• Pr Franck Bruyère : Thérapeutique des infections urinaires récidivantes

Franck Bruyère

Discipline : Gynécologie, Santé de la Femme

Date : 17/01/2023


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Hydratation, usage de spermicides, tabagisme, alimentation inadaptée, stress sont quelques-unes des causes des infections urinaires à répétition. La prise en charge de ces causes associée à un traitement médicamenteux, assure le Pr Franck Bruyère, chef du service d’Urologie du CHU de Tours, permet d’éviter les récidives.

 

TLM : Quelle est la conduite à tenir devant une femme qui présente une infection urinaire, selon les dernières recommandations ?

Pr Franck Bruyère : Les infections urinaires basses se traduisent le plus souvent par des brûlures mictionnelles, une envie fréquente d’uriner, une hématurie, des douleurs lors de la miction. Il n’y a pas de fièvre. C’est pénible, mais ce n’est pas grave. Ces infections basses ne se compliquent quasiment jamais.

Les germes de la vessie ne remontent pas dans les reins, sauf en cas de reflux vésico-urétéral, ce qui est rare. Les femmes connaissent le plus souvent ces symptômes et savent faire le diagnostic de cystite. Il n’est pas nécessaire de pratiquer un ECBU dans ces circonstances.

Les cystites aiguës symptomatiques se traitent avec des antibiotiques. Le traitement s’impose, avec en général une antibiothérapie de courte durée, par exemple un sachet de fosfomycine. Certaines études ont montré que l’on pouvait aussi attendre quelques jours avant de prescrire des antibiotiques, en recommandant à la patiente de boire beaucoup ou en lui prescrivant quelques jours d’anti-inflammatoires.

Mais le plus efficace contre la cystite aiguë reste l’antibiothérapie. Les colonisations bactériennes asymptomatiques, diagnostiquées lors d’un ECBU, ne nécessitent aucun traitement, excepté lors d’une grossesse ou avant certaines interventions urologiques. En revanche, en cas de cystite aiguë chez les patientes âgées, ou chez celles ayant des antécédents urologiques comme des calculs rénaux, ou encore chez les femmes enceintes, il faut mettre en œuvre un traitement de quelques jours par Selexid ou furadantine.

 

TLM : A quel moment faut-il parler d’infections urinaires à répétition ?

Pr Franck Bruyère : On parle d’infections urinaires à répétition pour les femmes qui en souffrent plus de quatre fois par an. Et, dans ce cadre, il faut distinguer celles qui en font moins d’une par mois et celles qui présentent plus d’une cystite par mois. Ces dernières doivent bénéficier d’un traitement de fond pour lutter contre les récidives.

 

TLM : Que faire en cas d’infections urinaires à répétition ?

Pr Franck Bruyère : Chez les femmes en situation de récidive, il faut d’abord chercher une cause à ces infections, par l’interrogatoire et l’échographie. Il faut en particulier éliminer un diagnostic différentiel, le cancer de la vessie, qui provoque aussi des hématuries et des brûlures mictionnelles récidivantes. Par ailleurs, l’échographie permet aussi de mesurer le résidu post-mictionnel.

Si à la fin de la miction, l’échographie montre que la vessie ne se vide pas complètement, cela signifie qu’il existe un résidu d’urine qui stagne, facteur favorisant les infections. Il est impératif de comprendre l’origine de ce résidu. Il peut s’agir d’une bandelette sous-urétrale trop serrée mise en place dans le cadre d’une intervention pour incontinence urinaire, d’une hernie discale, d’une vessie neurologique… Il faut également rechercher un calcul des voies urinaires, facteur de risque d’infection.

 

TLM : Quel traitement pour ces infections ?

Pr Franck Bruyère : Si l’on identifie une cause à ces infections, il faut bien sûr la traiter.

Mais souvent on ne trouve rien. Il faut également détecter les facteurs de risque de récidive et les corriger. Si une patiente présente des infections récidivantes depuis qu’elle est ménopausée, une œstrogénothérapie locale doit être prescrite ; si elle ne boit pas spontanément, il faut l’encourager à s’hydrater dans la journée ; si elle est constipée, la constipation doit être traitée. L’usage de spermicides est aussi un facteur de risque d’infections urinaires, il faut dans ce cas changer de contraception.

Il faut recommander l’arrêt du tabac, éventuellement un changement d’alimentation. Par exemple, les infections urinaires seraient favorisées par certains aliment à éviter en cas de récidives fréquentes, comme les vins mousseux, les vins blancs, les aliments sucrés, les asperges, les tomates crues… Enfin, le stress est probablement aussi un facteur favorisant, il ne faut pas hésiter alors à conseiller aux femmes stressées souffrant de cystites à répétition de recourir à l’acupuncture, la mésothérapie ou encore la micronutrition ou la sophrologie… Toutes ces mesures permettent dans certains cas de réduire le nombre de récidives. En cas de cystites récidivantes post-coïtales, il faut conseiller à la patiente d’uriner après chaque rapport sexuel.

Si ce n’est pas suffisant, il est recommandé de prescrire un antibiotique à prendre en dose unique avant et après les rapports sexuels.

 

TLM : Quels médicaments prescrire, en l’absence de causes évidentes et quand ces mesures d’hygiène ne suffisent pas ?

Pr Franck Bruyère : La première étape est d’essayer des alternatives aux antibiotiques. Certains traitements alternatifs préventifs permettent d’obtenir des résultats favorables chez certaines femmes souffrant de cystites récidivantes. Les résultats des essais cliniques ont montré, avec un niveau de preuve intermédiaire, un effet favorable de la canneberge et du D-mannose, pour 30% des femmes. Le vaccin oral contre Escherichia coli —non disponible en France— donnerait des résultats intéressants pour certaines patientes. Cette prise en charge alternative peut être testée pendant deux ou trois mois.

 

TLM : Et quand ces solutions ne se révèlent pas suffisamment efficaces ?

Pr Franck Bruyère : Pour les patientes qui présentent plus d’une cystite par mois, quand ni les mesures d’hygiène ni les traitements alternatifs ne permettent de réduire la fréquence des crises, le traitement de fond devient nécessaire. Il s’agit de prescrire une antibiothérapie à faible pression de sélection, entraînant le moins de résistance. En général cet antibiotique est prescrit à la dose d’un comprimé par semaine. Ce traitement de fond est en général efficace pour réduire les récidives. Il est prescrit pendant quelques mois au terme desquels une réévaluation de la situation est effectuée.

 

TLM : Faut-il demander des ECBU régulièrement en cas de cystites à répétition ?

Pr Franck Bruyère : Ce n’est pas nécessaire. Il faut néanmoins en faire de temps en temps pour évaluer l’évolution des résistances, en particulier lorsque les traitements ne sont pas efficaces.

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

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