• Pr François Carré : L’activité physique, indissociable du traitement médicamenteux…

François Carré

Discipline : Cardiologie

Date : 17/01/2023


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Le médecin doit trouver le temps de démontrer au patient que l’activité physique ou l’activité physique adaptée sont indispensables à sa santé, au même titre que les traitements médicamenteux, avec un effet préventif sur la survenue et l’aggravation de près de 26 maladies chroniques. C’est la préconisation du Pr François Carré, cardiologue, médecin du sport, au CHU de Rennes.

 

Notre société est aujourd’hui gagnée par la sédentarité et l’inactivité physique avec une nouvelle addiction : nous sommes devenus « accros » à la position assise !

Pourtant, et c’est de notoriété publique, la sédentarité et l’inactivité physique engendrent nombre d’effets dommageables sur la santé. Comme pour le tabac il y a 60 ans, la société n’a pas encore pris conscience des risques pour notre santé que représente le choix d’un comportement inactif et sédentaire ; celui-ci favorise le développement et l’aggravation des maladies chroniques alors qu’un modeste changement dans les habitudes de vie pourrait tout résoudre… Quelques minutes de marche active et une baisse du temps de sédentarité chaque jour amélioreraient fortement notre qualité de vie et auraient un effet préventif sur la survenue et l’aggravation de près de 26 maladies chroniques*. D’une manière générale, les recommandations de l’OMS préconisent de faire au minimum 150 minutes d’activité physique par semaine pour les adultes et de diminuer son temps passé en position assise ainsi que les comportements sédentaires (en dessous de sept heures par jour).

 

TLM : Comment associer à la médecine curative une médecine préventive ?

Pr François Carré : Les médecins ont un rôle majeur à jouer en associant à la seule médecine curative classique (un symptôme impose un médicament) une médecine préventive avec la prescription de l’activité physique. En effet, l’activité physique adaptée aux capacités du malade, et encadrée par un professionnel du sport-santé, est très efficace : on observe ainsi une amélioration de la qualité de vie, une baisse de la morbidité et, souvent, une réduction de la mortalité. Il s’agit d’un nouveau paradigme pour le médecin. On ne dit plus « vous êtes malade, reposez-vous ! », mais « vous êtes malade, vous devez bouger ! ». Ainsi, on va plus loin en se posant la question suivante : « Ce patient présente un symptôme : est-ce que l’activité physique peut contribuer à l’améliorer ? ». Les preuves scientifiques sont formelles, toutes les recommandations le rappellent, il ne nous reste plus qu’à le mettre en pratique !

Une visite médicale classique, centrée sur les niveaux individuels de pratique d’activité physique et de sédentarité, associée à un entretien motivationnel, permet le plus souvent de prescrire une activité physique adaptée en précisant sa fréquence, sa durée, son intensité et son type.

Des examens complémentaires, surtout guidés par des symptômes, sont parfois nécessaires. Parmi ceux-ci, la place de l’épreuve d’effort à visée cardiologique est, et doit rester, très restreinte.

 

TLM : Comment prescrire de l’activité physique dans la pratique ?

Pr François Carré : L’activité physique est une thérapeutique non médicamenteuse validée par la Haute Autorité de santé. La loi du « sport sur ordonnance », initiée en 2016 et complétée en mars 2022, précise que tous les médecins peuvent prescrire de l’activité physique chez les sujets présentant ou risquant de développer une maladie chronique et/ou âgés ou en perte d’autonomie. Le médecin doit aujourd’hui associer de l’activité physique au traitement habituel de son patient.

Les médecins doivent donc questionner tous leurs patients sur leur niveaux journaliers de pratique d’activité physique et de sédentarité comme ils le font pour le tabac et l’alcool. C’est un changement de paradigme. Rappelons que dans la dépression minime à modérée, le premier traitement est l’activité physique.

En cas de maladie chronique stable, le médecin doit rajouter de l’activité physique dite adaptée (APA) à la maladie, aux capacités et limites du patient. Ces APA sont encadrées par différents types de professionnels agréés « sport-santé » comme les kinésithérapeutes, les enseignants en APA ou encore les éducateurs sportifs. Il faut prévoir deux à trois séances par semaine de 30 à 60 minutes d’intensité modérée associant l’endurance (cardio) et le renforcement musculaire (par exemple vélo ou zumba).

L’APA fait partie du traitement. Le plus difficile est de faire bouger les malades.

Ils acceptent de modifier leur alimentation mais difficilement de bouger. C’est l’entretien motivationnel qui est très important de ce point de vue. Le médecin doit trouver le temps de démontrer au patient que l’AP ou l’APA est indispensable à sa santé, au même titre que les traitements médicamenteux. C’est cela qui est très compliqué et décourage souvent les médecins. En prévention secondaire, pour les diabétiques (type 1 ou type 2), toutes les études montrent que l’activité physique permet d’équilibrer le diabète, de diminuer les traitements et, surtout, il n’existe aucune contre-indication définitive à pratiquer de l’activité physique lorsque l’on a un diabète. Il ne faut donc pas craindre de prescrire de l’activité physique chez un patient diabétique. Ne pas le faire représente une perte de chance d’améliorer l’état de santé du malade. Pour autant, certaines précautions sont à rappeler : privilégier l’activité physique après avoir mangé est plus efficace et évite l’hypoglycémie ; savoir adapter les doses d’insulines ou médicaments insulinosécréteurs ; avoir un bon chaussage.

Propos recueillis

par Elvis Journo

* Pedersen BK, Saltin B. Exercise as medicine - evidence for prescribing exercise as therapy in 26 different chronic diseases. Scand J Med Sci Sports. 2015 Dec;25 Suppl 3:1-72.

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