• Pr Etienne Larger : Les bonnes indications de l’autosurveillance glycémique

Etienne Larger

Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition

Date : 23/10/2023


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« L’Autosurveillance glycémique s’adresse à tous les patients DT1 et aux DT2 prenant des médicaments pouvant provoquer des hypoglycémies ou chez les insulinotraités. Si elle n’est pas proposée à ces patients, c’est une perte de chance », indique le Pr Etienne Larger, chef du service de Diabétologie à l’AP-HP Centre - Université Paris Cité.

 

TLM : À quoi sert l’autosurveillance des glycémies ?

Pr Etienne Larger : L’autosurveillance des glycémies (ASG) a trois objectifs pour le patient. Le premier est d’ajuster les thérapeutiques en fonction des résultats glycémiques obtenus pour rester dans les intervalles permettant d’obtenir l’HbA1c souhaitée. Le deuxième objectif cible la surveillance de la glycémie à titre éducatif et cognitif. Le patient doit apprendre à connaître l’impact d’une activité, d’un repas, d’une émotion ou d’un événement intercurrent sur sa glycémie. Cette indication est pour une période limitée et n’est pas forcément définitive. Le troisième objectif recherche la confirmation des épisodes d’hypoglycémie lors de l’apparition de symptômes concordants

 

TLM : L’ASG s’adresse à quels patients DT1 et DT2 ?

Pr Etienne Larger : Elle est indiquée chez tous les patients DT1 et chez certains patients DT2 ciblés. Aujourd’hui, tous les diabétiques de type 1 ont un schéma insulinique leur offrant une souplesse en termes d’auto-ajustement des insulines afin d’être dans les objectifs. Pour ces patients, l’ASG est une nécessité. Pour les diabétiques de type 2 n’ayant que la metformine ou un traitement dont il ne leur est pas proposé de le modifier quotidiennement, il n’existe pas d’indication réelle pour une autosurveillance sur le long terme. Celle-ci peut être transitoire, à titre cognitif, pour apprendre à connaître le diabète. En revanche, l’ASG s’adresse à des patients DT2 ayant des médicaments potentiellement responsables d’hypoglycémies (sulfamines hypoglycémiants ou glinides) ou chez ceux insulinotraités. Si elle n’est pas proposée à ces patients, c’est une perte de chance. Il est important de noter que certaines études ont montré que l’ASG pouvait avoir un effet déprimant pour un patient voyant de mauvais résultats sans avoir de consignes pour les améliorer.

 

TLM : Quels sont les objectifs pour les deux types de diabète ?

Pr Etienne Larger : Dans tous les cas, et c’est aussi une évolution majeure de ces dernières années, les objectifs sont individualisés en fonction de l’espérance de vie, des complications connues du diabète, des situations de la vie, d’une grossesse, d’antécédents cardiovasculaires, de la fragilité (terme important chez les personnes âgées !), de l’entourage du patient, de sa capacité à s’impliquer dans sa maladie.

Globalement, dans le DT2, l’objectif général est une HbA1c <7 %. Pour le DT1, nous avons changé de paradigme. En France, presque tous les patients DT1 ont un système de mesure en continu dont l’objectif majeur est d’être, pendant 70 % du temps, dans les valeurs de glycémie comprises entre 70 mg/dL et 180 mg/dL. Ces valeurs sont corrélées à une HbA1c aux alentours de 7 %. Le patient a ainsi une vue directe sur ses résultats et peut calculer quotidiennement le nombre d’heures dans la journée où il a été dans cet objectif.

 

TLM : Quels sont les dispositifs d’automesure ?

Pr Etienne Larger : Il existe aujourd’hui deux grands systèmes. D’une part, la mesure de la glycémie capillaire par un lecteur de glycémie analysant le taux de glucose sanguin d’une goutte de sang ponctionnée sur le bout du doigt à l’aide d’un piqueur et placée sur une bandelette réactive, et, d’autre part, le système de mesure en continu de la glycémie (toutes les minutes) par un capteur disposant d’une électrode placée dans le tissu interstitiel sous-cutané. Ce dernier dispositif maintenant capable d’afficher en continu sur le smartphone la valeur de la glycémie et d’activer des alarmes hautes et basses.

Depuis 2023, son indication s’est étendue aux patients DT2 traités par insuline basale.

 

TLM : La prescription de ces systèmes s’accompagne-t-elle obligatoirement d’une éducation du patient ?

Pr Etienne Larger : Cela fait partie des critères. Ces systèmes doivent être utilisés par les patients intelligemment. Ils doivent au minimum comprendre les chiffres. Sont-ils dans les objectifs fixés ? Qu’est-ce qu’une valeur haute, très haute, basse et très basse ? Quelles sont leurs circonstances de survenue et quelle est la conduite à tenir ? Pour un patient totalement béotien quant aux chiffres, des lecteurs de glycémie donnent un code couleur : vert (bon), orange (médiocre) et rouge (dangereux).

 

TLM : La mesure de l’HbA1c doit-elle être complétée en laboratoire ?

Pr Etienne Larger : Oui chez les patients ayant un système de mesure de la glycémie capillaire. Mais chez ceux ayant un système de mesure en continu de la glycémie, à condition qu’il soit porté plus de 75 % du temps, le dosage de l’HbA1c n’a pas d’utilité. En effet, le marqueur important à suivre est la moyenne de glycémie et le temps passé dans l’objectif, qui est ensuite traduite en HbA1c. Ce paramètre est directement transmis par le système de mesure continue.

 

TLM : Que peut prescrire le médecin généraliste ?

Pr Etienne Larger : L’arrêté du 13 juin 2023, qui élargit la prise en charge de la mesure en continu du glucose aux patients DT2 bénéficiant d’une insulinothérapie non intensifiée dont l’HbA1c est ≥ 8 %, précise que la première prescription, pour une période d’essai, peut être faite par le médecin généraliste dans cette indication. Dans le DT1 et/ou insulinothérapie intensifiée, la primo-prescription doit toujours être faite par un diabétologue ou un pédiatre expérimenté en diabétologie pour les enfants.

 

TLM : Quel est le niveau d’équipement des DT2 éligibles aux dispositifs d’ASG ?

Pr Etienne Larger : Probablement trop élevé car certains patients ont une prescription d’ASG alors que cela ne leur apporte rien. Un grand nombre de lecteurs de glycémie sont inutilisés chez ces patients…

 

TLM : Le passage de la télésurveillance dans le droit commun pour le diabète insuliné vient d’être acté. Est-ce une avancée, selon vous ?

Pr Etienne Larger : C’est une avancée majeure mais des règles sont à respecter. La télésurveillance doit s’accompagner d’un dialogue singulier avec le patient dont l’objectif est avant tout de passer des caps difficiles (initiation d’une insulinothérapie, grossesse ou moment difficile dans la vie). Nous appelons cela le télé-accompagnement. Pour le patient, cela n’a pas vocation à être pérennisé éternellement, mais essentiellement à acquérir les compétences pour évoluer vers l’autonomie.

Propos recueillis

par Alexandra Cudsi

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