• Pr Éric Renard : Diabète de type 1, méconnu du public et au diagnostic tardif

Éric Renard

Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition

Date : 06/07/2023


  • 372_photoParole_132PERenard.jpg

En hausse depuis plusieurs années, notamment chez les très jeunes enfants, le diabète de type 1 reste diagnostiqué tardivement, en raison d’une méconnaissance des signes d’alerte par le grand public, déplore le Pr Éric Renard, chef du service d’Endocrinologie-Diabétologie au CHU de Montpellier, médecin coordinateur du Centre d’investigation clinique à l’hôpital Lapeyronie (CHU de Montpellier-Université de Montpellier).

 

TLM : L’incidence du diabète de type 1 ne cesse d’augmenter en France et, plus globalement, dans les pays industrialisés. Quelles en sont les raisons ?

Pr Éric Renard : Nous l’ignorons. On estime entre 200 000 et 250 000 le nombre de Français souffrant d’un diabète de type 1, ce qui représente 8 % de l’ensemble des diabétiques. Mais ce qui est nouveau, et assez alarmant, c’est la hausse des cas chez les très jeunes enfants, âgés parfois de moins d’un an. Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune qui résulte d’une attaque des cellules bêta des îlots de Langherans du pancréas, notamment par les lymphocytes T ; et, comme toutes les maladies auto-immunes, son incidence augmente depuis une vingtaine d’années sans que l’on sache pourquoi. Dans la mesure où les causes génétiques de cette maladie sont invariables, l’hypothèse environnementale qui comprend l’exposition aux polluants et aux infections virales semble la plus probable.

 

TLM : Comment apparaît le diabète de type1?

Pr Éric Renard : Cette maladie se caractérise par deux phases : une phase préclinique et une phase symptomatique. Les signes typiques (polydipsie liée à la polyurie, fatigue anormale, perte de poids malgré un appétit conservé voire augmenté) apparaissant quand il ne reste plus que 10% des cellules productrices d’insuline dans le pancréas, la phase préclinique asymptomatique peut durer plusieurs semaines, plusieurs mois, voire plusieurs années. Chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes, le diabète de type 1 est encore beaucoup trop souvent diagnostiqué aux Urgences après un épisode aigu d’acidocétose, qui se manifeste par une polypnée, une déshydratation massive et parfois un coma. C’est heureusement de plus en plus rare, mais il y a encore des cas mortels. Ce retard au diagnostic est essentiellement lié à la méconnaissance de cette maladie par le grand public ; les gens la confondent généralement avec le diabète de type 2, associé à la malbouffe et au surpoids, ils n’imaginent pas que de jeunes enfants ou des personnes de corpulence svelte puissent être diabétiques. En outre, rares sont ceux qui connaissent les signes d’alerte.

 

TLM : Pourtant son diagnostic est simple...

Pr Éric Renard : En effet, il repose sur le dosage de la glycémie associé à la recherche d’acétone pour caractériser sa gravité.

 

TLM : L’existence d’un diabète de type 1 dans une famille doit-elle amener à dépister ses autres membres ?

Pr Éric Renard : Les familles comptant plusieurs enfants atteints d’un diabète de type 1 sont très rares. Par ailleurs, le risque de transmission entre un parent et ses enfants est faible, de l’ordre de 5%. Néanmoins, un nouveau traitement —l’anticorps monoclonal teplizumab— pourrait faire évoluer les recommandations et inciter à procéder à une recherche systématique des auto-anticorps contre les cellules bêta des îlots de Langherans chez les enfants d’une fratrie où un cas a déjà été diagnostiqué. Dans l’essai TrialNET mené contre placebo en 2019 sur 80 enfants ayant des auto-anticorps, ce traitement, approuvé par les autorités de santé américaines, a retardé de deux ans l’apparition de la maladie. Multiplier les perfusions peutil empêcher son développement ? On l’ignore. Pour l’heure, ce médicament très coûteux (~15 000 euros) ne possède pas d’autorisation de mise sur le marché en France.

 

TLM : En attendant, le traitement du diabète de type 1 repose toujours exclusivement sur l’administration d’insuline...

Pr Éric Renard : En effet. L’administration de cette hormone qui fait défaut peut se faire via des injections pluriquotidiennes ou au moyen d’une pompe à insuline. Le protocole thérapeutique doit impérativement être individualisé afin que la dose d’insuline soit adaptée à la glycémie, à la quantité de glucides consommés et à l’activité du patient. Pour s’en assurer, ce dernier doit procéder à des mesures pluriquotidiennes de sa glycémie, soit capillaire à l’aide de bandelettes et d’un lecteur, soit interstitielle à l’aide d’un capteur inséré en sous-cutané. Des séances d’éducation thérapeutique complètent la prescription. Chez les enfants de moins de cinq ans, pour lesquels les doses d’insuline sont très faibles, on privilégie la pompe à insuline qui permet d’aboutir à un meilleur équilibre glycémique. Chez les adolescents et les adultes, cela dépend si l’équipe médicale a été formée aux techniques d’insulinothérapie par pompe —ce qui reste assez limité. Pour preuve, seuls 35 % des adultes diabétiques disposent d’une pompe à insuline malgré les avantages évidents de ce dispositif dans la prise en charge.

 

TLM : Les complications à long terme restent-elles fréquentes ?

Pr Éric Renard : On en voit de moins en moins. C’est dès le diagnostic que tout se joue : il faut d’emblée rechercher le meilleur contrôle de la glycémie et donner le maximum d’informations au patient sur les enjeux du traitement. Le diabète de type 1 est une maladie contraignante qui peut être mal vécue, notamment à l’adolescence ; c’est à cette période que l’on observe d’ailleurs le plus de cas d’acidocétose par omission des injections d’insuline ou par un mode de vie peu compatible avec cette maladie. Son acceptation est essentielle pour limiter le risque de complications à long terme. Celles-ci se développent à bas bruit pendant plusieurs années, il est donc indispensable de faire des examens de contrôle. On préconise un examen des yeux (fond d’œil), un dosage de la créatinine, un électrocardiogramme, un examen cardiovasculaire et un examen neurologique tous les ans après dix ans de maladie. Même si les patients sont essentiellement suivis par leur diabétologue, le médecin généraliste a un rôle essentiel à jouer : il peut réexpliquer les enjeux du traitement, rappeler l’importance des examens annuels de contrôle et s’assurer qu’ils ont bien été réalisés. Avec une bonne prise en charge, les complications ne sont pas une fatalité. Grâce aux progrès technologiques, les personnes atteintes d’un diabète de type 1 peuvent vivre comme les autres, rien ne leur est interdit —hormis, malheureusement, l’accès à certains métiers en raison d’une législation archaïque qui mériterait d’être dépoussiérée !

Propos recueillis

par Mathilde Raphaël

  • Scoop.it