• Pr. EMMERICH : Pour repérer les signes cliniques et prendre en charge la TVP

Joseph EMMERICH

Discipline : Cardiologie

Date : 25/04/2021


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Quelle est la fréquence des thromboses veineuses profondes ?
Pr Joseph Emmerich :
Il y aurait chaque année entre 1,5 à 2 nouveaux cas par an pour 1 000 personnes. Ce taux atteint 0,5à1%decasparanpourlespersonnes âgées de plus de 75 ans. Concernant les thromboses veineuses profondes des membres inférieurs, leur fréquence est de l’ordre de 70 000 cas par an en France. Ces thromboses veineuses sont plus souvent évoquées qu’autrefois grâce aux démarches diagnostiques qui aujourd’hui permettent de les identifier plus facilement. Je rappelle ici que la thrombose veineuse expose au risque de migration d’embols dans la veine cave inférieure, puis dans les artères pulmonaires, avec un risque d’embolie pulmonaire.

Quelles sont les situations à risque de thrombose veineuse profonde ?

L’âge représente le principal facteur de risque. Deuxième facteur, le cancer : le risque de thrombose veineuse est augmenté pour quasiment tous les types de cancer. L’alitement, l’immobilisation, consécutives, par exemple, à une chirurgie orthopédique, au port d’un plâtre, à une insuffisance cardiaque, une infection sévère ou à un accident vasculaire cérébral majorent aussi nettement ce risque. Autres facteurs de risque, la prise de contraception œstro-progestative qui le multiplie par deux ou trois, selon le type de pilule utilisée, ainsi que le traitement hormonal de la ménopause. La grossesse constitue également une situation à risque. Enfin, certaines caractéristiques génétiques comme les mutations du facteur V (facteur V Leiden) peuvent être responsables de thrombose veineuse profonde.

Comment déceler une thrombose veineuse profonde ?

Les signes ne sont pas toujours évidents. Il n’y a aucun symptôme qui soit totalement spécifique. La douleur au niveau d’un mollet, associée à une inflammation, à un œdème unilatéral de la jambe ou de la cheville, l’apparition de veines superficielles, sont les symptômes les plus typiques. Mais la douleur peut être minime. De manière générale, il n’y a pas de parallélisme entre l’importance des symptômes et la gravité des lésions. Ce qui rend le diagnostic parfois difficile. De même si l’embolie pulmonaire est caractérisée typiquement par un essoufflement, des douleurs thoraciques, une hémoptysie, les symptômes peuvent être larvés, avec, par exemple, seulement une toux, des douleurs thoraciques. Là encore l’importance de la douleur n’est pas corrélée avec la sévérité. D’où la nécessité d’aller au bout de la démarche diagnostique dès qu’on évoque ce possible diagnostic.

Comment poser le diagnostic ?

Il existe des scores très utiles qui permettent de quantifier la probabilité clinique qu’il s’agisse bien d’une thrombose veineuse profonde ou d’une embolie pulmonaire. Par exemple, le score de Wells lequel est basé sur une dizaine de critères différents, signes cliniques, antécédents de cancer, facteurs de risque, etc. En fonction du score, la probabilité de phlébite est classée comme faible, modérée ou élevée. Pour les probabilités faibles ou modérées, le dosage des D-dimères permet d’y voir plus clair. Si le dosage est négatif, le diagnostic est éliminé. En revanche, si la probabilité est élevée, et même si les D-dimères sont négatifs, le diagnostic de thrombose veineuse est considéré comme probable et les examens complémentaires doivent être prescrits. L’écho-doppler permet de poser le diagnostic de thrombose veineuse profonde, l’angio-scanner (ou maintenant plus rarement une scintigraphie pulmonaire) celui d’embolie pulmonaire. Un bilan reste nécessaire pour rechercher le facteur de risque à l’origine de la thrombose, s’il n’est pas évident.

La prise en charge des thromboses veineuses peut-elle se faire en ville ?
 

Bien entendu, la grande majorité des cas est d’ailleurs gérée par les médecins généralistes. Dans certaines conditions, les embolies pulmonaires peuvent aussi être traitées en ambulatoire à condition d’avoir un score de PESI simplifié (qui évalue la gravité) à zéro. Ce score est notamment basé sur la saturation en oxygène, la fréquence cardiaque, la tension artérielle...Si le patient est traité à domicile, il est impératif de le revoir 48 à 72 heures après le début du traitement pour s’assurer de la bonne évolution des symptômes.

Comment traiter les patients avec une thrombose veineuse profonde ?

Une fois le diagnostic affirmé, le traitement anticoagulant doit être immediatement prescrit. Les anticoagulants oraux directs sont en général utilisés en première intention maintenant dans les situations simples, du fait de leur facilité d’utilisation. Les anticoagulants injectables (les héparines de bas poids moléculaire) sont privilégiés, quant à eux, dans certaines situations précises, avec de préférence une seule injection par jour. Ces anticoagulants injectables sont utilisés en début de traitement pour les patients atteints de cancer et souffrant d’une thrombose veineuse profonde, ou en prévention pour les personnes à risque, ou encore en cas de contre-indication aux anticoagulants oraux directs, du fait d’interactions médicamenteuses. Les traitements anticoagulants oraux directs ne nécessitent pas de surveillance biologique. Le risque hémorragique est faible, en tout cas inférieur à celui associé aux anti-vitamines K. La prise d’anticoagulants dure au minimum trois mois, avec une surveillance clinique et un écho-doppler au bout d’un mois. Pour les patients souffrant de thrombose veineuse profonde symptomatique, des bas de contention peuvent être proposés même s’il n’y a pas de certitude concernant leur intérêt dans la prévention des séquelles. La dermite ocre, l’ulcère variqueux peuvent être la conséquence d’une phlébite (syndrome post-thrombotique). Il n’y a pas de contre-indication à la marche, en phase aigüe. L’angio-scanner de contrôle et surtout l’échocardiographie en cas d’embolie pulmonaire visent à vérifier l’absence de séquelles à long terme et l’éventuelle survenue d’une hypertension artérielle pulmonaire post-embolique.

Dans quelles situations une prévention des thromboses veineuses profondes doit-elle être mise en place ?

Face à une situation à risque, comme un alitement du à une plâtre ou à une insuffisance cardiaque par exemple, la prévention passe par une prescription d’anticoagulants et en particulier d’héparine de bas poids moléculaire, pour une durée qui dépend de celle de l’alitement. La prévention en ce domaine a fait depuis longtemps la preuve de son efficacité. Dans certains cas, comme après une prothèse de hanche ou une prothèse de genou, une prévention plus prolongée de quelques semaines peut être proposée.

Propos recueillis par le Dr Clémence Weill

 

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