• Pr Franck Boccara: Actualités et perspectives dans le traitement de l’hypercholestérolémie

Franck Boccara

Discipline : Cardiologie

Date : 13/10/2022


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Dans la prise en charge de l’hypercholestérolémie, rappelle le Pr Franck Boccara, cardiologue à l’hôpital Saint-Antoine (Paris), la prescription des statines et de l’ézétimibe fait partie de l’arsenal thérapeutique du médecin généraliste, qui peut aussi renouveler l’ordonnance de l’inhibiteur de PCSK9.

 

TLM : Peut-on rappeler les causes de l’hypercholestérolémie et son diagnostic…

Pr Franck Boccara : Une alimentation déséquilibrée est souvent la cause d’une hypercholestérolémie. On retrouve rarement une cause organique.

L’excès de cholestérol sanguin peut parfois être dû à des traitements médicamenteux, en particulier les corticostéroïdes, ou à certaines maladies, comme le syndrome néphrotique et l’hypothyroïdie. Il est rarement d’origine génétique (hypercholestérolémie familiale).

Le diagnostic d’hypercholestérolémie repose avant tout sur une mesure sanguine du taux de cholestérol —cholestérol total, HDL-cholestérol et LDL-cholestérol—, et de triglycérides permettant de différencier une hypercholestérolémie pure d’une dyslipidémie mixte (augmentation du cholestérol et des triglycérides). En cas de suspicion de syndrome néphrotique ou de dysthyroïdie (causes secondaires d’hypercholestérolémie), un bilan de la fonction rénale et de la thyroïde sera proposé. Un test génétique sera envisagé pour un patient hypercholestérolémique ayant des antécédents familiaux d’hypercholestérolémie ou de maladie coronaire précoce.

 

TLM : Quelle est la stratégie thérapeutique actuelle de l’hypercholestérolémie ?

Pr Franck Boccara : Elle consiste à définir un objectif à atteindre en termes de LDL-cholestérol sanguin en fonction du niveau de risque cardiovasculaire du patient. Chez un patient qui a déjà fait un accident vasculaire cérébral ou un infarctus du myocarde, l’objectif sera d’atteindre un taux de LDL-cholestérol inférieur à 0,55 g/L. En prévention primaire, on classe les patients en trois catégories : ceux à risque élevé pour lesquels l’objectif est d’obtenir un taux de LDL-cholestérol sanguin inférieur à 0,7 g/L, ceux à risque modéré pour lesquels l’objectif est d’avoir un taux de LDL-cholestérol sanguin inférieur à 1 g/L, et ceux à faible risque pour lesquels on vise un taux de LDL-cholestérol sanguin inférieur à 1,16 g/L.

 

TLM : Quelle est la place des mesures hygiéno-diététiques dans le traitement ?

Pr Franck Boccara : Elle est essentielle car une alimentation moins riche en graisses animales (réduction des apports en fromages, laitages entiers, viandes grasses, charcuterie, beurre), et en sucres d’absorption rapide (sodas, biscuits, desserts, céréales), abaisse de 20 % le taux de LDL-cholestérol dans le sang. Il ne faut pas non plus négliger les compléments alimentaires et phytostérols qui contribuent à abaisser le taux de cholestérol jusqu’à 10%.

 

TLM : Les médicaments sont-ils indispensables ?

Pr Franck Boccara : Les hypolipémiants comme les statines, qui limitent la synthèse hépatique de cholestérol, et l’ézétimibe, un inhibiteur de l’absorption intestinale du cholestérol,sont indispensables en prévention secondaire et quasi incontournables en prévention primaire chez le sujet à risque élevé. Il convient de signaler qu’un médicament comporte l’association statine-ézétimibe. Cette combinaison dans un seul comprimé permet une meilleure observance et souvent une meilleure atteinte des objectifs lipidiques. En prévention secondaire, l’association de ces deux médicaments agit sur les deux voies de fabrication du cholestérol en cause dans l’excès de cholestérol et abaisse de 60% le taux de LDL-cholestérol. En dépit d’une étude montrant que l’association d’emblée de ces molécules chez cette catégorie de patients permet d’atteindre plus rapidement un taux de LDL-cholestérol satisfaisant et améliore l’observance, cette question fait débat… Si cette combinaison thérapeutique ne permet pas d’atteindre l’objectif thérapeutique, les médecins spécialistes ont recours à un inhibiteur de PCSK9. Ce nouvel hypocholestérolémiant, administré par voie injectable sous-cutanée, permet de réduire de 50 % supplémentaire le taux de LDL-cholestérol. Pour l’heure, il n’est remboursé qu’en prévention secondaire et n’a pas d’indication en prévention primaire, même chez les patients à très haut risque, sauf chez les patients atteints d’hypercholestérolémie familiale qui ont recours à une LDL-aphérèse.

 

TLM : En prévention primaire, le traitement de référence reste les statines. Chez les patients à risque élevé, on peut les combiner à l’ézétimibe lorsque l’objectif n’est pas atteint. Les statines font l’objet de controverses, notamment en termes de rapport bénéfices/risques…

Pr Franck Boccara : Nous avons désormais plus de 30 ans de recul sur ces molécules, elles sont très bien tolérées et entraînent peu d’effets secondaires : des douleurs musculaires dans moins de 10 % des cas et une augmentation du taux d’enzymes hépatiques dans moins de 2%. Restent toutefois 8% de patients qui présentent une intolérance partielle et 2% une intolérance totale pour lesquels nous sommes démunis sur le plan médicamenteux.

Enfin, un risque de diabète existe de moins de 5% à dix ans, en particulier chez les sujets obèses et/ou utilisant les fortes doses de statine.

 

TLM : Existe-t-il néanmoins des perspectives pour ces patients ?

Pr Franck Boccara : Oui, et même plusieurs. Nous attendons le remboursement des inhibiteurs de PCSK9 chez les intolérants aux statines et à risque cardiovasculaire élevé. Nous espérons également celui de l’acide bempédoïque, un inhibiteur de l’adénosine triphosphate (ATP)-citrate lyase (ACL) qui diminue la production de cholestérol dans le foie et favorise l’élimination du LDL-cholestérol LDL du sang ; son utilisation, qui permet de diminuer de 20 à 30% le taux de LDL-cholestérol, a été approuvée aux Etats-Unis et dans l’Union européenne, mais pas encore en France. D’autres hypocholestérolémiants anti-PCSK9 injectables tous les trois à six mois (contre 14 jours à un mois actuellement) devraient également arriver sur le marché en 2024 ou 2025 ; leur prescription sera cependant limitée aux patients à très haut risque cardiovasculaire. Enfin, deux anti-lipoprotéines (a) (Lpa) sont en cours d’évaluation : il s’agit de médicaments injectables visant à réduire le taux de Lpa, qui est une lipoprotéine qui, en plus de boucher les artères lorsque leur taux est excessif, ont une activité pro-inflammatoire et prothrombique. Les résultats de la phase 3 avec ces anti-Lpa sont attendus en 2026-2027.

 

TLM : Quel est le rôle du médecin généraliste dans la prise en charge ?

Pr Franck Boccara : Il joue un rôle central dans le dépistage et la prise en charge des autres facteurs de risque cardiovasculaire que sont le tabagisme, la sédentarité, l’HTA ou le diabète. Et il ne faut pas oublier que la prescription de médicaments hypocholestérolémiants s’accompagne systématiquement de conseils hygiéno-diététiques qu’il revient aux médecins généralistes de prodiguer et/ou de relayer. La prescription des statines et de l’ézétimibe font partie de l’arsenal thérapeutique du médecin généraliste ; il peut aussi renouveler l’ordonnance de l’inhibiteur de PCSK9.

Propos recueillis

par Amélie Pelletier

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