• Pr FARDELLONE : Supplémenter en calcium et vitamine D toutes les populations à risque

Patrice FARDELLONE

Discipline : Rhumato, Orthopédie, Rééduc

Date : 09/07/2020


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PLUS D’1 FEMME MÉNOPAUSÉE SUR 3 SOUFFRE D’OSTÉOPOROSE. DES APPORTS ADÉQUATS EN CALCIUM ET VITAMINE D SONT DES PRÉREQUIS AU TRAITEMENT. ENTRETIEN AVEC LE PR PATRICE FARDELLONE, PROFESSEUR DE RHUMATOLOGIE AU CHU D’AMIENS, MEMBRE

DU COMITÉ SCIENTIFIQUE DU GROUPE DE RECHERCHE ET D’INFORMATION SUR LES OSTÉOPOROSES (GRIO)

 

TLM : Quelles sont les conséquences d’un apport insuffisant en calcium?


Pr Patrice Fardellone : Si les apports en calcium sont insuffisants, le corps va devoir puiser dans ses réserves osseuses, ce qui va favoriser l’ostéoporose. Or, près de la moitié des femmes ménopausées ont des apports insuffisants en calcium. Pour déterminer son statut, on peut utiliser un questionnaire comme celui accessible sur le site du GRIO. Les instances de santé publique recommandent un apport de 1200 mg par jour chez la femme ménopausée, ce qui permet de protéger 97,5% de la population. Pour simplifier le message, le GRIO préconise 1000 mg/jour pour tous les publics. En cas d’apports insuffisant, il faut d’abord privilégier le calcium d’origine alimentaire. Le PNNS recommande deux produits laitiers par jour. On peut aussi avoir recours aux eaux richement minéralisées (environ 500 mg/L). Sinon, il faut supplémenter.

 

TLM : Quid des effets potentiels d’une carence en vitamine D ?


Pr Patrice Fardellone : Si le taux de vitamine D est insuffisant, le bilan calcique sera négatif, ce qui va appauvrir le squelette. La vitamine D est en effet nécessaire à la fois pour la fixation du calcium sur l’os et pour son absorption au niveau de l’intestin. Rappelons que la vitamine D provient de l’alimentation (20%) mais surtout de la synthèse par la peau (80%) lors de l’exposition aux UVB du soleil. En raison d’un faible ensoleillement, les statuts insuffisants en vitamine D sont très fréquents en France. Une prise de sang permet de déterminer son statut. Un taux supérieur ou égal à 20 ng/ml est recommandé chez les personnes en bonne santé et un taux entre 30 et 50 ng/ml chez les femmes ménopausées ayant de l’ostéoporose. Un taux inférieur à 10 ng/ml traduit une carence en vitamine D qui peut aboutir à de l’ostéomalacie.

 

TLM : La supplémentation en vitamine D est-elle recommandée chez la femme ménopausée ou souffrant d’ostéoporose ?


Pr Patrice Fardellone : Nous recommandons une supplémentation systématique en vitamine D pour les populations à risque, c’est-àdire les femmes ménopausées de plus de 70 ans, celles qui ont la peau foncée, qui portent le voile ou qui ne sortent pas de chez elles. On sait qu’avec une prise de 50 000 UI par mois, 9 femmes sur 10 atteindront la cible 20 ng/ml. Pour les femmes suspectées d’ostéoporose, un dosage est nécessaire. Si le taux est compris entre 20 et 30 ng/ml, on prescrit une ampoule de 50 000 UI par semaine pendant quatre semaines, puis une ampoule tous les mois. Un dosage de contrôle est effectué à six ou huit semaines. En cas de taux inférieur à 20 ng/ml, une ampoule par semaine est prescrite pendant huit semaines, puis une par mois. Chez les femmes ménopausées obèses, il faut doubler voire tripler les doses.

 

TLM : Que pensez-vous de l’association 500 mg calcium/1000 UI de vitamine D3 ?

 

 Pr Patrice Fardellone : Cette supplémentation est bien adaptée à la physiologie pour les femmes ayant des insuffisances à la fois en calcium et en vitamine D. En effet, les 500 mg de calcium permettent de compléter les apports alimentaires estimés au minimum entre 500 et 600 mg, pour atteindre la cible de 1 000 ou 1 200 mg par jour. Des doses plus élevées de calcium ne sont pas recommandées. L’administration quotidienne de 1000 UI en vitamine D est par ailleurs optimale pour l’os.

 

TLM : Quelles recommandations donner aux patients ostéoporotiques qui ne sont pas sortis de chez eux depuis la mi-mars ?

 

Pr Patrice Fardellone : La priorité est de se traiter, surtout ne pas suspendre son traitement ! Parmi les femmes ayant une ostéoporose qui ont déjà fracturé, moins de 10% ont un traitement spécifique... Pour les personnes confinées en ville sans jardin, une supplémentation en vitamine D seule est préconisée si le patient n’a pas de carence en calcium. Si l’apport en calcium est aussi insuffisant, l’association 500 mg calcium/ 1000 UI de vitamine D3 est pertinente.

 

TLM : Comment évaluez-vous la prise en charge par les médecins généralistes ?

 

Pr Patrice Fardellone : Malgré les efforts, elle reste insuffisante. La moitié des patients arrêtent leur traitement au bout d’un an. Et le nombre de densitométries et de traitements anti-ostéoporotiques prescrits baisse chaque année... Face à des facteurs de risque d’ostéoporose (ménopause précoce, antécédent personnel ou d’un parent du premier degré de fractures, etc.), même minime, le praticien doit penser à prescrire cet examen et, s’il le faut, un traitement. Le prérequis est de s’assurer que les statuts en calcium et vitamine D sont adéquats.

 

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