• Pr Florent Aptel : Diagnostiquer et traiter à temps les patients glaucomateux

Florent Aptel

Discipline : Ophtalmologie

Date : 18/04/2023


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En France, sur 1,5 million de personnes atteintes de glaucome, 500 000 ne sont pas diagnostiquées.

Avec des risques allant jusqu’à la cécité.

Le Pr Florent Aptel, ophtalmologue (groupe Visis, Perpignan), spécialiste du glaucome et président de la Société française du glaucome, revient sur le dépistage, le diagnostic, les derniers traitements recommandés.

Il insiste aussi sur l’observance, capitale dans cette pathologie…

 

TLM : Quels sont les facteurs de risque du glaucome chronique à angle ouvert ?

Pr Florent Aptel : Le glaucome est une neuropathie optique progressive, une dégénérescence du nerf optique, favorisée par un certain nombre de facteurs de risque, pression intraoculaire (PIO) élevée, élévation en âge, antécédents familiaux, forte myopie, origine ethnique (Antilles, Afrique subsaharienne).

En France, 1,5 million de personnes sont atteintes de glaucome. Près des deux tiers d’entre elles sont dépistées et traitées et plus d’un tiers n’ont pas été diagnostiquées. Au plan mondial, il y aurait entre 90 et 110 millions de glaucomateux et entre 5 et 7 millions d’entre eux seraient aveugles en raison de cette maladie. En France, moins de 2 % des personnes atteintes de glaucome perdent la vue. Et, le plus souvent, parce qu’elles n’ont pas été diagnostiquées et traitées à temps. Il est exceptionnel que des patients perdent la vue alors qu’ils ont bénéficié d’un diagnostic et d’un traitement à temps.

 

TLM : Comment faut-il pratiquer ce dépistage et qui doit-il concerner ?

Pr Florent Aptel : En France, il n’y a pas de dépistage systématique organisé. Cela explique pourquoi un tiers des cas de glaucome restent méconnus. Ce dépistage doit concerner, en particulier, toutes les personnes de plus de 50 ans, celles souffrant d’une forte myopie, les personnes ayant une peau foncée. Ce dépistage devrait être effectué tous les deux ans, avec une mesure de la pression intraoculaire et un examen du nerf optique par fond d’œil. Le problème est qu’actuellement l’accès aux ophtalmologistes est difficile. Les délais pour obtenir une consultation s’allongent, ce qui pourrait contribuer à retarder le dépistage. Si la mesure de la PIO peut être déléguée à des soignants non-médecins, l’examen du nerf optique ne peut être effectué que par un spécialiste. Cet examen est indispensable, car dans 10 à 30% des cas le patient atteint de glaucome présente une pression intraoculaire normale. La maladie évolue lentement. Il s’écoule en moyenne 10 à 15 ans entre le début des lésions et l’apparition de complications visuelles graves.

 

TLM : Quels examens restent à pratiquer une fois le diagnostic posé ?

Pr Florent Aptel : Une fois le diagnostic effectué, outre la pression intraoculaire et l’examen du nerf optique au fond d’œil, le bilan nécessite une imagerie du nerf optique par OCT et un examen du champ visuel pour mesurer le retentissement de la maladie. Le champ visuel évalue les conséquences fonctionnelles du glaucome. A l’issue de ce bilan, la maladie peut être qualifiée de débutante, modérée ou sévère. L’atteinte est en général bilatérale. Elle reste cependant longtemps asymptomatique. En l’absence de dépistage, les patients ne se rendent pas compte de la perte visuelle, car le cerveau compense les déficits, jusqu’à un certain point.

 

TLM : Comment prendre en charge les patients ?

Pr Florent Aptel : Le principe du traitement consiste à abaisser la pression intraoculaire pour freiner l’évolution de la neuropathie du nerf optique, y compris lorsque cette PIO est normale. Le premier traitement est médical. Il est basé sur la prescription de collyres. Il existe quatre classes thérapeutiques, sous forme de collyres, utilisées contre le glaucome. La première classe est représentée par les prostaglandines ; c’est le traitement le plus efficace. Il existe aussi les bêtabloquants, les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique et les agonistes adrénergiques. La première ligne de traitement ce sont les prostaglandines, à la dose d’une goutte par jour. Si la maladie évolue toujours, malgré le traitement, une bithérapie sera proposée en ajoutant un collyre à base de bêtabloquants et, si ce n’est pas toujours suffisant, une trithérapie sera prescrite.

 

TLM : Ces traitements sont-ils bien tolérés ?

Pr Florent Aptel : En général, en monothérapie, les médicaments sont bien supportés. Des effets secondaires peuvent apparaître, en particulier chez les personnes nécessitant une bithérapie ou une trithérapie. Les patients peuvent avoir les yeux rouges, irrités, secs. Soulignons que plus de 30% des glaucomateux ne suivent pas leur traitement, en raison de cette intolérance ou simplement parce que, le glaucome étant longtemps asymptomatique, ils ne se sentent pas malades. Les collyres sans conservateurs sont mieux tolérés, avec moins d’irritations, moins de sécheresse oculaire, moins de rougeurs. Aujourd’hui, en France, les trois quarts des collyres disponibles sont sans conservateur.

 

TLM : Quels résultats du traitement médical ?

Pr Florent Aptel : Grâce aux collyres, dans 80 à 90% des cas, l’évolution de la maladie est stabilisée. Pour certains patients qui ne suivent pas leur traitement, il est possible de proposer un traitement par laser, avec peu ou pas d’effets secondaires, mais avec un risque d’échec. Lorsque la maladie continue à évoluer, malgré le traitement médical —ce qui est rare—, une intervention chirurgicale doit être envisagée. Les patients souffrant de glaucome doivent être vus deux fois par an, pour surveiller la PIO, effectuer un fond d’œil et un OCT, et évaluer le champ visuel.

 

TLM : Comment améliorer le dépistage ?

Pr Florent Aptel : L’intelligence artificielle pourrait améliorer les techniques de dépistage du glaucome. Grâce à un appareil optique, une photo du nerf optique et de la rétine peut être prise par des soignants non-médecins. Les images sont alors interprétées par des logiciels d’intelligence artificielle.

Ces dispositifs en cours de développement devraient améliorer dans les années à venir le dépistage du glaucome. Autre nouveauté, il existe désormais des applications numériques, pour améliorer l’observance, car nombre de patients ne suivent pas correctement leur traitement, avec dans ce cas un risque d’évolution de la maladie vers la cécité. Ces applications envoient, par exemple, un SMS à heure fixe pour rappeler au patient d’appliquer le collyre. D’autres applications permettent aussi aux médecins prescripteurs de suivre directement l’observance du patient grâce à des histogrammes. L’Association France Glaucome, qui regroupe médecins et patients, a mis en place un site internet qui permet au patient de disposer de toutes les informations actualisées sur cette maladie : www.associationfranceglaucome.fr.

Propos recueillis

par le Dr Martine Raynal

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