• Pr Florent Aptel : La chirurgie mini-invasive révolutionne la prise en charge du glaucome

Florent Aptel

Discipline : Ophtalmologie

Date : 06/07/2023


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Les nouvelles chirurgies mini-invasives du glaucome, communément appelées MIGS (Minimally Invasive Glaucoma Surgery) sont en pleine expansion en France, au point de supplanter les chirurgies filtrantes conventionnelles. Les explications du Pr Florent Aptel, ophtalmologiste à Perpignan et président de la Société française du glaucome.

 

TLM : Quels sont les principales MIGS et depuis quand y avez-vous recours en pratique ?

Pr Florent Aptel : Les chirurgies mini-invasives du glaucome comprennent différentes techniques, soutenues par différents dispositifs médicaux. Dans tous les cas, les MIGS visent à réduire la pression intraoculaire en favorisant l’élimination de l’humeur aqueuse pour ralentir l’évolution du glaucome. Depuis leur avènement dans les années 2014-2015, une pléthore de dispositifs ont vu le jour et sont désormais largement utilisés en France. Ils peuvent être classés en fonction de leur mécanisme d’action. Les « MIGS avec bulle de filtration » permettent la dérivation de l’humeur aqueuse sous la conjonctive, c’est-à-dire le blanc de l’œil. D’autres favorisent le passage de l’humeur aqueuse vers le canal de Schlemm, donc vers les voies naturelles d’évacuation, ce sont les « MIGS trabéculaires ». Et enfin les « MIGS suprachoroÏdiens » qui permettent à l’humeur aqueuse de passer sous la choroïde, qui est la tunique vasculaire de l’œil.

 

TLM : Pourquoi autant d’innovations dans le traitement du glaucome ?

Pr Florent Aptel : La gravité de cette maladie est liée à la discrétion de son évolution qui ne s’accompagne pas de douleur et ne laisse apparaître, pendant de longues années, aucune altération de l’acuité visuelle. On estime le nombre de patients atteints de glaucome entre 1,2 à 1,5 million en France dont, compte tenu de son évolution insidieuse, seulement 1 million sont dépistés et traités. Et il faut savoir qu’entre 5 et 10 % des glaucomes devront être opérés un jour. Certes, cela peut paraître peu en relatif, mais, rapporté au nombre de glaucomateux en France, cela représente finalement beaucoup d’opérations chirurgicales. Et même si elles ont largement prouvé leur efficacité en termes de réduction de la pression intraoculaire, les chirurgies de référence (trabéculectomie et sclérectomie) ne sont pas pour autant dénuées de risque. La mauvaise tolérance et les nombreuses complications associées ont motivé le développement de techniques moins invasives. C’est donc dans un souci d’amélioration du profil de sécurité que les MIGS ont été déployées. Ces nouvelles techniques permettent de simplifier les procédures chirurgicales aussi bien pour les patients que pour les chirurgiens, avec une meilleure prévision des résultats, des hospitalisations plus courtes et une récupération visuelle plus rapide. Les suites post-opératoires sont elles aussi beaucoup plus simples puisque nous avons généralement recours à des anesthésies topiques, en hospitalisation ambulatoire. Il y a par ailleurs moins de visites post-opératoires et moins de reprises chirurgicales en pratique.

 

TLM : Quelle est la place des MIGS dans la stratégie thérapeutique du glaucome ?

Pr Florent Aptel : Les recommandations de la Société française du glaucome sont en cours de rédaction et devraient être publiées à l’automne prochain.

Elles seront très probablement un peu plus larges que les recommandations européennes qui datent de quelques années. Schématiquement, certains dispositifs comme les drains trabéculaires pourront être indiqués chez des patients présentant un glaucome débutant ou modéré, stabilisé par traitement médical (collyre), et associé à une indication de chirurgie de la cataracte.

On profite ici de l’opération et donc du passage au bloc pour poser un dispositif de chirurgie micro-invasive du glaucome et alléger le traitement médical.

Les MIGS trabéculaires sont moins efficaces en termes de diminution de la pression intraoculaire que la chirurgie filtrante classique mais leur tolérance est parfaite avec très peu de complications. Pour d’autres, comme les dispositifs avec bulle de filtration, ils peuvent être une alternative intéressante aux chirurgies filtrantes conventionnelles, en particulier chez les patients à risque élevé de complications (glaucome évolué, glaucome secondaire) ou ceux présentant un état général plus fragile.

 

TLM : A quel type de chirurgie la pratique fait-elle la part belle aujourd’hui ?

Pr Florent Aptel : La part des MIGS a graduellement augmenté depuis six ou sept ans pour finalement dépasser aujourd’hui celle des chirurgies conventionnelles. D’après les chiffres annoncés par les industriels qui commercialisent ces dispositifs, ce seront 7 000 à 8 000 chirurgies conventionnelles réalisées contre 20 000 à 25 000 chirurgies mini-invasives en France pour l’année 2023. Le recours aux microchirurgies supplante désormais les autres procédures chirurgicales. Cela aura pris du temps mais le développement de ces nouvelles techniques et leur remboursement —acquis ou en cours de demande, en fonction des différents dispositifs— ont permis de multiplier et élargir les indications.

 

TLM : Peut-on déjà parler de « révolution thérapeutique » ou un suivi à long terme est-il encore nécessaire ?

Pr Florent Aptel : Il y a encore quelques années, la France était à la traîne sur les MIGS au regard des autres pays européens, en raison notamment des lenteurs de procédure de remboursement des dispositifs médicaux innovants dans l’hexagone. Mais ce retard a finalement été rattrapé. On peut donc d’ores et déjà affirmer que les MIGS ont révolutionné la prise en charge du glaucome, les pratiques changent, comme les chiffres le montrent. Néanmoins, des études randomisées et un suivi à long terme seront nécessaires pour déterminer leur exact profil de sécurité. En effet, une pose d’implant dans l’œil (pour traiter un glaucome ou autre) peut tout à fait être bien tolérée les premières années mais présenter par la suite des complications importantes, même au bout de cinq ou dix ans, au point de motiver le retrait du dispositif.

Propos recueillis

par Romy Dagorne

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