• Pr Franck Boccara : Quelle alternative quand statines et ézétimibe sont contre-indiqués

Franck Boccara

Discipline : Cardiologie

Date : 17/01/2023


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En cas d’intolérance ou de contre-indication aux statines et à l’ézétimibe, les inhibiteurs de PCSK9, des anticorps monoclonaux, se révèlent très efficaces pour réduire le taux de LDLcholestérol, confirme le Pr Franck Boccara, cardiologue à l’hôpital Saint-Antoine (Paris), s’appuyant sur deux études récentes.

 

TLM : Quelles sont les contre-indications des médicaments anti-cholestérol, statines et ézétimibe ?

Pr Franck Boccara : Les statines peuvent être contre-indiquées d’emblée ou secondairement à la suite de l’apparition d’un effet indésirable ou d’une intolérance. Les contre-indications absolues aux statines sont rares.

Ces médicaments anti-cholestérol sont cependant totalement contre-indiqués chez des patients souffrant d’une myopathie, d’une dystrophie musculaire liée à une pathologie neuro-dégénérative. Ils ne peuvent pas être prescrits non plus chez des malades présentant une hépatopathie chronique sévère et évolutive.

Par ailleurs, les patients intolérants à ces médicaments, à savoir ayant présenté des effets indésirables après traitement par statines, doivent bénéficier d’une alternative thérapeutique, en particulier en cas de réaction allergique, en cas d’hépatite aiguë médicamenteuse, ou après l’apparition d’une rhabdomyolyse, c’est-à-dire d’une destruction musculaire. Quant à l’ézétimibe qui inhibe l’absorption intestinale du cholestérol, il a peu de contreindications. En revanche, certains patients souffrent d’une intolérance digestive avec ce médicament, qui peut provoquer des diarrhées et des ballonnements intestinaux. Ces effets secondaires concernent 1 à 10 % des patients et peuvent conduire à l’arrêt du traitement dans certains cas.

 

TLM : Comment prendre en charge ces patients présentant une intolérance ou une contre-indication aux statines et à l’ézétimibe ?

Pr Franck Boccara : En cas d’intolérance ou de contre-indication, une classe thérapeutique qui représente une alternative aux statines et à l’ézétimibe, les inhibiteurs de PCSK9, peut être prescrite. Il s’agit d’anticorps monoclonaux très efficaces pour réduire le taux de LDL-cholestérol. Cette classe de médicaments peut aussi être utilisée en association avec les autres molécules anti-cholestérol, dans certaines situations précises. Les indications de ces médicaments viennent d’être définies avec précision par un arrêté publié au Journal officiel en octobre 2022. Selon cet arrêté, les inhibiteurs de PSCK9 peuvent être désormais prescrits en association avec un traitement hypolipémiant ou en monothérapie, en cas de contre-indication ou d’intolérance avérée à la fois aux statines et à l’ézétimibe, chez les patients adultes présentant une hypercholestérolémie familiale hétérozygote ou chez ceux à très haut risque cardiovasculaire, insuffisamment contrôlée par un traitement optimisé et nécessitant un traitement par LDL aphérèse. Ces médicaments peuvent être également prescrits chez les patients adultes présentant une maladie cardiovasculaire athéroscléreuse ayant souffert d’un syndrome coronarien aigu récent et présentant un LDL-cholestérol supérieur à 0,7 g/l, malgré un traitement hypolipémiant optimisé.

 

TLM : Quel est le mécanisme d’action des inhibiteurs de la PCSK9 ?

Pr Franck Boccara : Ces anticorps monoclonaux ciblent la PCSK9 —protéine convertase subtilisine/kexine de type 9—, une protéine responsable de la dégradation du récepteur au LDL-cholestérol au niveau du foie. En agissant par inhibition de la PCSK9, ces anticorps monoclonaux, induisent ainsi une augmentation des récepteurs au LDL-cholestérol à la surface des cellules du foie et, de ce fait, entraînent une diminution du LDL circulant.

 

TLM : Quels bénéfices peut-on attendre de ces médicaments ?

Pr Franck Boccara : Les inhibiteurs de la PCSK9 utilisés seuls réduiraient en moyenne le taux de LDL-cholestérol de 40% à 50%. La plupart du temps ils sont utilisés en association avec les statines et l’ézétimibe. Un essai important avec un inhibiteur de la PCSK9 (alirocumab), l’étude ODYSSEY OUTCOMES, dont les premiers résultats ont été publiés en novembre 2018, a démontré que les anti-PCSK9 diminuaient significativement le risque d’événements cardiovasculaires chez les patients après un syndrome coronarien aigu. Cette étude, portant sur plus de 24 000 patients, tous traités par statines et parfois également par ézétimibe, a mis en évidence une diminution des événements cardiovasculaires, accident vasculaire cérébral, infarctus mortel ou pas, de 15% dans le groupe recevant le médicament par rapport au groupe placebo, au cours d’un suivi d’un peu plus de deux ans. Lors du congrès de la Société européenne de cardiologie en 2022, l’étude FOURIER à plus long terme a été présentée, avec un autre anticorps anti-PCSK9 (evolocumab). Il s’agit d’une étude rétrospective sur 8 342 patients suivis jusqu’à cinq ans. Le médicament a permis de réduire la mortalité totale, avec une diminution des événements cardiovasculaires majeurs, décès, infarctus du myocarde et accident vasculaire cérébral de 17 %, par rapport au placebo. Dans cet essai, le médicament a été bien toléré, avec peu de différence entre le groupe traité et le groupe placebo en ce qui concerne les effets indésirables.

 

TLM : Comment ce médicament est-il prescrit ?

Pr Franck Boccara : Les inhibiteurs de la PCSK9 sont administrés par voie sous-cutanée, avec une injection tous les 14 jours ou tous les mois selon le médicament utilisé. Le patient peut apprendre à pratiquer lui-même les auto-injections.

 

TLM : Quel est le rôle des médecins généralistes en cas d’intolérance ou de contre-indications aux statines ?

Pr Franck Boccara : Les médecins doivent identifier les patients intolérants aux statines ou ceux présentant une contre-indication. La prescription initiale des inhibiteurs de la PCSK9 est réservée aux spécialistes en cardiologie, en endocrinologie, en diabétologie, en maladies métaboliques et encore en médecine interne. Cette prescription est soumise à un accord préalable de l’Assurance maladie, tout comme le renouvellement annuel par le spécialiste. Le médecin généraliste peut effectuer un renouvellement d’ordonnance dans l’année qui suit la prescription, renouvellement infra-annuel, après accord de l’Assurance maladie.

Propos recueillis

par le Dr Clara Berguig

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