, des traitements à base de statines éventuellement associées à l’ézétimibe visent à baisser de LDL pour réduire le risque. Au total, les accidents cardiovasculaires sont la conséquence d’une maladie chronique des artères, l’athérosclérose, qui est en grande partie évitable par des mesures de prévention et en particulier par l’abaissement du niveau du LDL-cholestérol.

Propos recueillis

par le Dr Martine Raynal

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