• Pr. DURLACH : Objectifs de réduction du LDL-C

Vincent DURLACH

Discipline : Métabolisme, Diabète, Nutrition

Date : 24/07/2020


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LA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE DE CARDIOLOGIE VIENT DE PUBLIER
DE NOUVELLES RECOMMANDATIONS, NOTAMMENT EN MATIÈRE D’OBJECTIFS DE LA DIMINUTION DU LDL EN CAS D’HYPERCHOLESTÉROLÉMIE. ENTRETIEN AVEC LE PR VINCENT DURLACH (LIPIDOLOGUE, CHU REIMS) QUI EN FAIT L’ANALYSE...

 

TLM : Quand commenceton à parler d’hypercholestérolémie ?
Pr Vincent Durlach :
Rappelons qu’il en existe deux types : d’une part familiale d’or dre génétique monogénique (touchant de l’ordre de 250 000 personnes en France) , et de l’autre polygénique beaucoup plus fréquente. Sachant que le taux moyen du LDL cholestérol dans la population est de 1,30/L chez les adultes bien portants, on commence à penser à une hypercholestéro lémie familiale héréditaire lorsque le LDL est supérieur à 1,90 g/L chez un adulte quel que soit le sexe. Quand le LDL se situe entre 1,30 et 1,90 g/L, on est du côté des hyper cholestérolémies polygéniques, avec un cholestérol qui augmente au fil du temps et qui est également sensible aux facteurs de l’environnement, notamment à la diété tique et l’activité physique.

 

TLM : Les récentes recommandations de la Société européenne de cardiologie préco nisent d’abaisser le plus possible le LDL (cf graphique en page 34)...

Pr Vincent Durlach : Faire baisser le LDL cholestérol dans un contexte de risque car diovasculaire a du sens. Concernant l’hyper cholestérolémie familiale où le niveau de risque est élevé, ces recommandations pré conisent que le LDL soit diminué à moins de 0.70 g /L en l’absence de facteur de risque cardiovasculaire associé et à moins de 0,55/L chez les sujets à très haut risque vasculaire (en particulier en prévention secondaire). La justification de la diminution des niveaux de LDL émane d’études très récentes sur les inhibiteurs de PCSK9 (FOURIER, ODYS SEY...) qui ont montré qu’en faisant dimi nuer le LDL à moins de 0,55/L g on rédui sait l’incidence des événements cardiovas culaires, ce qui est un point très important.

faible à modéré le bon sens consiste à adopter une gestion globale des facteurs de risque et non une médicalisation à ou trance. On en passera par des mesures hy giénodiététiques raisonnables (alimenta tion équilibrée, activité physique régulière en ne laissant jamais de côté le sevrage ta bagique), parfois complétées par un traite ment pharmacologique.

J’attire votre attention sur le fait que ces re commandations sont européennes et qu’en France nous n’avons plus de recom mandations puisque les nôtres revues en 2017 ont été récemment invalidées. Elles préconisaient des concentrations cibles un peu plus élevées que les recommandations européennes : 0,70g/L au lieu de 0,55 g/L en prévention secondaire et 1 g/L au lieu de 0,70 g/L en prévention primaire chez les sujets à haut risque vasculaire. Les agences réglementaires françaises sont donc dans la nécessité de produire de nou velles recommandations en tenant compte des études PSCK 9, sachant que dans l’ im médiat deux possibilités s’offrent aux pres cripteurs : considérer le consensus d’ex perts français publié en 2016 (Consensus Statement on the Management of Dyslipidae mias in Adults. Beliard S. et al. Diabetes Me tab. 2016 Dec ; 42(6):398408) mainte nant un peu daté ou s’approprier les nou

velles recommandations européennes plus actualisées, ce qui est la tendance du mi lieu cardiologique.

 


TLM : Le HDL resteil le bon cholestérol ?
Pr Vincent Durlach : Tout n’est pas si simple et cela a donné lieu à un vif débat au cours des années précédentes ; or la majorité des études de randomisation mendélienne ainsi que les essais thérapeutiques (en particulier avec l’acide nicotinique et les inhibiteurs de la CETP) qui ont tenté de le démontrer ont été négatives ; de plus la relation entre la morta lité toutes causes et vasculaire et le HDLC est une courbe en U. Pour ces raisons la notion de bon cholestérol a été reconsidérée. Il reste qu’un niveau élevé de HDL est un marqueur : il est plus élevé chez les patients ayant une ac tivité physique régulière, mais aussi chez ceux qui consomment de l’alcool régulièrement... Un HDL élevé n’est probablement pas de mauvais pronostic mais on ne peut plus rassu rer les gens qui ont des taux élevés de HDLC.

 

TLM : Comment conduire la prise en charge ?
Pr Vincent Durlach : Face à une anomalie lipidique, hypercholestérolémie ou hyper triglycéridémie, il faut commencer par s’as surer de l’absence d’une cause sousjacente —hypothyroïdie, diabète sucré , etc. ou cer tains médicaments comme les corticoïdes, les antirétroviraux... qui aussi font aug menter les lipides. Il faudra donc traiter une éventuelle pathologie sousjacente et s’at taquer aux facteurs de risque —tabagisme, surpoids, etc.— et mettre en place des rè gles hygiénodiététiques. Les médicaments ne doivent intervenir que dans un deuxième temps, au bout de trois à six mois. En cas d’hypercholestérolémie fami liale dont le dépistage est actuellement beaucoup trop tardif, le traitement médica menteux interviendra bien plus tôt afin de protéger ces patients d’un accident cardio vasculaire précoce dont le risque est multi plié par 13 ! Pour ce qui concerne le traite ment pharmacologique de l’hypercholesté rolémie de première ligne on utilisera des statines, bien tolérées dans 90 % des cas. Lorsqu’il y a des effets secondaires, essen tiellement articulaires et musculaires, ils de meurent en règle modestes, mais s’ils sont importants on réduira la posologie, alternera les prises et si cela ne suffit pas on changera ou supprimera la statine. On commencera donc par une posologie faible pour l’augmenter progressivement. En prévention secondaire on agira d’emblée sur les deux axes : règles hygiénodiététiques et traitements médicamenteux en utilisant de fortes doses de statines.

 

 

 

TLM : Et si l’objectif n’est pas atteint avec les statines ?
Pr Vincent Durlach :
On ajoutera de l’ézétimibe généralement bien tolérée. Il existe aussi un médicament ancien
mais efficace, la colestyramine, mais qui présente l’inconvénient d’entraîner fréquemment une constipation ainsi que des risques d’interférences médicamenteuses (donc à prendre à distance des autres traitements).

Concernant les inhibiteurs de PCSK9, les nouvelles recommandations les préconisent lorsqu’on a utilisé les deux médicaments précédents, sauf qu’en France le remboursement reste très limité : moins de 500 patients les utilisent actuellement. De toute évidence bien plus de patients mériteraient de bénéficier de ce traitement, par exemple les hypercholestérolémiques familiaux avec ou sans atteintes cardiovasculaires ou les patients présentant des atteintes coronariennes sévères avec un LDL restant élevé, non contrôlés par le traitement hypolipémiant maximum bien toléré. Des négociations sont en cours avec les autorités compétentes — à savoir la Commission de la transparence et le Comité économique des produits de santé

(CEPS)— concernant les conditions de remboursement qui devraient éclaircir les choses dans le courant de l’année 2020.

 

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