• Pr. FERNANDEZ : Endométriose, traiter à la fois la douleur et l’infertilité

Hervé FERNANDEZ

Discipline : Gynécologie, Santé de la Femme

Date : 19/10/2020


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LM : Quelle est la fréquence de l’endométriose chez les femmes en âge de procréer?
Pr Hervé Fernandez : 
10 à 15 % des femmes en âge de procréer peuvent consulter pour une endométriose, sans pour autant que le tableau clinique soit toujours important puisqu’il n’y a pas de parallélisme entre l’importance de la pathologie et les symptômes : on peut avoir des lésions peu importantes et des manifestations cliniques qui le sont, ou l’inverse.

 

Quels sont les signes cliniques d’appel ?
C’est la loi des 5 D : Douleur pelvienne chronique, pendant plus de six mois ; Dysménorrhée, signe le plus fréquent ; Dyspareunie ; Dyschésie ; Dysurie. Ces signes n’étant pas tous constants chez une même patiente, il faut savoir les rechercher par un interrogatoire face à l’un d’eux. Dernier signe enfin, l’infertilité, isolée ou non.

 

Est-ce une maladie bien diagnostiquée ?

La question préalable est de savoir si l’on doit toujours mettre un nom sur l’origine de la douleur. Quand une patiente consulte par exemple pour une douleur isolée sans désir de grossesse, on se bornera à traiter la douleur. Si cette patiente tient à savoir s’il s’agit
d’une endométriose, il faut savoir qu’une fois le diagnostic posé elle ira sur les réseaux sociaux qui lui annonceront les pires choses, ce qui la perturbera parfois gravement. La question du diagnostic se pose donc pour les femmes souhaitant procréer. Néanmoins lorsque le traitement antalgique n’aboutit pas, après trois à six mois, la démarche diagnostique se justifie.

 

Par quels examens complémentaires affirme-t-on le diagnostic ?

On commence systématiquement par une échographie, excellent examen mais qui est opérateur-dépendant. Si l’échographiste pratique, par exemple, des échographies en 2D et non en 3D, les résultats ne seront pas bons. L’échographie présente l’intérêt d’être un examen dynamique permettant de repérer des adhérences entre organes intra-abdominaux — ovaire avec utérus, rectum ou sigmoïde avec paroi postérieure de l’utérus, etc. Si l’échographie n’est pas parlante ou en cas de doute on pratiquera une IRM, moins opérateur-dépendant, mais aussi moins dynamique. Elle permet néanmoins de repérer des lésions plus haut situées ou abdominales. On peut éventuellement recourir à l’échosonographie ou à l’échographie endorectale pour mettre en évidence des nodules dans la paroi recto-vaginale.

 

Comment évolue la maladie sans traitement ?

Vaste débat. La tendance actuelle est de la considérer comme peu évolutive. Il n’y a pas de dégénérescence cancéreuse, par exemple, et on ne meurt pas d’endométriose. La seule conséquence sérieuse est d’ordre urinaire : sténose de l’uretère qui peut entraîner une destruction rénale à bas bruit. De fait, il s’agit d’une pathologie bénigne, essentiellement fonctionnelle qu’il convient de prendre en charge en tant que telle. Il reste que les patientes sont anxieuses : il revient au médecin de les rassurer.

 

Quel est le traitement de première intention ?

Traiter la douleur. On pourra recourir à des adjuvants comme l’acupuncture, le yoga ou l’ostéopathie. Mais lorsque la douleur s’accompagne d’une infertilité, la discussion va s’établir avec la patiente — et le couple — qui aura à déterminer ce qu’elle privilégie. Si c’est la fertilité, on recourt aux techniques d’assistance médicale à la procréation. Le bilan d’infertilité est ici capital : en cas d’endométriome ou d’hydrosalpynx une cœlioscopie sera pratiquée dans le but de procéder à une chirurgie qui optimisera la fécondation in vitro. Lorsque l’endométriose est présente mais avec des douleurs acceptables on pratiquera une cœlioscopie qui visera à retirer la majorité des lésions de façon à optimiser les chances de grossesse spontanée ; mais au bout de six à neuf mois sans grossesse on passera à la fécondation in vitro.

 

Que faire si les douleurs persistent malgré un traitement antalgique classique ?

Face à des douleurs sans désir de grossesse, le traitement de base est l’œstroprogestatif en continu : en supprimant les règles on supprimera les douleurs. Si les œstroprogestatifs ne sont pas supportés on proposera des progestatifs. Certes, il n’en reste plus beaucoup, mais il y en a un qui est doté d’une AMM dans cette indication et qui marche à merveille, à savoir le diénogest, progestatif remboursé depuis peu. Administré en continu il permet d’éviter les douleurs de règles. S’il est suffisant on pourra le prescrire jusqu’à ce qu’il y ait un désir de grossesse. Si ce traitement est inefficace, on pourra recourir à une technique dite de back-thérapie, à savoir des agonistes de la LH-RH qui vont mettre les patientes en ménopause chimique. Et pour éviter les effets secondaires de la ménopause on utilisera de façon ciblée des œstrogènes, souvent par voie cutanée.

 

Quand recourir à la chirurgie ?

Je suis partisan de le faire parcimonieusement car il s’agit d’une chirurgie difficile. Dans 5 à 10% des cas elle se complique d’une fistule ou conduit à poser un anus artificiel pendant deux à trois mois, le temps de la cicatrisation. Dans 10% des cas cela provoquera une perte de la possibilité d’uriner. J’ajoute qu’après la chirurgie il y a 20 à 30% de récidives. Quand une patiente reste douloureuse malgré le traitement médical on peut discuter une intervention, en particulier en présence de nodules digestifs ou d’une atteinte urologique. Mais plus tard l’on pose l’indication opératoire, mieux c’est. C’est là ma position mais certains chirurgiens sont plus interventionnistes, car des patientes peuvent être gênées jusqu’au handicap. Comme le préconisent les recommandations, ces dossiers complexes doivent être discutés en réunion de concertation pluridisciplinaire pour choisir l’acte thérapeutique.

 

Propos recueillis par Daniel Paré 

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